Actualité
Appels à contributions
Attention, machine ! Pratiques artistiques et recyclages médiatiques (Grenoble)

Attention, machine ! Pratiques artistiques et recyclages médiatiques (Grenoble)

Publié le par Marc Escola (Source : Jailloux)

Attention, machine !

Pratiques artistiques et recyclages médiatiques

8, 9 février 2018

Université Grenoble-Alpes / Hexagone – Scène Nationale arts et sciences (Meylan)

 

Organisé en collaboration avec la scène nationale « Arts-Sciences » de l’Hexagone (Meylan), ce colloque interdisciplinaire s’inscrira dans la programmation d’Experimenta, biennale arts-sciences de l’Hexagone, et articulera communications universitaires, conférences grand public, visite de l’exposition et spectacles.

 

La mécanisation des pratiques artistiques depuis le 19ème siècle a donné lieu tant à de virulents débats esthétiques qu’à l’émergence de pratiques et de formes artistiques nouvelles, pour lesquelles le rôle des machines et des objets techniques n’est plus à démontrer. Mais à l’heure des réseaux et de l’intelligence artificielle, peut-on encore parler de « machines » ? En 1966, Hitchcock confiait à Truffaut qu’il rêvait d’une machine dans laquelle il n’aurait qu’à introduire son scénario pour voir sortir son film, complet et en couleurs1. Cette prévisibilité machinique rejoindrait alors ce qui pousse Pierre-Damien Huyghe à distinguer la machine de l’appareil : l’appareil propre au cinéma définit justement la présence de celui-ci par le fait que quelque chose est saisi par la caméra qui échappe à la programmation de l’auteur, pour la dépasser et la sur-prendre2. Plutôt qu’à « protéger » les humains d’une colonisation par la technique, le vrai défi n’est-il pas de faire attention aux machines – non pour les traiter en ennemis, mais pour en tirer les surprises propres aux appareils ?

En tant qu’ils tendent souvent à créoliser attention humaine et attention appareillée3, les arts vivants constituent un point d’observation stratégique pour observer ce type de phénomènes, qui remettent toujours en question les limites traditionnelles entre les media. Mais au-delà du caractère interartistique des productions artistiques contemporaines – qui a déjà fait l’objet de nombreuses publications4 – nous voudrions porter plus spécifiquement notre attention sur les « restes obstinés » et « recyclages diserts » de ces « mouvements de désappropriation et d’appropriation » qui caractérisent les relations intermédiales, pour reprendre les termes d’E. Méchoulan5. Comment les pratiques artistiques contemporaines (cinéma, théâtre, performance, installation, nouvelles écritures) intègrent-elles de nouveaux médias tout en réactivant des médias et des machines plus anciens ? Le « recyclage » médiatique comme geste artistique est-il caractéristique de l’ère numérique ?

Jouant de la visibilité de la réappropriation, signalant le jeu des réemplois, ces pratiques relèvent ainsi bien plus de la « remédiation » que Bolter et Grusin, après McLuhan, accordent aux processus intermédiaux : plus souvent qu’on ne le croit, le contenu d’un medium est un autre medium. Ce recyclage constitutif de la médialité inscrit le geste artistique dans une perspective historique, voire archéologique, dans la mesure où il conserve la trace de l’ancien medium, joue avec l’identité de celui-ci et fait de la réactivation en son sein la source d’une inventivité (narrative, visuelle, sonore, plastique) renouvelée. Le medium qui agit ainsi intègre un autre medium plus ancien – ses codes, qu’il s’agisse de formats, de règles énonciatives, de matières, etc. - mais l’intégrant, il affirme aussi sa spécificité, joue de la confrontation avec celui-ci, de la plasticité de son identité, etc. Comment ce geste de réemploi, d’appropriation joueuse façonne-t-il des pratiques artistiques qu’il est de plus en plus malaisé de classer, catégoriser, discipliner ? Quels nouveaux horizons d’attente ces pratiques produisent-elles, comment troublent-elles nos capacités attentionnelles de (télé)spectateurs et construisent-elles un discours critique sur les media ? C’est à travers l’approche de plusieurs gestes artistiques qui nous semblent caractéristiques de ces processus que nous organiserons ces deux jours de réflexion.

 

Les propositions de communication pourront ainsi s’inscrire dans l’un des axes suivants :

 

* Récupérer : le recyclage des « déchets » médiatiques comme espace de résistance ?

