Questions de société

"Beaucoup de bruit pour rien" (Communiqué de SLU, 01/03)

Publié le par Florian Pennanech

La Ministre de l'EnseignementSupérieur et de la Recherche, certains syndicats et la Conférence desPrésidents d'Université annoncent que de véritables négociations ontcommencé et feignent de croire à une sortie de crise proche. Il n'enest rien. Les principaux acteurs de la mobilisation avaient fixé commepréalable à toute négociation le retrait de tous les projetscontroversés ; seul le décret sur le statut des enseignants-chercheursa fait l'objet d'une discussion, qui n'est pas une négociation.

Faut-il rappeler que le « bureau élargi de la CPU » n'apas vocation à être, à côté de quelques syndicats, le principalinterlocuteur du Ministère ? S'il devait en être ainsi, les présidentsperdraient leur statut de représentants élus de la communautéuniversitaire au profit du rôle de « patrons » que prévoit pour eux laloi LRU. Nous ne pouvons imaginer par ailleurs que ces présidentscèderont à la manoeuvre grossière consistant à rappeler à un momentdécisif de cette crise le montant des primes qui leur avaient étépromises dès le 20 octobre dernier par le Ministère.

Deux jours après que le communiqué du Premier Ministrea tenté de répondre par des demi-mesures et de vagues promesses auxrevendications de la communauté universitaire, le voile estdéfinitivement levé sur les véritables intentions du gouvernement. Ils'agit de ramener la discussion à la seule question du statut desenseignants-chercheurs sans tenir compte de l'ensemble des exigencesportées de manière indissociable par le mouvement en cours : le retraitde la réforme de la formation et du recrutement des enseignants dupremier et du second degré, l'abandon du projet de nouveau contratdoctoral, la restitution des postes supprimés en 2009 et un planpluriannuel d'emplois statutaires, l'arrêt du démantèlement desorganismes publics de recherche.

Le voile est aussi levé sur la logique qui relie leprojet de modulation des services des enseignants-chercheurs à lapromesse du premier ministre de mettre à disposition des universitésdes professeurs agrégés du second degré et, enfin, à l'intérêt nouveaude la CPU pour les personnels des établissements publics de recherche,amenés à « participer à part entière aux missions de l'université ». Ils'agit bien de compenser la pénurie d'enseignants-chercheurs, aggravéepar le plan licence. Cela se ferait au détriment à la fois del'Education nationale - pourtant déjà affectée par des milliers desuppressions de postes - et du monde de la recherche.

Sur le seul point vraiment abordé lors de cetterencontre, le décret statutaire, le Ministère de l'EnseignementSupérieur et de la Recherche s'enorgueillit d'un certain nombred'avancées qui n'en sont pas. Ainsi de la modulation de service qui« ne peut être mise en oeuvre sans l'accord de l'intéressé » : cetteformule, que n'accompagne aucune garantie face aux éventuellespressions locales, rappelle étrangement les débats autour du travail dudimanche. L'intérêt véritable de la modulation des services serait lapossibilité pour les enseignants-chercheurs de voir réellement pris encompte l'ensemble de leurs tâches d'administration et surtout dedégager des périodes spécifiquement dédiées à la recherche. Ce n'estassurément pas dans cette direction que l'on va.

Rien d'étonnant donc si, dans cette logique de purecommunication gouvernementale, la rencontre du vendredi 27 février auMinistère n'a accordé aucune place à la réforme de la formation et durecrutement des enseignants du premier et du second degré, à partir delaquelle s'est construite l'unité de la mobilisation et dont lesconséquences pour l'avenir du système éducatif sont désastreuses.L'obstination du Ministre de l'Education Nationale à ne pas entendreles arguments de l'ensemble des universités chargées de la formationdes futurs enseignants s'explique aussi par une logique d'économiesbudgétaires : la suppression de l'année de formation alternée après laréussite au concours permet à l'Etat d'économiser aux dépens des futursenseignants et de leurs élèves chaque année plus de 10 000 postes defonctionnaires. Le silence nouveau de la CPU sur ce sujet dans sondernier communiqué est inacceptable. Doit-on donc s'attendre à ce queles nouveaux concours soient mis en place dès 2010 contre l'avis del'ensemble de la communauté universitaire au risque d'envoyer dans lesétablissements scolaires des générations d'enseignants dont laformation disciplinaire et pédagogique aura été faite au rabais ?

Enfin, il n'est toujours rien dit des suppressions depostes au CNRS (on en annonce 850 nouvelles d'ici 2013), ni de latransformation des organismes de recherche en simples agences demoyens, ni du nouveau contrat doctoral. Qui peut croire que tout celasoit sans effet sur l'université ?

Dans la continuité de la loi LRU et au-delà de laprétendue rationalisation des politiques publiques, le gouvernementaffiche ainsi son mépris pour les analyses et les revendicationsportées par le mouvement des universités et des laboratoires.