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Autour du carnaval. Jeux de masques et jeux de rôles

Autour du carnaval. Jeux de masques et jeux de rôles

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Stéphanie Bulthé)

 

Journée d’étude Jeunes Chercheurs

Dunkerque, le 21 mai 2014

« Autour du carnaval. Jeux de masques et jeux de rôles »

École Doctorale Sciences de l’Homme et de la Société

Université du Littoral-Côte d’Opale

Unité de Recherche sur l’Histoire, les Langues, les Littératures et l’Interculturel

( H.L.L.I., E.A. 4030)

Équipe de recherche « Modalités du Fictionnel »

 

Appel à communication :

 

Cette seconde journée d’étude Jeunes Chercheurs sera l’occasion de questionner les représentations du carnaval qu’elles soient littéraires, historiques ou même sociologiques. Les perspectives sont larges : le carnaval s’inscrit au cœur du patrimoine culturel et populaire de l’humanité en lui conférant ainsi une dimension universelle; nous pouvons dès lors interroger cette interpénétration du folklore et du territoire, d’autant que l’Université du Littoral-Côte d’Opale est implantée dans un territoire où le rite carnavalesque est très présent.

La spécificité du carnaval au regard d’autres fêtes tient à son double héritage, sa volonté de faire coïncider en une profonde symbiose les rites païens et la liturgie chrétienne, puisque le carnaval puise sa dualité originelle d’une part dans les fêtes antiques saisonnières de l’antiquité, telles les sacées babyloniennes, les dyonisies grecques ou encore les saturnales romaines, qui représentaient l’abolition des distances entre les hommes libres et les esclaves, et d’autre part dans la récupération par l’Église de pratiques jugées idolâtres mais impossibles à annihiler. C’est ainsi que dès le Moyen Âge, la période allant du carnaval à Pâques en passant par le carême prend une dimension centrale dans la vie du chrétien.

Les principes d’opposition dialogique du rire et du retournement des valeurs seront évidemment au cœur de ce projet. Selon Bakhtine, l’être humain est par nature dialogique, c’est-à-dire qu’il peut mener de front deux vies : l’une officielle et sérieuse, l’autre libre et fantaisiste. Le carnaval se définit comme une inversion provisoire, caractérisée par le fait que le visible est caché et le caché devient visible[1]. Cette période est intrinsèquement liée à l’alternance des bombances et des privations dans un espace-temps repensé, éloigné de la vie ordinaire, en une forte puissance de transformation, de manipulation et de transfiguration du réel. L’expression carnis levare, à l’origine supposée du terme « carnaval », signifie littéralement « enlèvement de la chair ». Il correspond à la nette division de l’année entre les périodes grasses et maigres et s’inscrit dans la vie des hommes au même titre que le cycle de la régénération des moissons auquel il est lié. Le carnaval est le temps des débordements, des excès de tous types, pourtant autorisés sur cette période encadrée : ivresse, paillardise, scatologie, foisonnement de nourriture. Les valeurs d’une société sont métamorphosées. Tout ce que la société dissimule en temps normal, elle l’exhibe désormais avec fureur. Les masques règnent, hypocrites et inquiétantes figures, qui semblent cacher tant de secrets sous leurs apparences innocentes et festives. Ils sont la manifestation cinglante de notre peur de l’inconnu. La thématique du monde à l’envers se révèle essentielle : les fous sont mis à l’honneur dans des fêtes qui leurs sont réservées, sa Majesté Carnaval parade ostensiblement avant d’être brûlée. Les fêtes carnavalesques sont l’expression d’un vitalisme forcené et les licences joyeuses qui l’accompagnent symbolisent la suspension des règles communes naturelles.

