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Nouvelle parution
Art et transculturalité au Maghreb. Incidences et résistances, Hadj Miliani et Lionel Obadia (dir.)

Art et transculturalité au Maghreb. Incidences et résistances, Hadj Miliani et Lionel Obadia (dir.)

Publié le par Matthieu Vernet

Art et transculturalité au Maghreb : Incidences et résistances.

Hadj Miliani et Lionel Obadia (dir.)

Éditions des Archives Contemporaines coll. « Actualité scientifique » 144 p.

Un nouveau spectre hante les esprits : la mondialisation. Celle de l'économie est en cours mais plus redoutée est celle des cultures, des sociétés et des identités qu'il faudrait protéger contre la vague uniformisante qui déferle sur le monde. L'image a le mérite de la simplicité mais sa pertinence suppose d'être examinée plus avant. C'est ce doute qui fut au coeur d'un colloque qui s'était donné pour tâche de scruter les processus de mondialisation à la lumière des arts. Bien mieux qu'un baromètre indiquant en temps réel la fluctuation des valeurs, l'art est une surface sensible aux forces et aux mouvements virtuels qui font le monde. Par sa localisation géographique, historique, culturelle et politique, le Maghreb, diasporas comprises, offre un remarquable observatoire et laboratoire des transformations en cours. D'où le choix d'interroger les incidences et les résistances des pratiques artistiques dans le contexte transculturel de cette région. Ce qui survient est de l'ordre des incidences, que les artistes ont d'abord vocation à déclarer dans leurs oeuvres, qui traduisent également des résistances, moins défensives que créatrices et moins enracinées que construites selon des stratégies d'alliance, de mixage et d'hybridation. Ce volume regroupe ainsi un ensemble de questionnements théoriques sur les concepts de mondialisation, de résistance, d'incidence, de transculturalité, de crise. Trois sections consacrées successivement aux questions du patrimoine, de l'enseignement des arts et des imaginaires littéraires, en scrutent les horizons sociaux et culturels.

La diffusion de l'information scientifique et technique est un facteur essentiel du développement. Aussi, dès 1988, l'Agence universitaire de la Francophonie (AUF), mandatée par les Sommets francophones pour produire et diffuser livres, revues et cédéroms scientifiques, a créé une collection d'ouvrages scientifiques en langue française. Lieu d'expression de la communauté scientifique de langue française, elle vise à instaurer une collaboration entre enseignants et chercheurs francophones en publiant des ouvrages, coédités avec des éditeurs francophones, et largement diffusés dans les pays du Sud grâce à une politique tarifaire adaptée.

La collection de l'Agence universitaire de la Francophonie, en proposant une approche plurielle et singulière de la science, adaptée aux réalités multiples de la Francophonie, contribue à promouvoir la recherche dans l'espace francophone et le plurilinguisme dans la recherche internationale. Passage choisi 1. UNITÉ ET DIVERSITÉ DE SENS : L'IMPENSABLE MAIS PENSÉE «MONDIALISATION»

La surface lexicale actuellement occupée par la «mondialisation» ne confère pas au terme le statut de concept, mais plutôt celui de «mot-valise» (dans le sens que Gérard Lenclud donne à cette expression) : vaste fourre-tout intellectuel dans lequel se retrouvent des idées et des réalités bien différentes. On pourrait, certes, souligner que malgré l'intérêt généralisé pour la mondialisation, celle-ci n'a pas reçu de définition précise ou de sens définitif, et en conclure que le terme n'a aucune consistance. Ce qui serait une erreur. Certes, il y a autant d'approches de la mondialisation qu'il y a de disciplines qui s'y sont intéressées (de l'archéologie à l'anthropologie, des sciences économiques à la politologie, de la philosophie à l'histoire), et de thèses singulières soutenues par des écoles - évolutionniste, comme chez Albrow, systémique, autour de Wallerstein et de Chase-Dunn, structuro-fonctionnaliste avec Beyer et Friedman, d'inspiration diffusionniste, comme chez Appadurai. La mondialisation s'impose ainsi dans les sciences de l'Homme via les progrès d'un domaine spécialisé, les dites Globalization Studies, qui viennent s'ajouter à la déjà longue liste des autres Studies : Gender, Post-colonial, Cultural (parmi bien d'autres). Les Globalization Studies relèvent avant tout d'un domaine interdisciplinaire, et dans ce sens, n'ont pas de cadre épistémologique ou méthodologique propre, mais regroupent des travaux d'horizons les plus divers, réunis autour d'un objet et d'un locus commun - la mon­dialisation, malgré les imprécisions qui affectent le terme - et un certain nombre de paradigmes théoriques. L'oeuvre de quelques grandes figures saillantes (Mike Featherstone, Roland Robertson, Gordon Matthews, John Tomlinson, Antony Gid-dens, Immanuel Wallerstein, Arjun Appadurai, Edward Tiryakian...) en balise actuellement les contours et en discute les idées directrices. Si la «mondialisation» bénéficie d'une apparente unité, c'est donc d'abord en vertu de sa fabrique en tant qu'objet de science - et de polémique sociale. Mais une cartographie rapide - et générale - des approches, concepts et théories montre moins une convergence de vues qu'une mosaïque de thèses et de travaux par ailleurs relativement dispersés, polarisés entre les théories sur-déterminées des systèmes (par l'économique ou le politique) ou leur inverse, aux fruits nettement moins prédictibles, mais pas plus nébuleuses pour autant, théories des flux et des métissages. On se trouve donc face à un oxymore qui recouvre à la fois les idées de détermination, de structure, de système et leur contraire, et les réactions sociales qui en découlent : éloges et défenses de la mondialisation comme unité du monde (pour les gouvernements), ou, à l'opposé, comme désordre fécond (pour une partie des intellectuels), anathèmes et séditions (de la part d'autres intellectuels et d'activistes de tous horizons, «anti» ou «alter» mondialistes), ou encore, constats pessimistes et fatalistes sur l'avenir, qui prendrait la forme d'un «conflit de civilisations».