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Baroque/s et maniérisme/s littéraires : Tonner contre ?

Baroque/s et maniérisme/s littéraires : Tonner contre ?

Publié le par Camille Esmein (Source : Gilles Bertheau)

Baroque/s et maniérisme/s littéraires : Tonner contre ?

Du 02 Juin 2005 au 04 Juin 2005, Université Paris III


Epistémè (E.A. 3416 : I.R.I.S.)
Université de Paris III - Sorbonne Nouvelle
Institut du Monde Anglophone
5 rue de l’École de Médecine, 75006 Paris

COLLOQUE INTERNATIONAL
2, 3 et 4 juin 2005

« Baroque/s et maniérisme/s littéraires : Tonner contre ? »

L’invitation à venir librement « tonner contre » les catégories et les critères du baroque et du maniérisme appliqués à la littérature ne devrait pas détourner ce colloque de son objectif principal : explorer non moins librement les œuvres que ces catégories et ces critères intéressent, les questions que soulèvent encore leur utilisation et leur périodisation, les réponses surtout qu’apporte une telle pratique critique en ajoutant à d’autres critères d’interprétation la dimension de l’esthétique. Le projet voudrait certes donner l’occasion de les confronter à d'autres catégories critiques, mais pour en évaluer ou réévaluer la portée herméneutique. Il s’agira moins en effet de procéder à nouveau à des définitions ou descriptions de ces catégories et de ces critères − de nombreux travaux et publications s’y sont employés − qu’à chercher à mettre à jour leurs apports respectifs et à vérifier leur degré de pertinence au regard d’autres pratiques critiques actuelles qui suivent des présupposés méthodologiques différents, voire leur dénient toute légitimité critique.

Le retour à une utilisation rigoureuse de catégories exclusivement « endogènes » dans les études littéraires fait à nouveau resurgir un vieux grief : les tenants du baroque et du maniérisme font appel à des catégories « exogènes », utilisant des outils construits a posteriori et adoptant une terminologie étrangère à l’époque et aux œuvres considérées. Malgré les efforts pour trouver au baroque une origine historique dans la « barocca » ou perle irrégulière des Portugais, le terme utilisé dans son sens critique actuel remonte au dix-neuvième siècle, et encore ne s’applique-t-il en ses débuts qu’à l’architecture. Son adaptation par extension à la littérature s’est surtout précisée à partir des années 1950 avec Marcel Raymond ou Jean Rousset, encore qu’une étude pionnière, en langue allemande, sur Shakespeare comme dramaturge baroque, date de 1914. Le mot « maniérisme » a paru plus heureux − il semble d’ailleurs moins souvent contesté grâce à l’usage providentiellement « endogène » du mot « maniera » vers 1620 −, mais les critiques qui l’utilisent l’appliquent surtout à des œuvres beaucoup plus précoces, datant des années 1530 pour la peinture en particulier. Baroque et maniérisme ont servi, et servent encore trop souvent, hors d’une périodisation assez rigoureusement définie : même si la question ne se pose plus d’un « baroque éternel », parler de « musique baroque » perturbe les chronologies acceptées pour le baroque littéraire ou artistique.

La prise en compte de ces « griefs », la confrontation des méthodes d’analyse impliquant baroque et maniérisme à celles d’autres courants critiques pourrait en vérifier plus avant la pertinence, sans exclusive, même si certains préfèrent utiliser des notions empruntées au vocabulaire ou aux systèmes d’idéation contemporains de l’œuvre, de l’auteur ou du phénomène à l’étude − la « galanterie », la « préciosité », la rhétorique, pour élaborer leur interprétation ; même si les catégories traditionnelles des « genres » ont été révisées en ce sens − la pastorale, la tragédie −, ou des styles − le burlesque, le grotesque ; une analyse « génétique » des textes a pu être opposée à l’utilisation générique de structures préétablies. Exemple le plus mémorable, la recherche de catégories endogènes a conduit à proposer les mots « asianisme » et « atticisme » pour requalifier une poétique de l’excès que d’autres nomment baroque, et une poétique de la rigueur et de la soumission aux règles dite classique, terme qui, pour être moins souvent contesté que son antonyme baroque, est tout aussi « exogène ».