L’acte se veut geste « symbolique dirigé contre l’autorité suprême[2] », nous précise Bakhtine. Ce temps joyeux de fête populaire s’assimile à une double postulation : mort d’un monde déceptif et renaissance de sa refonte idéalisée en une structure cyclique récurrente. Nous sommes au cœur de la culture populaire festive, car le rite carnavalesque, par sa définition même, se veut universel. Pour Roger Caillois, dans L’Homme et le Sacré, le temps usé, volontiers congédié avec l’année révolue, devient berceau d’un élan vital dans lequel notre littérature puise son inspiration. Cette mise à mal est propice à l’émergence de toute une série de phénomènes de désacralisation qui seront le terrain de prédilection d’un grand nombre d’auteurs : alors que les Saturnales de Macrobe décrivent les bouleversement des valeurs hiérarchiques en abolissant les écarts sociaux, le Moyen Âge va instaurer des parades qui seront autant de pastiches d’entrées princières dans le déchaînement grotesque de tout un peuple, scène reprise et décrite non sans jubilation au cœur de Notre-Dame de Paris où Hugo exulte dans le couronnement bouffon de Quasimodo. Le théâtre, de même, s’empare avec allégresse des figures médiatrices du carnaval, tel le personnage d’Arlequin dans L’Ile des Esclaves de Marivaux dans une démesure qui trouvera sa résolution dans le nécessaire retour d’un ordre provisoirement bouleversé. La fantaisie et le jeu sur l’identité servent au dédoublement de l’être. Pour Antonio Machado, l’utilisation du masque répond bien davantage au besoin d’effacer son propre visage qu’à l’envie de s’approprier les traits d’un autre et de préciser que le caractère carnavalesque colorant toute fête populaire, l’institution existera tant que les peuples et villages auront le désir de se réjouir[3]. Le déguisement permet la mise en scène du corps en utilisant un matériel symbolique qui, en alliant paillardise et caricature, polissonnerie et parodie, se fait souvent défi et provocation par le jeu d’une inflexion légère et plaisante qui enthousiasme, dérange ou révolte mais ne laisse pas indifférent.

Les axes prioritaires de cette journée seront (liste non limitative):

1. étude historique ou ethnologique du fait carnavalesque : analyse des liens et coutumes d’un territoire à la fête carnavalesque (carnavals brésiliens, suisses, flamands…) et leurs manifestations esthétiques (costumes, masques, chars, géants…)

2. représentations de scènes et rites carnavalesques dans la littérature : notamment les jeux de travestissement, de masques et de déguisement.

3. analyse de l’aspect carnavalesque de la littérature : toutes formes de bouffonneries, de jeu sur la permutation des valeurs, y compris dans l’aspect langagier qui pourra contenir une réflexion sur l’insulte et la grossièreté.

 

Modalités de soumission :

Cette journée d’étude est ouverte à tous les doctorants, post-doctorants et jeunes chercheurs en Histoire ou Littératures française et étrangères. Les propositions de communication doivent comporter un titre, un résumé de 250 à 300 mots, et une courte présentation de l’intervenant (laboratoire de rattachement, publications...). Les interventions se limiteront à trente minutes.

Les propositions seront envoyées à l’adresse indiquée ci-dessous pour le 2 avril 2014:

jeuneschercheurs.littoral@gmail.com

 

Elles seront communiquées sous un format facilement lisible (WORD, PDF…).

La sélection des propositions aura lieu le 10 avril. Une réponse personnelle sera adressée à tout chercheur qui aura déposé une demande d’intervention.

Pour toute information pratique supplémentaire concernant la journée d’étude, merci d’écrire à la même adresse. Il est à noter qu’en aucun cas l’Unité de Recherche HLLI ne pourra couvrir vos frais de déplacement. Une attestation pourra être fournie pour un remboursement par votre laboratoire de rattachement.

Comité d’organisation de la journée d’étude :

 Stéphanie Bulthé, Martine Crépin Maeckereel, doctorantes de L’UR HLLI, équipe de recherche « Modalités du fictionnel »

Comité Scientifique :

-Madame Jacqueline Bel (Professeur, directrice de l’Unité de Recherche H.L.L.I)

-Monsieur Jean Devaux (Professeur, directeur adjoint du Département « Lettres et Arts », directeur de l’équipe de recherche « Modalités du Fictionnel »)

-Madame Dolorès Lyotard (Maître de conférences)

 


[1]Définition donnée par Biringamine Ndagano in Penser le carnaval. Variations, discours et représentations, sous la direction de Biringamine Ndagano, Paris : Khartala, 2010 (Hommes et sociétés : Anthropologie).

[2] Mikhaïl Bakhtine, L’Œuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen Âge et sous la Renaissance, Paris : Gallimard, 1990 (Tel, 1970), p. 199.

[3] Antonio Machado, Juan de Mairena. Sentencias, donaires, apuntes y recuerdos de un profesor apόcrifo, Alianza, 1936.