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"Auteurs sous influence : influence et intertextualité en critique littéraire" (ENS Paris)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Jordi Brahamcha-Marin)

Appel à communication

Auteurs sous influence (influence et intertextualité en critique littéraire)

Séance du Séminaire littéraire des Armes de la critique

24 janvier 2020, 14h-17h

ENS, salle Conférence, 46 rue d’Ulm, rez-de-chaussée à gauche

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Dans le cadre de la quatrième séance du Séminaire littéraire des Armes de la critique, séminaire qui entend approcher les phénomènes littéraires et culturels d’un point de vue matérialiste, c’est-à-dire en les réinscrivant dans le contexte historique, économique et sociologique de leur production, nous nous intéresserons aux notions littéraires d’intertextualité et d’influence.

Dans leur ouvrage consacré au Sujet lecteur, Annie Rouxel et Gérard Langlade critiquaient la « conception autoréférencée de la littérature » conduisant à une « utilisation à la fois réductrice et systématique de la notion d’intertextualité » : « La littérature parle en priorité de la littérature et lire une œuvre consiste avant tout à installer celle-ci dans un réseau de références intertextuelles[1]. » Mais une autre utilisation de l’intertextualité est-elle possible ? Cela ne va pas de soi, l’intertextualité pouvant être considérée comme l’une des bêtes noires d’une conception externaliste du fait littéraire, précisément désireuse de « ne pas regarder les textes comme des systèmes clos ni comme des réseaux d’intertextes[2] ».

Cette immanence textuelle est inhérente à la première définition de l’intertextualité que propose Julia Kristeva dès les années 1960. En effet, le terme apparaît d’abord sous sa plume pour désigner le « croisement dans un texte d’énoncés pris à d’autres textes[3] ». Chaque mot compte : l’idée de croisement renvoie au dialogisme bakhtinien tel qu’il avait été développé en 1929 dans Problèmes de la poétique de Dostoïevski, avec néanmoins une extension de sens notable, puisque le dialogisme bakhtinien ne concernait en aucun cas tous les textes, comme ce sera le cas chez Kristeva[4]. Quant au terme de texte, il doit être entendu comme un « système de signes » englobant, comme le rappelle Laurent Jenny, « œuvres littéraires, langages oraux, systèmes symboliques sociaux ou inconscients[5] ». Le pouvoir de la notion telle qu’elle a été définie par Kristeva était donc d’étudier des objets qui transcendaient le texte tout en respectant l’exigence d’immanence textuelle du groupe Tel Quel[6].

Or cette clôture du texte propre à l’intertextualité ne peut se comprendre qu’en opposition à d’autres approches littéraires, comme la critique des sources ou l’influence. Ce sont bien à ces dernières que Roland Barthes, en 1973, oppose sa définition de l’intertexte : « L’intertexte, condition de tout texte, quel qu’il soit, ne se réduit évidemment pas à un problème de sources ou d’influences ; l’intertexte est un champ général de formules anonymes, dont l’origine est rarement repérable, de citations inconscientes ou automatiques, données sans guillemets[7] ». En d’autres termes, l’intertextualité conteste l’influence en ce qu’elle n’a nul besoin de « prouver le contact entre l’auteur et ses prédécesseurs[8] ». Au modèle de la « dérivation philologique » s’est donc substitué celui de la « ressemblance structurale[9] », attentive au rapport de texte-à-texte et, plus précisément, à la transformation par le texte de son intertexte (là où l’influence s’intéressait davantage au « trajet de la source au point d’arrivée[10] »).

Au cours de cette séance, pourront être interrogés les points suivants :

 – l’histoire de ces notions au sein des études littéraires et les rapports conflictuels qu’elles ont pu entretenir ;

 – la manière dont des théoriciens de la littérature attentifs à une approche sociale du fait littéraire – Fredric Jameson, Claude Duchet ou Marc Angenot, pour ne citer qu’eux – ont pu reprendre en les transformant ces notions d’intertextualité et d’influence ;

 – les modifications possibles à apporter à ces deux notions pour leur utilisation dans une étude de l’œuvre littéraire qui prendrait en considération son contexte de production.