Sans doute faudrait-il rapprocher de ces courants « endogènes » certaines recherches « historicistes » qui cherchent à mettre en évidence de façon plus systématique les implications de l’esthétique dans l’histoire politique et institutionnelle de ces nations émergeantes ou de ces monarchies tentées par l’absolutisme qui constituent l’Europe des XVI° et XVII° siècles. On y trouve analysé avec une minutie extrême le contexte « anecdotique » (par opposition à un « contexte historique » déjà objet de synthèses globalisantes sur des périodes plus longues) dans lequel l’œuvre a été conçue − esthétique de cour, rhétorique complimentaire, mariages princiers, fêtes carnavalesques − ou qui a favorisé sa diffusion : la traduction y trouve alors sa place comme événement culturel en même temps que moyen de transfert de savoirs ou de pratiques esthétiques. S’y apparente peut-être aussi un courant très représenté dans les études shakespeariennes, le « new historicism », encore que les méthodes en soient des plus « exogènes » avec les approches féministes, les stances néo-marxistes, les considérations « post-coloniales » qui les occupent : non seulement leurs présupposés méthodologies récusent les incidences esthétiques au bénéfice d’une socio-histoire éclairée par la littérature − « cultural studies » désormais dans les cursus anglo-saxons − mais de plus, axés qu’ils sont le plus souvent sur les héritages et les modes d’expression nationaux, ils se tiennent à l’écart de l’approche littéraire nécessairement transnationale qu’impliquent le baroque et le maniérisme.

Il ne serait pas inutile dans ce cadre qu’un débat s’instaure sur la recevabilité des termes baroque et maniérisme appliqués à la littérature anglaise des XVI° et XVII° siècles : de nombreux critiques, anglophones ou français, écartent encore cette démarche, au nom de « l’anglicité » d’une littérature censée être plus qu’ailleurs nationale sinon déjà chauvine, sous le règne d’Elizabeth en particulier. Pourtant, en Angleterre comme dans le reste de l’Europe, baroque et maniérisme permettent de donner un supplément d’intelligibilité à des phénomènes littéraires qui rapprochent bien plus qu’ils ne divisent des nations européennes toutes en quête de nouvelles identités, et qui toutes puisent encore aux mêmes sources de l’imaginaire pour répondre chacune à leur « manière » aux mêmes défaillances des modèles culturels collectifs, à la même « crise de l’épistémè » européenne.

C’est donc à un débat constructif, quitte à ne pas être consensuel, plutôt qu’à des querelles d’écoles que voudrait inviter cette incitation à « tonner contre » des catégories qui pourtant, par l’utilisation dynamique qu’en a fait la critique, a toujours proposé un « discours de la méthode » en mouvement et trouvant ses clés dans le mouvement même des œuvres, comme pour mieux affirmer avec l’une des grandes figures de cette période baroque et maniériste : e pur, si muove.

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Epistémè. Friday and Saturday 3rd and 4th June 2005, at Paris III.

INTERDISCIPLINARY AND INTERNATIONAL SYMPOSIUM

Mannerism and the baroque in literature: sound a counter-blast?”

The research seminar EPISTEME is organising an international and interdisciplinary symposium on June 3rd and 4th 2005 at the Sorbonne-Nouvelle, Institut du Monde Anglophone, 5 rue de l'Ecole de Médecine, inviting comparative as well as contradicting approaches, on the theme: "Mannerism and the baroque in literature: sound a counter-blast?"

The invitation to "sound a counter-blast" (borrowed from Flaubert) against the categories and criteria of mannerism and the baroque, as applied to literature, would like to be, first of all, an occasion once more to explore the creative process that these categories and criteria seek to bring to light, the questions they raise in terms of their adequacy in analysing a period, and the answers they provide in terms of an aesthetic interpretation of this literary moment. It would also provide the opportunity to confront them with other critical categories so as to assess or reassess their hermeneutic capacity, since the intention is not to set up again the question of definitions of these categories and criteria – numerous works and publications have already done this. The discussions that we anticipate should rather seek to bring to light the contributions of mannerism and the baroque compared with other current critical practices and to verify their degree of relevance, and the possibility of new descriptions, and new applications, be it in French or English literature.

The confrontation between adherents of "endogenous" and "exogenous" categories could prove to be fruitful. Foremost amongst the latter are those practitioners of the baroque who use techniques developed a posteriori and who adopt a terminology foreign to the period and the works in question. Despite efforts to find its historic origin in the word "barocca", the irregular pearl of the Portuguese, the term used in its current critical sense dates back to the nineteenth century and was only applied initially to architecture. Its extension to literature was articulated mainly from the 1950s by Marcel Raymond or Jean Rousset, for France, though a pioneering study in German, on Shakespeare as a baroque dramatist, dates from 1914. The word "mannerism" seems to have appeared more easily – and also to be less controversial - since its use can be dated back to circa 1620. But the critics who use it apply it mainly to much earlier works, from the 1530s, particularly in painting. Mannerism and the baroque have also been and still are used too often outside a rigorously defined period. Even if the question of an "eternal baroque" is no longer asked, speaking about "baroque music" disturbs the accepted chronologies of the literary or artistic baroque.

