Questions de société

"Bâillonner les universitaires, par J. Valluy, octobre 2017

Publié le par Bérenger Boulay

Bâillonner les universitaires

8 OCT. 2017 - LE BLOG DE JÉRÔME VALLUY

"Plus de discussions libres entre universitaires et journalistes : l'Université de Strasbourg vient d'édicter une note de service fixant une procédure générale de subordination de toute expression publique auprès des médias, notamment des enseignants-chercheurs ainsi soumis au bon vouloir des services centraux de communication et du président de l'université de Strasbourg.

Dans l'affaire de censure politique de Jacques Sapir par la coupole d'OpenEdition, depuis le 26 septembre, le silence des universitaires et de leurs associations et syndicats, depuis trois semaines, est  impressionnant. A quelques exceptions près :http://libertescheries.blogspot.fr/2017/09/menace-sur-la-pensee-libre-le-blog-de.html

Dans l'affaire certes plus récente de censure, d'un autre type, mais tout aussi politique du colloque sur l'islamophobie à Lyon 2, les réactions de la communauté universitaire et de ses syndicats, sur le plan national, se font encore cruellement attendre :https://www.mediapart.fr/journal/france/051017/un-colloque-universitaire-sur-l-islamophobie-annule-sous-la-pression

La somme des lâchetés individuelles risque de se payer collectivement... au prix fort !"

(...)

"Ce qui est arrivé à Strasbourg est le point d'aboutissement logique d'une histoire déjà longue... même en la considérant dans sa brève temporalité des derniers mois :

 

  • Décembre 2016 : déclarations de la présidente de la région d’Ile-de-France annonçant son refus de financer les études sur le genre, les inégalités et les discriminations ; comme le titre Libération : « Valérie Pécresse coupe les bourses aux études de genre »,Libération, 15.12.2016 ; cette décision interrompt les finances des thèses de doctorats et des recherches professionnelles sur ce domaine du genre et plus largement de l'intersectionnalité (cf. ci-après) : http://www.liberation.fr/direct/element/valerie-pecresse-coupe-les-bourses-aux-etudes-de-genre_54010/
  • Janvier 2017 : décision politico-administrative de la direction de Science Po Paris d’interdire la conférence d’un chercheur sur la Russie de Poutine et ses relations avec les activités terroristes par crainte de retombées négatives pour l’établissement dans ses relations universitaires avec ce pays ; c'est précisément l'argument de "l'image de l'établissement" qui est aujourd'hui utilisé par les dirigeants de l'Université de Strasbourg ; cf.  « Sciences Po annule une conférence sur la Russie de Poutine », Le Monde, 31.01.2017 : http://www.lemonde.fr/campus/article/2017/02/01/sciences-po-annule-une-conference-sur-la-russie-de-poutine_5072473_4401467.html
  • Mai 2017 : menaces politiques contre un colloque en Ile de France sur l'intersectionnalité dans les recherches en éducation, intersectionnalité des imbrications classe/race/genre qui n'est plus bon chic bon genre depuis la décision de Valérie Pécresse : suivies de blocages administratifs rectoraux visant à l'annulation pour motifs de troubles à l'ordre public, puis contournement des blocages par réorganisation différente et restreinte du colloque sous haute protection policière ; voir à ce sujet l'analyse d'Eric Fassin :http://bibliobs.nouvelobs.com/idees/20170518.OBS9602/comment-un-colloque-sur-l-intersectionnalite-a-failli-etre-censure.html
  • Septembre 2017 : censure politique de Jacques Sapir par la coupole d'OpenEdition, fermeture du blog, depuis le 26 septembre 2017 au motif, comme dans l'affaire Mezzadri, de ce que l'on peut appeler un "crime de lèse majesté" à l'encontre du président Macron, pour lui avoir donné leçon notamment sur le concept de laïcité (dernier billet avant censure du blog) et aussi de l'image très "scientifique" de la plateforme de blogs (!) un peu comme l'image de l'université à Strasbourg ; voir par exemple le débat en cours dans la blogosphère notamment ici :http://rumor.hypotheses.org/4121/comment-page-1#comment-105984 et là (surtout dans les commentaires après le mauvais billet)  :http://affordance.typepad.com//mon_weblog/2017/09/hypothese-sapir-en-pire-.html
  • Octobre 2017 : fin de la procédure judiciaire dans le cadre d'une "procédure-baillon" intentée par l'entreprise Chimirec contre Denis Mazeaud, professeur de droit commentant dans une revue scientifique, une décision de justice... certes la justice lui donne raison, mais comme le remarque P.Robert-Diard (Le Monde) :  "La vigilance des juges face à ce type de procédures ne rassure toutefois pas complètement les universitaires. Comme le soulignait le professeur de droit Denis Mazeaud en février 2017 dans la revue La Gazette du Palais au lendemain du jugement de relaxe deLaurent Neyret, « ce qui doit retenir l'attention, c'est le message subliminal adressé à tous les enseignants-chercheurs qui n'ont pas peur de déranger, de s'engager, de faire leur métier (...) et d'exprimer leurs opinions sans concession en toute liberté et en parfaite indépendance. Attention, leur est-il dit, il pourrait vous en coûter très cher et pas seulement en frais d'avocat ! »" :http://sociologuesdusuperieur.org/article/procedures-baillons-la-cour-dappel-de-paris-au-soutien-de-la-liberte-dexpression-des
  • 5 Octobre 2017 : procédure générale de subordination de toute expression publique des enseignants-chercheurs de l'université de Strasbourg, ainsi soumis au bon vouloir des services centraux de communication et du président de l'université de Strasbourg. Elle a fait, ce 5 octobre, l'objet d'une lettre du président à l'ensemble de l'université (ci-dessous) et d'un document de procédure édifiant (en PDF :https://histoiresduniversites.files.wordpress.com/2017/10/unistra_procedure_presse.pdf) ! Plus aucune communication avec les journalistes sans prévenir 10 jours avant le Service de la communication, le Directeur de la composante, le  Correspondant communication de la composante et obtenir leurs accords ou... à J-2 de la "date prévisionnelle" ! CQFD"

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