Outre des approches strictement théoriques, les personnes intéressées pourront également proposer des études de cas problématisées.

Date limite de soumission des propositions : 31 décembre 2019

Date de notification des propositions retenues : 5 janvier 2020

Les propositions, de 200 à 300 mots, sont à envoyer à esther_demoulin@hotmail.com et jordi.brahamcha-marin@univ-lille.fr, accompagnées d’une brève notice bio-bibliographique.

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Bibliographie :

Ouvrages

Adam, Jean-Michel, Souvent textes varient. Génétique, intertextualité, édition et traduction, Paris, Classiques Garnier, 2018.

Bakhtine, Mikhaïl, Esthétique et théorie du roman, Paris, Gallimard, coll. Tel, 1978.

Barthes, Roland, Le Plaisir du texte, Paris, Éditions du Seuil, 1973.

Bayard, Pierre, Le Plagiat par anticipation, Paris, Minuit, coll. Paradoxe, 2009.

Bloom, Harold, The Anxiety of influence. A theory of poetry, New-York/Oxford, Oxford University Press, 1997.

Compagnon, Antoine, La Seconde Main ou le travail de la citation, Paris, Éditions du Seuil, coll. Points, 1979.

Decout, Maxime, Qui a peur de l’imitation ?, Paris, Minuit, 2017.

Durvye, Catherine, Les Réécritures, Paris, Ellipses, 2001.

Genette, Gérard, Palimpsestes. La Littérature au second degré, Paris, Éditions du Seuil, 1982.

Gignoux, Anne-Claire, Initiation à l’intertextualité, Paris, Ellipses, coll. Thèmes et études, 2005.

Hébert, Louis et Guillemette, Lucie (dir.), Intertextualité, interdiscursivité et intermédialité, Laval, Les Presses de l’Université Laval, 2009.

Kristeva, Julia, Séméiotikè. Recherches pour une sémanalyse, Paris, Éditions du Seuil, 1969.

Le Calvez, Éric et Canova-Green, Marie-Claude (éd.), Texte(s) et intertexte(s), Amsterdam, Rodopi, 1997.

Marillaud, Pierre et Gauthier, Robert (dir.), L’Intertextualité, actes du 24e colloque d’Albi, Langages et signification, Toulouse, C.A.L.S./C.P.S.T., 2004.

Piégay-Gros, Nathalie, L’Intertextualité, Paris, Dunod, 1996.

Rabau, Sophie, L’Intertextualité, Paris, GF-Flammarion, coll. Corpus/Lettres, 2002.

Samoyault, Tiphaine, L’Intertextualité. Mémoire de la littérature, Paris, Armand Colin, coll. 128, 2001.

Schlanger, Judith, Le Neuf, le différent et le déjà-là. Une exploration de l’influence, Paris, Hermann, 2014.

Schneider, Michel, Voleurs de mots, essai sur le plagiat, la psychanalyse et la pensée, Paris, Gallimard, 1985.

Still, Judith et Worton, Michael, Intertextuality. Theories and Practices, Manchester, Manchester University Press, 1990.

Theis, Raimund et Siepe, Hans (éd.), Le Plaisir de l’intertexte. Formes et fonctions de l’intertextualité, New York, Peter Lang, 1986.

Articles

Angenot, Marc, « L’intertextualité : enquête sur l’émergence et la diffusion du champ notionnel », Revue de sciences humaines, n° 189, 1983, p. 121-135.

Angenot, Marc, « Intertextualité, interdiscursivité, discours social », Texte, n° 2, 1983, p. 101-112.

