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Au coeur des savoirs : le care et la sollicitude. Approches Pluridisciplinaires (Paris)

Au coeur des savoirs : le care et la sollicitude. Approches Pluridisciplinaires (Paris)

Publié le par Romain Bionda (Source : Adélaïde Gregorio Fins)

Appel à communication

Au cœur des savoirs : le care et la sollicitude Approches pluridisciplinaires

Colloque international Lettres Sorbonne Université, 22 et 23 mai 2018 Amphithéâtre Richelieu et Maison de la Recherche

Argumentaire :

La littérature transmet des expériences de vie et offre des points de vue divers sur l’altérité. Contre une conception formaliste et abstraite de la morale et du vivre-ensemble, la littérature semble ainsi ménager un accès au réel qui nous permet de penser la pluralité des situations éthiques.

On peut considérer que l’éthique a pour sujet nos réactions à la vie humaine et que la littérature permet de cerner le caractère singulier des expériences de la vie ordinaire. C’est sans doute là que se noue le nœud entre éthique et littérature, entre prise en compte de la diversité des situations morales et attention pour le caractère commun et ordinaire des vies humaines, à travers la bienveillance et le souci à l’égard d’autrui. L’éthique ainsi redéfinie semble se rapprocher de l’éthique de la sollicitude et de l’éthique du care.

Les questions d’éthique dans les études littéraires ont été largement problématisées à partir des années 1980, notamment avec le mouvement du tournant éthique, Ethical Turn, les contributions de Stanley Cavell, Cora Diamond ou encore Martha Nussbaum ayant conféré une nouvelle centralité à cette thématique éthico-littéraire de l’attention portée à la vulnérabilité humaine.

En effet, contre les approches purement textuelles qui envisagent le fait littéraire comme un simple dispositif linguistique et contre certains courants de philosophie rationaliste pour qui la littérature n’est que divertissement, ou au mieux matière à exemples, ses auteurs révèlent que les relations entre l’éthique et la fiction sont susceptibles de produire des effets dans notre univers de représentation, permettant d’approfondir la compréhension de soi et d’autrui. Ce mouvement va bouleverser les théories morales dominantes qui se sont élaborées à partir de la conception de l’individu autonome et où la fragilité fait figure d’oubliée.

C’est aux Etats-Unis que l’éthique du care trouve sa source dans l’empirisme de la tradition anglo-saxonne (Hutcheson,  Hume), plus particulièrement dans la psychologie du développement moral avec l’ouvrage fondateur  de Carol Gilligan (1982), puis dans les travaux des féministes que lui succèdent, et les travaux de Joan Tronto (1993) cherchant à articuler la dimension éthique du care à la pratique et au social. En France, les réflexions sur le care et la sollicitude trouvent leur élan à partir des années 2000, avec les travaux de Sandra Laugier (2005, 2009, 2011, 2012), Fabienne Brugère (2008, 2011), Corine  Pelluchon (2009, 2011, 2015, 2018), Patricia Paperman  (2005, 2006, 2009, 2011, 2013), Pascale Molinier (2005, 2009), Frédéric Worms (2010) entre autres.

Ces différentes approches ont contribué à la constitution d’une nouvelle philosophie morale révélant une exigence souvent laissée de côté par le libéralisme et l’éthique de la justice (Rawls, 1971), à savoir la mise en valeur des émotions, la singularité, l’attention et la fragilité dans nos pratiques quotidiennes, mais aussi l’apport de l’imagination dans la littérature, soulignant par ailleurs la valeur médiatrice de certains récits capables de renforcer moralement notre jugement de lecteur. C’est cette expérience humaine universelle, à la fois de dépendance et de relation, que les éthiques du care et de la sollicitude cherchent à rendre visible.

Toutefois dans cette critique commune de la modernité à travers l’attention portée à la fragilité humaine, le thème de la sollicitude chez Martha Nussbaum (1986, 1990, 1995, 2004), Paul Ricœur (1990, 1995, 2004) et Corine Pelluchon (2009, 2011, 2015, 2018) ne s’insère pas dans la perspective des philosophies éthiques propres au care féministe.

Le terme care dans ses différentes versions éthiques se traduit par les termes de sollicitude et de soin et renvoie à deux dimensions : la capacité à se soucier d’autrui et les pratiques que requièrent une prise en charge du besoin de soin au niveau social ou médical. De la vulnérabilité morale à la vulnérabilité physique émerge un modèle éthique et politique du soin, celui de la médecine narrative de Rita Charon (2006, 2015, 2016). La visée de cette éthique narrative du soin est conçue à la manière d’une écoute et présuppose une relation au récit de l’expérience vulnérable du patient. De l’éthique du care au travail du care, les «humanités » impliquent une réflexion éthique contre la pensée instrumentale, rappelant à celle-ci la nécessaire reconnaissance de la dignité des êtres humains. Si cette éthique du care questionne les enjeux du corps malade, souffrant ou mourant du coté de la médicine et des soins de santé, le care prend aussi en compte les brisures du lien social.

