Collectif
Nouvelle parution
Benjamin Jordane, une vie littéraire, Y. Savigny, J.-B. Puech (éd.)

Benjamin Jordane, une vie littéraire, Y. Savigny, J.-B. Puech (éd.)

Publié le par Marc Escola

Yves Savigny, Jean-Benoît Puech, Collectif

Benjamin Jordane, une vie littéraire

Paru le  : 03/04/2008

Editeur  : CHAMP VALLON

Isbn  : 978-2-87673-479-1 / Ean 13 : 9782876734791

Collection  : DETOURS
Caractéristiques  : 348 pages
Prix éditeur  : 25,00 €

Pour ce nouveau volume du " cycle Benjamin Jordane ", Jean-Benoît Puech et Yves Savigny ont réalisé un cahier d'hommage à l'écrivain français (Etampes, 1947 - Aurillac, 1994) sur le modèle de ceux que les sociétés de lecteurs fidèles consacrent à leur auteur de prédilection.

Le recueil s'ouvre sur une curieuse confession de Jordane, jusqu'alors tenue secrète. Nous découvrons ensuite quelques fictions d'inspiration autobiographique, une chronique de moeurs inattendues (en province) et trois contes cruels qui mêlent à l'Histoire le destin d'adolescents farouches, de résistants ambigus, de politiciens retors. En marge de ces récits, on trouvera quelques essais malicieux sur les écrits de jeunesse du romancier, influencés par le roman d'anticipation des années quarante, et sur ses pièces pour enfants, où le pastiche enjoué cache peut-être le plus intime.

Un célèbre spécialiste de Jordane nous présente enfin de larges extraits de sa correspondance littéraire ou sentimentale. L'étonnante diversité des intrigues et des genres n'exclut pas l'impression d'une discrète mais forte unité de l'ensemble. Elle réside dans la figure de son personnage principal, toujours présent en filigrane, l'auteur. Un dernier témoignage nous rappelle que sa biographie l'a peu à peu dépassé, qu'elle l'a détourné d'une brillante carrière scientifique internationale et finalement reconduit dans sa maison de famille, en Haute-Auvergne, au bord de la rivière sauvage dont il portait le nom.

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On pouvait lire dans Libération du 3/7/8 un article sur cet ouvrage:

"Jordane son auteur favori

Préférence. Jean-Benoît Puech se consacre à l'oeuvre de Benjamin Jordane, auteur fantôme qu'il a créé il y a trente ans. JEAN-DIDIER WAGNEUR QUOTIDIEN : jeudi 26 juin 2008 Jean-Benoît Puech et Yves Savigny (sous la direction de) Benjamin Jordane, une vie littéraire Champ Vallon, 348 pp., 25 euros.

La littérature est redevable aux sociétés d'amisd'auteurs. Après Queneau, Paulhan ou Perec, Benjamin Jordane disposeaujourd'hui d'une association dévouée à son oeuvre. Elle lui consacre unpremier «cahier» dirigé par Jean-Benoît Puech et Yves Savigny. Seuledifférence notable avec les écrivains cités, c'est que BenjaminJordane, lui, n'a jamais existé, de même qu'Yves Savigny. BenjaminJordane appartient à la catégorie des écrivains imaginaires, c'est un«auteur supposé» inventé par Jean-Benoît Puech.

Cela fait longtemps que tous deux vivent en colocation dans la même oeuvre. «Mon premier livre, la Bibliothèque d'un amateur (1979), explique Puech, se présentait comme un recueil denotes de lectures, par un lecteur anonyme, consacrées à ses livrespréférés, des romans d'aventures. En réalité, je les avais tousinventés (contenu, auteurs, éditeurs), et ma petite bibliothèque devaitlivrer, en filigrane, le portrait de son lecteur également imaginaire.Peu après, j'ai donné à la NRF une étude critique sur mon livre, comme s'il était écrit par cebibliomane. C'est alors que je l'ai baptisé Benjamin, Benjamin Jordane,du nom de la rivière de mon enfance, en Haute-Auvergne. Cela faitpresque trente ans. L'heure était au "décentrement du sujet" ! Je étaitun autre ! Il n'était pas le même !»

Né à Etampes en 1947, Benjamin Jordane est mort en 1994 à Aurillacoù il s'était retiré. Il laisse une oeuvre en grande partie inédite,ayant renoncé à toute publication à la suite d'une profonde désillusion: Pierre-Alain Delancourt, son maître et ami, modèle de l'écrivain sansconcession, est sorti de son silence pour succomber aux mirages de lapublicité. Si, comme Bartleby, Puech avait été employé aux écritures,il est probable que Jordane n'aurait jamais vu le jour. Maisuniversitaire, élève de Gérard Genette et spécialiste reconnu de lafigure de l'auteur, il fait avec Jordane coup double. Jordane, c'est ladistance nécessaire pour mener à bien sa recherche, qui n'est pas làthéorique mais plutôt une élucidation personnelle, en même temps qu'unespace de liberté ouvert à sa passion pour l'écriture : «La supposition d'auteur, poursuit-il, c'estsurtout de l'autobiographie par procuration. Tout comme je suis sonmédiateur, Jordane est mon moyen d'expression. Ce qui m'importe leplus, c'est le travail de transposition de mes préoccupationspsychologiques et sociales dans les fictions qui lui sont attribuées.La recherche d'équivalences pour l'inéchangeable.»

Puech a déjà édité le journal intime de Jordane (l'Apprentissage du roman, Champ Vallon, 1993), des nouvelles (Toute Ressemblance et Présence de Jordane,1995 et 2004). Depuis la mort de l'écrivain, il cherche dans sespapiers le sens de son retrait de la «vie littéraire», non sans êtrefrappé par quelques incohérences biographiques qui lui font deviner quel'auteur a transformé lui-même son existence en fiction.

Une vie littéraire obéit à toutes les caractéristiques descahiers consacrés à l'étude d'un auteur. Puech, en universitaire rompuà ce type de publications, produit un faux à s'y méprendre. Il proposetextes et commentaires scientifiques : biographie, correspondance,témoignages, tout est si bien en place que l'on en vient à croire à laréalité de Jordane. Puech n'a pas oublié les polémiques entreconfrères. Ainsi Stefan Prager, concurrent de Jordane, ferraille-t-ilavec lui, l'accusant, faute majeure, de non-scientificité.

Il y a au moins deux manières de lire ce livre, la façon savante etl'innocente. Mais, que l'on choisisse l'une ou l'autre, on se faitprendre à tous les coups par cette machine parfaite. Aussi devrait-onplutôt choisir de lire Une vie littéraire à plat ventre dansl'herbe, par une après-midi d'été, près d'une rivière. Là où Jordane avécu, par exemple, entre Figeac, cité de Champollion, et Maurs dite «laJolie» ; la rivière s'y nomme le Célé, tout un programme ! La prose deJordane est baignée de la lumière de l'aventure, hantée par despersonnages qui parlent immédiatement à l'imaginaire, issus desenfances du roman. Bien évidemment, les lecteurs-spécialistes se ferontune joie de s'interroger sur la genèse de nouvelles aussi bellesqu'énigmatiques, scruteront le plan atypique de classement de labibliothèque et les annotations mystérieuses qui semblent indiquer des«intertextualités» de bon aloi. Quel qu'il soit, le lecteur n'est pasau bout de son plaisir. A démêler l'écrivain réel de l'imaginaire, onpeut gager qu'il y aura du travail pour une future Société des amis dePuech et de Jordane réunis."