Essai
Nouvelle parution
B. Peeters, Ecrire l'image. Un itinéraire

B. Peeters, Ecrire l'image. Un itinéraire

Publié le par Marc Escola

Ecrire l'image - Un itinéraire
Benoît Peeters


Paru le : 06/01/2009
Editeur : Impressions nouvelles (Les)
Collection : Réflexions faites
ISBN : 978-2-87449-059-0
EAN : 9782874490590
Nb. de pages : 158 pages

Prix éditeur : 16,00€


Tenant à la fois de l'essai et de l'autobiographie intellectuelle, ce petit livre voudrait proposer un état des lieux doublé d'une mise en perspective: après plus de trente années de publications très diverses, pour ne pas dire hétéroclites, Benoît Peeters cherche ici à retracer, ou peut-être à découvrir, la cohérence de son itinéraire.
Dans cet essai, il évoque, nombreuses illustrations à l'appui, son expérience de scénariste de bande dessinée (avec François Schuiten et Frédéric Boilet), de récits photographiques (avec Marie-Françoise Plissart) et de films (avec Raoul Ruiz). Mais il nous livre surtout, en historien et en théoricien, une réflexion originale sur l'image narrative et ses métamorphoses.

Benoît Peeters est né à Paris en 1956.
Après une licence de philosophie à la Sorbonne, il a préparé le diplôme de l'Ecole pratique des Hautes Etudes sous la direction de Roland Barthes. Il est titulaire d'une Habilitation à diriger les recherches. Il publie son premier roman, Omnibus, en 1976 aux éditions de Minuit, et se consacre entièrement à l'écriture à partir de 1982, multipliant les travaux dans les domaines du scénario, de la critique, de l'édition et de la conception d'expositions.
Spécialiste d'Hergé, il a publié trois ouvrages qui sont devenus des classiques: Le Monde d'Hergé, Hergé fils de Tintin et Lire Tintin - les bijoux ravis. Il est également l'auteur de nombreux essais sur la bande dessinée, le scénario et l'écriture en collaboration, mais aussi sur Hitchcock, Paul Valéry et Nadar. Depuis 1983, il développe avec François Schuiten la série Les Cités obscures. Seize albums sont parus aux éditions Casterman.
Ils ont obtenu de nombreux prix et ont été traduits dans une dizaine de langues. Il a réalisé trois courts métrages, plusieurs documentaires et un long métrage, Le dernier plan.


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Dans Libération du 07/05/2009: Le roman photo des années 70

Image. La modernité de l'époque analysée par le scénariste belge Benoît Peeters.

par ÉRIC AESCHIMANN

Quereste-t-il des années 70 ? Que reste-t-il de l'effervescenceintellectuelle où se mêlaient discussions théoriques et pratiquesexpérimentales, réinterprétation des classiques et exploration des artspopulaires ? Dès la première page, Benoît Peeters a posé son équation :«En ce temps-là, au milieu des années 70, régnait la modernité.»Celle-ci, «telle que nous l'entendions alors, correspondait à unensemble un peu flou qui allait du Nouveau Roman à Tel Quel etd'Althusser à Lacan, en passant par Foucault, Derrida et quelquesautres. Je m'immergeais dans leurs oeuvres avec un constantenthousiasme. Elles me semblaient appartenir à un même paysage […] quim'a façonné à tout jamais.» Bref, que reste-t-il de la modernité ?

Il reste par exemple une oeuvre comme celle de Benoît Peeters, écrivain, scénariste de la série des Cités obscures (avec le dessinateur François Schuiten), théoricien de la bande dessinée. Avec Ecrire l'image,Peeters retrace son itinéraire de créateur qui, dans le sillage de sesannées de formation, n'a cessé d'inventer des formes, de conjuguerréflexion et création. Indice de la liberté que l'on s'accordait àsoi-même en ce temps-là : après avoir travaillé sur Tintin auprès deBarthes, Peeters retourne à Bruxelles, où il trouve un milieu de labande dessinée lui aussi en ébullition. «Le sentiment qui prévalait était que toutes les audaces graphiques étaient possibles et souhaitables.» Changement de longueur, de format, du contenu, utilisation de la photo, intrusion des lecteurs : de chaque album de Cités obscures Peeters et Schuiten vont faire «un nouveau défi, d'ordre narratif ou figuratif».

Les incursions de Peeters dans le roman-photo sont un autre exemplede ce désir de modernité. Il raconte ici comment, à plusieurs reprises,il a tenté de se saisir de ce genre pour en faire une forme pleinementartistique. En vain. Pourquoi ce qui fut possible pour la bandedessinée ne l'a pas été pour le roman-photo ? Peeters apporte peut-êtreune réponse en s'attardant sur deux figures qui furent déterminantes :Rodolphe Töpffer, précurseur de la BD au XIXe, et Hergé.Dans les deux cas, le désir d'être compréhensible par les enfants adonné naissance à une esthétique visant à réduire chaque personnage àquelques traits essentiels, presque abstraits. «Töpffer insisterégulièrement sur le primat de l'idée par rapport à l'exécution ; Hergésouligne que son dessin est "cérébral".» Ce même Hergé dont il note plus loin qu'il «vouluttout faire entrer dans ses albums : ses curiosités et ses angoisses,ses passions et ses rêves, sa sensibilité au siècle.»

Tendre vers l'abstraction pour accéder à l'universel, tel fut lecoup de force de la modernité, que les années 70 poussèrent à sonextrême. Et si, dans les années 80, «tout cela se défit à viveallure, comme si ce que nous avions pris pour de véritables avancéestenait, très largement, à un simple effet de trompe-l'oeil», l'esprit del'époque, lui, a continué de porter ses fruits.