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Autofictions scéniques ou l'auto-figuration au théâtre : L'auteur de soi à soi ?

Autofictions scéniques ou l'auto-figuration au théâtre : L'auteur de soi à soi ?

Publié le par Vincent Ferré (Source : Frédérique Toudoire-Surlapierre)

Est-ce qu'on peut parler d'autobiographie théâtrale, constitue-t-elle un nouveau genre, une tendance hybride du théâtre contemporain ? S'il est convenu que « bêtement, l'acteur imite un être humain » (Elfriede Jelinek), que deviennent les modalités et les enjeux de cette imitation quand l'acteur joue un épisode de sa propre vie, met en scène, qu'il se re-représente d'une certaine manière ? La scène autobiographique peut devenir un espace encore plus contradictoire, lorsqu'un auteur choisit de se confier au théâtre mais que cette confidence ou ce discours intime sont pris en charge par un comédien (détournant ainsi le pacte autobiographique). Les ambivalences de ce pacte sont ainsi mises en évidence : serait-il impossible à sceller ou faut-il penser que l'auteur (à moins qu'il ne s'agisse du comédien) établisse un pacte faustien, signifiant au passage que l'auto-figuration consisterait à vendre son âme au diable ? Une pièce aussi autobiographique que névrotique qu'est 4.48 Psychose de Sarah Kane n'entre-t-elle pas dans cette perspective ? Le suicide de l'auteur, annoncé à la fin de cette pièce et effectué dans la vie, en serait une preuve tragique, exhibant une certaine forme de séduction mimétique mortifère de la vie pour le théâtre. De même, le texte de Claude Régy, Au-delà des larmes, en constitue une forme de réponse, théâtrale pour une part, tout aussi autobiographique que l'autre. Processus d'autant plus intéressant que la scène est une discipline artistique qui s'inscrit très explicitement dans un champ social, dans une communauté où l'échange n'est pas seulement culturel mais dépend aussi des conditions concrètes (financières, matérielles) de représentation.

 

Le mythe de Narcisse (qui est peu ou prou au fondement de tout projet autobiographique ou auto-fictionnel) trouve un reflet paradoxal en ce que l'auto-portait de l'auteur est doublement détourné : à la fois par l'acteur et par le public qui en constitue le réceptacle. Remarquons à quel point les configurations psychanalytiques du divan peuvent être convoquées (un patient parle et un autre, dans l'ombre, un peu en arrière, l'écoute) : est-ce à dire que la scène serait moins une « clef pour l'imaginaire » (Octave Mannoni, L'autre scène. Clefs pour l'imaginaire) que l'espace de prédilection du « vécu » ? Dans quelle mesure peut-on affirmer que la configuration scène/salle prend les formes de la confession (et donc le public ne serait rien d'autre qu'un auditoire), oscillant entre le judiciaire (la tribune, le verdict : le public est ainsi chargé de juger la confession qui lui est faite) et la posture d'aveu psychanalytique (le souvenir-écran, les traumatismes) : faisant de la scène l'espace d'un déballage impudique de soi ? Que joue-t-on (l'auteur, l'acteur mais aussi bien le spectateur) dans cette nouvelle configuration intime ? À l'heure où l'autofiction envahit l'espace romanesque, nous avons voulu nous demander ce que celle-ci a à dire au (du) théâtre. Les différentes contributions à cette étude de l'autofiction théâtrale voudraient permettre d'en dégager les spécificités et d'analyser par là même le regard que celle-ci révèle du théâtre (ou de son fonctionnement incestueux, mêlant le théâtre et son commentaire, ainsi dans Théâtres d'Olivier Py, qui se sert de la scène pour parler du théâtre).

On envisagera ainsi, de façon non exhaustive :

 

 

-         la représentation autobiographique : les pièces où la confusion entre la vie et le théâtre est un principe d'écriture dramaturgique (les écrits de Sarah Kane ou bien Le Pays lointain de Jean-Luc Lagarce), y compris quand ce projet est subverti par la dérision ou le mensonge (Trente et une pièces autobiographiques d'Armando Llamas est aussi une réflexion sur les malversations possibles du confessionnal scénique).

-         le jeu autobiographique : quand l'auteur est aussi l'acteur ; on s'intéressera alors au jeu théâtral et à l'identité scénique : qu'est-ce qu'interpréter sa propre personne (dans le Roman d'un acteur de Philippe Caubère par exemple) ? Comment le passage de la personne à « l'effet personnage » (Vincent Jouve) se produit-il ?

-         les « one man show » ; les études de l'allocution sans allocutaire, de l'interprétation de divers personnages par un seul acteur seront bienvenues, en ce qu'elles contraignent à passer par l'autre pour dire soi.

-         les jeux de la mémoire et de la reconstruction par exemple dans Comment j'ai mangé du chien d'Evguéni Grichkovets où l'auteur opère la relecture de son propre passé comme de la décomposition de l'Union soviétique ; comment l'auto-figuration joue-t-elle des temps théâtraux ? la représentation est-elle complaisance, revanche, amendement ? Quels sont les écarts, les écueils, les trahisons de la redite sur scène ?

-         la mise en scène des correspondances et des journaux intimes : envisager la scénographie épistolaire ou intime pour se demander comment le genre épistolaire peut prendre une dimension théâtrale, et interroger les raisons de cette scénarisation (Lettres de Tchékhov avec Michel Piccoli, Lettres à Lou d'Apollinaire).

-         la recrudescence des mises en scène de Journaux intimes mérite qu'on s'y arrête ; qu'il s'agisse des Journaux intimes de Tolstoï, de ceux d'Amiel ; dans une perspective identique (quoique génériquement différente) Mon coeur mis à nu par Jean-François Balmer, et plus récemment encore le Journal intime de Jean-Luc Lagarce (Ébauche d'un portrait, par François Berreur).

 

 

Ce projet prendra la forme d'un ouvrage collectif publié en partenariat entre l'Université de Haute-Alsace et l'Université de Bourgogne aux Presses Universitaires de Dijon en 2010. Les propositions de communications (le titre de la communication, ainsi qu'une présentation de celle-ci, une dizaine de lignes environ, un bref cv sera également le bienvenu), seront à envoyer avant le 15 mai 2009 à

 

Florence Fix, Université de Bourgogne

florence.fix@jfix.com

 

et à Frédérique Toudoire-Surlapierre, Université de Haute-Alsace

frederique.toudoire@uha.fr

 

  • Responsable :
    M. Finck, F. Toudoire