Récupérateur inventif de nombreux « déchets » médiatiques, bricoleur ingénieux, l’artiste n’hésite pas à s’emparer de ce qui est rejeté par l’industrie médiatique pour faire de sa pratique le lieu d’une certaine résistance aux discours et aux usages induits par celle-ci. Entre esthétique low-tech et récupération, comment les artistes investissent-ils ces interstices médiatiques laissés en friche par les intérêts économiques ? Ce geste de récupération est-il propre à articuler un discours critique des usages des machines dans notre siècle ?

 

* Réactiver : mettre en jeu l’attention

C’est notre attention humaine aux machines de médialité qui les nourrit du sang dont elles nous vampirisent. Comment une attention portée sur les machines elles-mêmes peut-elle nous aider à en faire des appareils de création plutôt que des machines d’aliénation ? Comment l’attention elle-même doit-elle être pensée comme création (plutôt que comme reconnaissance), à l’heure où les algorithmes sont en passe de tout reconnaître plus vite et mieux que nous ? Comment pratiques artistiques et recyclages médiatiques nous aident-ils à stimuler cette attention créative ?

 

* Reconfigurer : nouvelles modalités narratives ?

Le réemploi de formats et de règles au sein d’un autre média que celui d’origine constitue un moyen d’interroger les migrations narratives et leurs effets. Rémy Besson rappelle ce mot de Deleuze, « avoir une idée en [quelque chose] », afin de signifier que la mise en récit d’une même histoire varie en fonction du média d’accueil6. Dès lors, comment lire et comprendre l’appropriation, dans un média, de normes caractérisant un genre plus ancien ? Cette appropriation constitue-t-elle une reconfiguration susceptible de faire émerger de nouvelles modalités narratives ?

 

* Renouveler : initier des pratiques de création

Il serait tout à fait naïf de penser que ces changements artistiques n’entraînent pas de profondes mutations dans l’organisation des processus de création. Ces changements ne sont pas non plus sans effet sur les temporalités et les rythmes de ces processus : comment les artistes s’adaptent-ils à ces mutations de leur environnement professionnel ? Peut-on aujourd’hui entrevoir ce que ces objets intermédiatiques font naître comme nouvelles dynamiques créatives, à travers l’apparition – ou la disparition – de corps de métiers, de pratiques technologiques, de collaborations institutionnelles, etc. ?

 

Comité scientifique [en cours de composition] (Litt&Arts UMR 5316, LJK UMR 5224) : Guillaume Bourgois (UGA,

Etudes cinématographiques), Yves Citton (UGA, Littérature française), Pierre Jailloux (UGA, Etudes

cinématographiques), Rémi Ronfard (INRIA, Sciences informatiques), Julie Valero (UGA, Arts de la scène).

 

Informations pratiques : dans la mesure du possible, il nous semble nécessaire que les contributeurs puissent participer à l’ensemble des débats et assister aux manifestations artistiques programmées. Les frais d’hébergement et de restauration seront pris en charge par l’équipe d’accueil. En fonction du statut des contributeurs, une prise en charge des frais de déplacement pourra être étudiée.

Les propositions de communication de 300 mots maximum, accompagnées d’une bio-bibliographie, sont à faire parvenir au comité, avant le 31 juillet 2017, à l’adresse mail suivante : attention.machine@gmail.com

1 Hitchcock-Truffaut, Paris, Gallimard, 1993 p. 330.

2 Pierre-Damien Huyghe, Le cinéma, avant, après, De l’Incidence, 2011.

3 N. Nova et J. Vacheron, DadaBot, IdPure éditions, 2015.

4 On pourra à cet égard consulter la bibliographie assez complète réalisée à l’occasion du colloque « Création, intermédialité, dispositif » (sous la direction de P. Ortel, Toulouse le Mirail, Février 2014) : http://fms2.cerimes.fr/vod/media/canalu/documents/utm/cr.ation.interm.dialit.dispositif.ouverture.du.colloque.emmanuelle.garnier.philippe.ortel_14804/bibliographie.creation.intermedialite.pdf Consulté le 22/03/17

Ou encore l’article de M. -C. Lesage, « Théâtre et intermédialité : des œuvres scéniques

protéiformes » Communications, 2/2008 (n° 83), p. 141-155.

URL : http://www.cairn.info/revue-communications-2008-2-page-141.htm

5 E. Méchoulan, « Intermédialités : le temps des illusions perdues », Intermédialités n°1, « Naître », Printemps 2003, http://cri.histart.umontreal.ca/cri/fr/intermedialites/interface/numeros.html Consulté le 22/03/2017

6 Remy Besson. Prolégomènes pour une définition de l’intermédialité à l’époque contemporaine.

2014.