Other critics, by contrast, prefer to use more "endogenous" notions, borrowing a vocabulary or system of ideation contemporary with the work, the author or the phenomenon studied: "gallantry", "préciosité" or Euphuism, rhetoric. The traditional categories of "genres" – pastoral, tragedy - or styles – burlesque, grotesque - have thus been revised. A "genetic" textual analysis has been able to be set against a generic use of pre-established structures. As such, the research of endogenous categories has led to the proposition of the words "asiaticism" and "atticism" to re-define a poetics of excess that others call baroque, and a poetics of rigour and obedience to rules called classical, a term which though less controversial than its antonym baroque, is just as "exogenous". No doubt it would be necessary to re-locate within these "endogenous" currents certain "historicist" studies which try to demonstrate more systematically the implications of aesthetics in the political and institutional history of the emerging nations and absolutist monarchies that made up sixteenth and seventeenth century Europe. One finds there, analysed in extreme detail, the "anecdotal" context (in contrast to a "historical context", already the subject of all-embracing syntheses for longer periods) in which the work was conceived - courtly aesthetics, eulogistic rhetoric, princely marriages, carnivalesque celebrations - or which favoured its circulation. Translation, for example, is understood both as a cultural event and a means for the transmission of knowledge or aesthetic practices.

In the field of English studies there is a recourse to a "new historicism" more concerned to make works operate according to "cultural" rather than aesthetic categories. The study of Shakespeare in particular, has provided a critical genre in itself for the last twenty years, having become a university discipline, that of "cultural studies". Not only do their methodological presuppositions deny aesthetic effects in favour of a socio-history elucidated by literature, but in addition, they typically are more often based on national traditions and modes of expression. As such, they avoid the necessarily trans-national approach to the notions of "mannerism" and "baroque" in literature. Those notions imply a study of the multiple currents that constitute both a collective sensibility and an obsessive rhetoric common to several countries, and they appear federated by an even more global perception, at times, that of a European "epistemological crisis".

In the English arena of application, this mannerist or baroque approach still often seems unsuited to the "Englishness" of a literature supposed to be more national than others, if not chauvinistic, particularly during the reign of Elizabeth I. Yet, in England as elsewhere in the rest of Europe, baroque and mannerist interpretation allows for clarification in terms of styles and themes more often shared by all nations in Europe. The search for national identities, more than a dividing line, is again a feature common to all nations at the time, often borrowing from the same common sources to achieve their several different identities, each nation answering in its own "manner" to the same background of floundering "matter" in the collective cultural models of the same European "epistemological crisis".

It is therefore as an invitation to a constructive debate, even though it may not be consensual, rather than a quarrel between schools of thought, that we incite you to "sound a counter-blast" against a method whose dynamic use of the operational notions of baroque and mannerism has always proposed a "discourse of the method", always in motion and finding its keys in the motion of the literary works themselves. This critical practice is often reproached for not being able to operate in a fully satisfactory way … e pur, si muove.

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COLLOQUE INTERDISCIPLINAIRE ET INTERNATIONAL:

"Baroque/s et maniérisme/s littéraires : tonner contre ? "

PROGRAMME


Jeudi 2 juin 2005 :

9h : Ouverture du colloque, sous la Présidence des Professeurs Suzy Halimi (Directrice de l’École doctorale) et André Topia (Directeur de l’Institut du Monde Anglophone). (Grand Amphi)

Matin: Présidence : Robert Ellrodt (Grand Amphi)

9h-15-10h: -Gisèle Venet (Professeur, Paris III, littérature anglaise): « Giordano Bruno et l’Angleterre maniériste et baroque, une impertinence critique ? »

10h-10h45: -Saverio Ansaldi (MCF, Montpellier III, philosophie) : « Giordano Bruno et le problème de la langue philosophique : baroque et maniérisme au-delà d'un seuil d'époque ».

Pause

11h-11h45: -Bertrand Rougé (Professeur, Pau, littérature anglaise) : « Autour de l'oxymore, les révolutions ironiques du sujet: sur la figure du mouvement entre rhétorique et arts visuels ».