Barthes, Roland, « Texte (théorie du) » [1973], Œuvres complètes, IV, Éric Marty (dir.), Paris, Éditions du Seuil, 2002, p. 443-459.

Bellemin-Noël, Jean, « De l’interlecture », Comment la littérature agit-elle ?, Michel Picard (dir.), colloque de Reims, mai 1992, Paris, Klincksieck, 1994, p. 147-165.

Fortier, Francis et Mercier, Andrée, « L’autorité narrative en question dans le roman contemporain », Emmanuel Bouju (dir.), L’Autorité en littérature, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, coll. Interférences, 2010, p. 109-120.

Fraisse, Luc, « L’étude des sources. Quelques principes généraux dégagés du cas de Marcel Proust », La Petite Musique du style. Proust et ses sources littéraires, Paris, Classiques Garnier, 2011, p. 9-51.

Gide, André, « De l’influence en littérature », Essais critiques, Paris, Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 1999, p. 403-417.

Gignoux, Anne-Claire, « De l'intertextualité à la récriture », Cahiers de Narratologie, n° 13, 2006. URL : http://journals.openedition.org/ narratologie/329. Consulté le 30 avril 2019.

Jenny, Laurent, « La Stratégie de la forme », Poétique, n° 27, 1976, p. 257-281.

Leone, Massimo, « L’inépuisable : intertextualité et influence », Pierre Marillaud et Robert Gauthier (dir.), L’Intertextualité, actes du 24e colloque d’Albi, Langages et signification, Toulouse, C.A.L.S./C.P.S.T., 2004, p. 249-261.

Riffaterre, Michael, « La syllepse intertextuelle », Poétique, n° 40, 1979, p. 496-501.

Riffaterre, Michael, « Sémiotique intertextuelle : l’interprétant », Revue d’esthétique, n° 1-2, 1979, p. 128-150.

Riffaterre, Michael, « La trace de l’intertexte », La Pensée, 215, 1980, p. 4-18.

Riffaterre, Michael, « L’intertexte inconnu », Littérature, n° 41, 1981, p. 4-7.

Riffaterre, Michael, « Contraintes intertextuelles », Texte(s) et intertexte(s), Éric Le Calvez et Marie-Claude Canova-Green (dir.), Amsterdam, Rodopi, 1997, p. 35-53.

 

 

[1] Annie Rouxel et Gérard Langlade, « Avant-propos », Le Sujet lecteur. Lecture subjective et enseignement de la littérature, Annie Rouxel et Gérard Langlade (dir.), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2004, p. 15.

[2] Jordi Brahamcha-Marin, « Présentation du SLAC : histoire, programme, principe », p. 4. URL : https://f.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/851/files/2018/11/Présentation-du-SLAC.pdf. Consulté le 25 novembre 2019.

[3] Julia Kristeva, Séméiotikè. Recherches pour une sémanalyse, Paris, Éditions du Seuil, 1969, p. 115.

[4] Sophie Rabau, L’Intertextualité, Paris, GF-Flammarion, coll. Corpus/Lettres, 2002, p. 22.

[5] Laurent Jenny, « La stratégie de la forme », Poétique, n° 27, 1976, p. 261.

[6] Ce qu’a parfaitement décrit Sophie Rabau, op. cit., p. 26.

[7] Roland Barthes, « Texte (théorie du) », Œuvres complètes, IV, Éric Marty (dir.), Paris, Éditions du Seuil, 2002, p. 451.

[8] Michael Riffaterre, « Sémiotique intertextuelle : l’interprétant », Revue d’esthétique, n° 1-2, 1979, p. 131.

[9] Massimo Leone, « L’inépuisable : intertextualité et influence », Pierre Marillaud et Robert Gauthier (dir.), L’Intertextualité, actes du 24e colloque d’Albi Langages et signification, Toulouse, C.A.L.S./C.P.S.T., 2004, p. 249.

[10] Sophie Rabau, op. cit., p. 16.