C’est là que l’apport sociologique du care au débat éthique contemporain révèle toute son importance. En effet, la sociologie du care atteste de l’importance sociale et morale du travail de care domestique et des soins, comme des expériences et des activités qui font tenir ensemble un monde commun : « qui s’occupe de quoi et comment ? ». De fait, les pourvoyeuses de care sont des femmes assignées à la sphère domestique, ou bien aux tâches dévalorisées, dévoilant non seulement la division genrée du travail, comme aussi la part des inégalités sociales, et la marginalisation et la dévalorisation de ces activités qui sont au service de l’humanité dépendante et vulnérable.

Par ailleurs, cette thématique peut également prendre en compte les travaux sur l’écriture des femmes et le féminisme (Cixous, 1975 ; Delphy, 1981 ; Butler, 1990, 2004 ; Dorlin, 2008 ; Fraisse 2010, etc.) comme pensée critique, philosophique ou encore comme mouvement collectif qui renvoie à l’expérience des femmes. Cette expérience permet de rendre visible des savoirs et des pratiques qui ont été dévalorisés et niés par le patriarcat. Que ce soit à travers l’écriture (Virginia Woolf), ou dans la pratique militante (Simone de Beauvoir, 1949) ou encore dans la pratique de la sollicitude et du care, l’expérience féministe porte une visée émancipatrice, une prise de conscience élargie et transformatrice des conditions sociales articulant l’éthique et la politique. Réflexion qui questionne les conséquences théoriques et pratiques de l’approche féministe : quel éclairage le féminisme peut-il apporter aux savoirs?

Pour pouvoir appréhender la complexité du vivre-ensemble et mieux comprendre les enjeux moraux et politiques de l’éthique contemporaine, nous interrogerons dans ce colloque la capacité de care et de sollicitude (souci, attention, soin) dans une perspective pluridisciplinaires (littérature, philosophie, sociologie, médicine, science politique) afin d’approfondir le débat sur nos engagements éthiques et explorer d’autres catégories comme la valeur des liens, le don, l’égalité et la justice, le discours critique, l’émancipation des femmes, les formes de solidarité de genre, la reconnaissance de soi et d’autrui, l’altérité. Autant des concepts qui entrent en résonance directe avec l’approche de la sollicitude et du care féminin.

Ces deux journées de colloque entendent offrir aux chercheurs et spécialistes de différents horizons scientifiques, une occasion de recherche, de réflexion et de débat à propos du Care suivant quatre axes d’approches variées mais complémentaires d’un point de vue critique et pluridisciplinaire :

Sollicitude et fragilité en littérature et en philosophie Care et féminisme Care et sollicitude du point de vue de l’éthique Expérience du care au regard de la sociologie et de la politique

Modalités de soumission :

  • Les interventions ne devront pas excéder 30 minutes suivies de 15 minutes de discussion avec le public.
  • Cet appel à communications s’adresse aux jeunes chercheurs (doctorants et post-doctorants) travaillant dans les domaines des sciences humaines, sociales et médicales.
  • Les propositions (en français) contenant nom, prénom, statut, affiliation, le résumé d’une page maximum, le titre, une courte notice biobibliographique et l’indication de l’axe de travail retenu, doivent être transmises au plus tard le 20 avril 2018 à l’adresse suivante :   gfins.adelaide@gmail.com
  • Les candidat.e.s seront informé.e.s de l’acceptation ou du refus des propositions le 30 avril 2018.

Colloque International organisé par Adélaïde Gregorio Fins, Doctorante en Philosophie Lettres Sorbonne Université, et à la Faculté de Lettres de l’Université de Coimbra.

Comité scientifique : Hélène L’Heuillet, Maître de Conférences HDR en Philosophie, Lettres Sorbonne Université, directrice de l’Équipe d’Accueil « Rationalités Contemporaines » EA 3559; Anne Tomiche, Professeure de littérature comparée à Lettres Sorbonne Université, CRLC, EA 4510, UMR8103-ISJPS ; Fabienne Brugère, Professeure de Philosophie à l’Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis, LLCP, Sandra Laugier, Professeure de philosophie à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne.