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Nouvelle parution
Bertrandon de la Broquère, Le Voyage d'Orient

Bertrandon de la Broquère, Le Voyage d'Orient

Publié le par Bérenger Boulay (Source : Editions Anacharsis)

Bertrandon de la Broquère, Le Voyage d'Orient. Espion en Turquie

Introduction et notes de Jacques Paviot, professeur d'histoire du Moyen Âge à l'université du Val de Marne.Mis en français moderne par Hélène Basso, enseignante à l'université d'Avignon

Toulouse: Editions Anacharsis, "coll. "Famagouste", 2010, 224 p.

  • Isbn 13 (ean):  9782914777599
  • Prix : 18 €

« Parce que j'ai un peu fréquenté les Turcs et vu leurs manières de faire, tant en leur façon de vivre que de s'équiper pour la guerre, et aussi que j'ai entendu parler de remarquables personnes qui les ont vus dans leurs grandes actions, je me suis enhardi, quitte à être corrigé par ceux qui connaissent ce sujet mieux que moi, d'en parler un peu, selon la compréhension que j'en ai. Surtout parce qu'ils ont remporté autrefois de grandes victoires sur les chrétiens, je parlerai des conduites qu'il faudrait adopter pour les battre et les vaincre dans les batailles, ainsi que des hommes qu'il faudrait y employer, et, par là, gagner leurs seigneuries. »

L'auteur

En l'an de grâce 1432, Bertrandon de la Broquère, « écuyer tranchant » du duc Philippe de Bourgogne, dit le Bon, s'embarque pour ce que l'on nommait alors l'Outre-mer, l'Orient de la terre sainte, des mondes turc et balkanique. Ce qui ne devait être qu'un pèlerinage à Jérusalem va se transformer en l'un des plus étonnants voyages qu'un occidental ait entrepris dans ces régions, et, surtout, en l'un des récits de voyages médiévaux les plus lumineux qui ait jamais été écrits.

Espion

Bertrandon, après avoir visité Jérusalem, poussé par ce que l'on est bien obligé d'appeler l'esprit d'aventure, décide de faire le chemin de retour par voie de terre. Il se met en route, déguisé en turc, par les chemins les plus dangereux alors pour un chrétien. Il s'engage clandestinement dans une caravane revenant du pèlerinage de la Mecque, et pénètre ce que l'on nommait alors la Turcomanie en direction de Constantinople, capitale fantôme de l'Empire byzantin en décomposition.

Témoin

L'immense qualité du récit de Bertrandon ne réside nullement dans le merveilleux ou le fantastique que d'autres mettent en avant dès qu'il s'agit de l'Orient. C'est ici tout le contraire. Jamais peut-être un esprit aussi vif que le sien ne nous a permis de toucher véritablement la réalité des pays qu'il traverse. Non pas un réel théorisé, pensé, conçu et réfléchi, mais celui tout de couleur, d'odeur et de bruit que l'on rencontrait alors sur les grands chemins du Proche Orient.

Bertrandon s'en tient à son expérience. Il dresse par touches vives les portraits saisissants de tels cavaliers arabes aperçus parmi les arbres rares du désert de Syrie, de tel prince régnant sur les plateaux anatoliens détaillé par le voyageur tandis qu'il était assis au fond de la salle de réception ; il peint sobrement les paysages des rives du golfe d'Alexandrette ou les villages de Thrace avec une force évocatrice qui laisse comprendre les ravages encore récents de guerres passées aussi bien que la grandeur enfuie de ces régions dont témoignent les ruines imposantes encore debout.

Mais à voyager dans l'ombre de Bertrandon, ce sont encore les hommes qu'il croise qui restent le mieux en mémoire, tel ce Mohammed le Mamelouk, qui le prend sous son aile protectrice au sein de la caravane et avec qui il partagera les nuits à la belle étoile, le pain et (surtout) le vin… Comme en une lanterne magique, ce sont des marchands génois, vénitiens ou catalans, des Bédouins pillards, des villages nomades de Turcomans, Constantinople à moitié en ruine (et la vision émerveillée de la belle impératrice) ou Venise et ses canaux qui défilent et se révèlent en une lumière crue.

Jamais notre Bourguignon ne joue les fiers-à-bras, jamais il ne se départit d'un regard frais, honnête et sans détour. Toute minuscule que soit cette expérience, néanmoins, où la profusion des détails emplis ce livre de vie, l'expérience de Bertrandon donne aussi à lire le Proche Orient palpitant des convulsions qui se font sentir encore aujourd'hui.

Introduction et notes de Jacques Paviot, professeur d'histoire du Moyen Âge à l'université du Val de Marne.Mis en français moderne par Hélène Basso, enseignante à l'université d'Avignon.