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Autour de L'Imaginaire de Jean-Paul Sartre : phénoménologie, esthétique, littérature

Autour de L'Imaginaire de Jean-Paul Sartre : phénoménologie, esthétique, littérature

Publié le par Ivanne Rialland (Source : Nathanaël Masselot)

Maison de la Recherche, salle 008.

En 1940,Sartre publiait L'Imaginaire, résultat partiel d'une ambitieuse étudeconsacrée à la Psyché, où il déployait une "phénoménologie" del'image. De celle-ci, Sartre captait d'abord la richesse : la famille del'image englobe le portrait, la caricature ; elle engage une compréhensiondu signe dans les dessins schématiques encore. Par ces différents aspects,Sartre en venait à préciser son rôle dans la vie psychique, en convoquant lestatut de l'observateur dans la situation d'images "hypnagogiques"par exemple, analysées comme altération affective du sujet psychique, ouvrantla voie à une caractérisation eidétique de ses propriétés et de son sens.

Parl'étude de l'image, Sartre a proposé de comprendre la liaison du sujet au monde: face au réel, comme face à l'irréel, la conscience est toujours"intention vers quelque chose", sollicitant une compréhension del'agencement de la vie de conscience : comment les images mentaless'agencent-elles avec la perception de la réalité ? En posant cettequestion, Sartre ne convoque rien de moins qu'une compréhension doxique desactes de la conscience, une caractérisation de ce qui, dans laconscience, constitue le monde, de ce que signifie la possibilité d'un« monde imaginaire », thèmes étonnamment proches des rechercheshusserliennes dont les manuscrits sur l'imagination ne sont parus qu'en 1980dans le tome XXIII des Husserliana. Le cas du rêve figure au nombre deces analyses fécondes : il dévoile une fiction "envoûtante" àlaquelle la conscience se lie.

Ententant de saisir ce que signifie pour une conscience d'être capabled'imaginer, Sartre découvre que l'image n'est pas une chose mais uneconscience, et que cette faculté imageante n'a rien de contingent. Aucontraire, elle se révèle sur fond d'une conscience néantisante qui se découvre"néant de soi-même par rapport au monde" en même temps qu'elledécouvre le "néant du monde par rapport à soi". Pour en rendrecompte, Sartre va jusqu'à spécifier le cogito cartésien selon l'acte de penséequi le régit : si je peux penser que j'existe pensant, écrit Sartre, c'estaussi bien dans la mesure où j'existe percevant que dans la mesure où j'existeimaginant. Sartre ira jusqu'à envisager la fonction de l'image dans l'oeuvred'art : ceci ne peut manquer d'attirer l'attention du lecteur qui saitcombien, du point de vue de la psychanalyse existentielle, la mise en image dumonde par un Proust ou par un Flaubert nous révèle la situation de son auteuret l'usage de sa liberté face à la contingence.

Loind'être fortuite, la fonction imaginaire caractérise la conscience dans son êtreet découvre à sa source "la néantisation du monde comme sa conditionessentielle et comme sa structure première". Elle nous offre une cléd'accès aux thèses de L'Etre et le néant et met en perspective unproblème phénoménologique intensément débattu au sein de la philosophiefrançaise du début du XXe siècle et encore inépuisé. Avec L'Imaginaire, Sartre opposeà la philosophie « immanentiste » (Brunschvicg, Lalande ou encoreMeyerson), aussi bien qu'à la tradition psychologique contemporaine, lapossibilité d'une philosophie de la pure transcendance, où tout serait dehors. L'Imaginaireest l'étape ultime avant la radicalisation opérée en 1943 et nous offre unterrain privilégié pour en mesurer l'écart et en interroger la légitimité.

Cettejournée aura pour objectif de revenir sur l'importance de l'Imaginaire. On envisagera les perspectivesménagées tant au sein des réflexions sartriennes – que ce soit vis-à-vis d'une réflexioncritique esthétique ou littéraire, en particulier celle menée par le"dernier" Sartre – que pour l'intérêt philosophique général d'uneréflexion sur l'imaginaire. On se proposera en particulier d'en souligner larelation étroite avec le traitement husserlien.