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Barthes et la critique littéraire au présent

Barthes et la critique littéraire au présent

Publié le par Emilien Sermier (Source : Vincent Message)

Barthes et la critique littéraire au présent

Journées d'étude des jeudi 3 et vendredi 4 décembre 2015

 

Faut-il faire du passé avec Roland Barthes ?

« Faire du passé » : cette expression est empruntée à Barthes lui-même, dans un entretien qu'il accorde à Pierre Daix au lendemain de mai 68. Critiqué pour son engagement très distant lors de cette période agitée, Barthes se demande comment faire pour que, les pavés remis à leur place, tout ne redevienne pas « comme avant ». « Il faut, dit-il à Pierre Daix, profiter de tout événement pour « faire » du passé, pour « faire tomber dans le passé ce qu'on était en train de penser » et tenter de le reprendre pour penser à neuf»

 

Alors qu’on célèbre en 2015 le centenaire de la naissance de Barthes, ces deux journées d’étude se proposent de réunir de jeunes chercheurs pour débattre de ce que cette œuvre, mais aussi cette vie, telle qu’elle est retracée par Tiphaine Samoyault dans sa biographie parue au Seuil, nous donnent à penser et à faire au présent. Qu’est-ce qui, dans le travail de Barthes, continue de nourrir la critique littéraire qui se pratique aujourd’hui ? Quels sont les prolongements et réaménagements de ses conceptions critiques, de ses grandes orientations théoriques relatives à l'essence de la littérature, mais aussi à la peinture, à la musique, à la photographie, qui doivent le plus retenir notre attention ? En quoi le parcours de Barthes, son rapport à l’institution universitaire, à l’édition, à la presse, les stratégies d’investissement du champ critique qu’il a élaborées peuvent-ils nous inspirer ? Il s’agira moins, on le voit, d’interpréter l’œuvre protéiforme de Barthes dans un souci de fidélité scrupuleuse à sa pensée que de problématiser avec liberté la question d'un héritage de cette pensée qui soit à l'usage de notre temps, d’examiner quels désirs critiques et quelles possibilités d’écriture l’œuvre et la vie de Barthes nous donnent.

 

Voici, sans exclusive, quelques-uns des axes qui pourront orienter la réflexion.

 

1. L’invention principale de Barthes, souligne Tiphaine Samoyault, est de « faire sortir la lecture du livre » pour aller lui faire étudier « le monde, ses signes, ses petites phrases, ses images, ses mythologies » (Roland Barthes, p. 194). C’est ce mouvement qui a permis à la théorie littéraire qu’il pratique d’infuser dans d’autres domaines de la pensée. Mais le pouvoir de dissémination des gestes et concepts qu’il invente est aussi lié à sa participation à ce moment intellectuel qu'a été le structuralisme. Quels sont aujourd'hui les réemplois et adaptations possibles de cette composante structuraliste dans le travail de Barthes ? Et en quoi ces actualisations du rêve structuraliste continuent-elles à organiser ou à recomposer le champ de la critique littéraire, prise en elle-même ou envisagée dans son dialogue avec d'autres disciplines ?

 

2. La carrière de Barthes, différée par la maladie et les années de sanatorium qui ont interrompu ses études, a été marquée par une difficulté initiale à s’inscrire dans l’institution universitaire et par le sentiment d’une relative marginalité. Il a revendiqué, toujours, un profil de non-spécialiste, d’amateur. C’est aussi pour conquérir une autre forme de légitimité et pour investir l’institution par la bande qu’il a veillé à diversifier constamment ses supports de travail, en écrivant pour des revues qui n’appartenaient pas stricto sensu au monde universitaire, ou pour la presse généraliste. Il aura été, dans son combat contre l’institution de son temps dans ce qu’elle pouvait avoir de pesant, un intellectuel dissolvant, « dissident du dedans et non attaquant du dehors » (Roland Barthes, p. 56). À quel type d’investissement du champ universitaire et plus largement intellectuel un parcours tel que celui-ci peut-il nous inciter ?

 

3. La critique est aujourd’hui marquée par une polarisation entre une critique journalistique qui, opérant sous de fortes contraintes d’espace et d’audience, peine parfois à dépasser ce que Barthes appelait une « critique de lancée », et la critique universitaire, qui peine parfois pour sa part à dépasser son objectif de légitimation interne et à trouver des modes de circulation qui la fassent sortir, au moins par intermittences, des murs de l’institution. Barthes a pour sa part dépassé cette dichotomie en façonnant une forme tierce, à mi-chemin entre le roman et le traité, où l’écriture le dispute à l’analyse, et qui n’avance pas protégée par une armure scientifique ou rhétorique comme la parole universitaire. Une forme essayistique, méfiante à l’égard des énoncés de vérité, luttant contre l’autorité du langage lui-même, faisant place à la séduction et au désir, assumant un rapport amoureux à ses objets. (Roland Barthes, p. 270, 281). Au demeurant, tout l'essai de Tiphaine Samoyault atteste de la présence d'un lien continu, chez Barthes, entre fantasme et désir d'écrire, entre fantasme et projet critique. Quels sont aujourd’hui les exemples ou les conditions de possibilité d’écritures critiques fidèles à cet esprit, qui ne soient pas arrêtées par les frontières entre modes de parole ou entre disciplines ?

 

4. Dans l’œuvre de Barthes, comme, sous d’autres modalités, dans celle de Sartre, se noue « un lien inédit entre littérature, politique et philosophie qui donne une puissance critique et cognitive inégalée à la littérature, lui accordant toutes les capacités, de transformation, de révolution et de compréhension » (Roland Barthes, p. 254). Pour répondre à l’engagement sartrien, Barthes a toutefois préféré penser ce que pourrait être une responsabilité de la forme. Comment pouvons-nous comprendre aujourd’hui cette idée d’une responsabilité des formes littéraires ou des formes de discours critique ? Quels pouvoirs accordons-nous à la critique comme réflexion sur le pouvoir subversif et les fonctions politiques des formes ?

 

5. En somme, la théorie littéraire chez Barthes n’est pas seulement la théorie qui s’occupe du littéraire et de ses multiples déclinaisons, mais une théorie qui se fait elle-même littérature, et qui ne refuse pas non plus de tisser des liens avec la fiction. « La théorie, écrit Barthes, c’est un peu le roman qu’on avait plaisir à écrire, ces dix dernières années. » (Roland Barthes, p. 272) À quoi ressemble, de ce point de vue, le paysage critique contemporain ?

 

Les propositions de communication, en 2500 caractères espaces compris, sont à envoyer avant le 10 juillet 2015. Les communications ne devront pas excéder 20 minutes.

 

Contacts :

Philippe Daros, Université Paris III Sorbonne, philippe.daros@wanadoo.fr

Vincent Message, Université Paris 8 Saint-Denis, message.vincent@gmail.com