11h45-12h30 : -Louis Picard (AMN, Paris VII, littérature comparée) : « L'Art de la manière et la pratique de la pointe dans les Sonnets de Shakespeare et les Amours de Ronsard ».

Déjeuner libre

Après-midi: Présidence : Gisèle Venet (Salle 33)

14h15-15h : -Didier Souiller (Professeur, Dijon, littérature comparée) : « Après Jean Rousset : Circé et la théâtralité baroque, de la littérature à l'opéra ».

15h -15h45: -Jean-Claude Vuillemin (Professeur, littérature française, The Pennsylvania State University, USA): « Tonner contre la tyrannie du verbe : spectacles baroques et discours classiques? »

Pause (reprise à 16h précises, à cause du concert)

16h-16h45: -Claire Gheeraert (MCF, Rouen, littérature anglaise): « Baroque et mélancolie dans le théâtre de Webster. »

16h45-17h30: -Christine Sukic (MCF, Dijon, littérature anglaise): « ‘I stand on change and shall dissolve in changing’ : réflexions sur le héros baroque anglais ».

18h : Conférence concert sur la musique baroque : Récital de clavecin: Catherine Caumont, claveciniste. (Grand Amphi)

19h30 : Le Concert sera suivi d’un Vin d’honneur (Petit Amphi)


Vendredi 3 juin 2005 :

Matin : Présidence : Tony Gheeraert (Salle 33)

9h15-10h : -Marie-Alice Belle (Doctorante, Université de Paris III/Université McGill, Canada, littérature anglaise) : « Unfortunate travellers : translatio, travesti et maniérisme littéraire chez Marlowe et Nashe ».

10h-10h45 : -Françoise Lavocat (Professeur, Paris VII, littérature comparée) : « baroque et maniérisme littéraires : discours d’une méthode ».

Pause

11h-11h45 : -Gisèle Mathieu-Castellani (Professeur, Paris VII, littérature française) : « Vision baroque, vision maniériste; ou: que voir autrement, c'est voir autre chose ».

11h-45-12h30: -Jean-Pierre Maquerlot (Professeur, Rouen, littérature anglaise) : « Maniérisme pictural et littérature : pertinence d’une approche ? »


Déjeuner

Après-midi: Présidence : François Laroque (Salle 33)

14h30-15h15: -Tony Gheeraert (MCF, Rouen, littérature française) : « Entre maniérisme et baroque: Pascal et les 'reines de village' ».

15h15-16h: -Anny Crunelle (Professeur, Paris X, littérature anglaise)" 'Détonner pour' en marge du débat: Edward III et le redressement des images"

Pause

16h 15-16h45 : -Richard Wilson (Professeur, University of Lancaster, GB, littérature anglaise) : « 'In His Shelly Cave: Shakespeare and the autonomy of art' ».

16h45-17h30: -Géralde Nakam (Professeur, Paris III, Lettres) : « Montaigne, quelques traits de sa "manière" et leur sens ».


Samedi 4 juin 2005 :

Matin : Présidence : Jean-Pierre Maquerlot (Salle 33)

9h15-10h : -Anne-Marie Blaise-Miller (Prag, Versailles, littérature anglaise) : « Spiritual and Aesthetic Smuggling: ‘Metaphysical’ Poetry within the Context of European Baroque ».

10h-10h45 : -Anne Teulade (MCF, Nantes, littérature comparée) : « Sur deux esthétiques baroques: le mouvement de l'Histoire dans le théâtre français et anglais ».

Pause

11h-11h45 : -Carine Barbafiéri (Docteur, littérature française) : « La tragédie galante, tragédie post-baroque ? Problèmes de méthodologie ».

11h45-12h30 : -Athéna Lavabre (Ater, Versailles - St Quentin, littérature anglaise) : « Richard Brome et le théâtre dans le théâtre : une dramaturgie baroque? ».

Déjeuner

Après-midi: Présidence : Christine Sukic (Salle 33)

14h15-15h : -Patrick Chézaud (Professeur, Grenoble, littérature anglaise) : « La dialectique idéalisme/sensualisme dans l’esthétique baroque ».

15h-15h45 -Carol Clark (Université d’Oxford, littérature française): « Molière baroque? ».

16h-16h45 : -Line Cottegnies (Professeur, Paris III, littérature anglaise) : « Un baroque anglais ? Le rôle des traductions dans les évolutions esthétiques au XVIIè siècle en Angleterre ».