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Appels à contributions
Le Pardaillan, n°4 :

Le Pardaillan, n°4 : "Signatures"

Publié le par Université de Lausanne (Source : Luce Roudier)

Appel à propositions d’articles, pour le 15 septembre 2017

Le quatrième numéro du Pardaillan, revue de littérature populaire et culture médiatique, se propose d’interroger la notion de signature dans les productions culturelles, artistiques et médiatiques. La question de la signature renvoie à celle de la paternité de l’œuvre : signer une œuvre entérine une forme de reconnaissance de cette paternité, mais aussi une propriété et un droit moral. La signature est également le lieu où s’établit un jugement de valeur sur l’œuvre, distinguant le domaine de l’art de tous les autres domaines. En outre, elle entretient un lien étroit avec l’empreinte personnelle de l’auteur. Si l’on postule en effet que tout artiste signe son œuvre dans les formes qu’il manipule, on peut alors penser que toute œuvre induit une signature spécifique par la récurrence, plus ou moins consciente, de motifs, d’obsessions, ou de procédés particuliers et originaux.

La signature se caractérise en premier lieu par le nom : elle est le nom qu’appose le peintre en bas du tableau, ou l’écrivain à la fin du manuscrit, parachevant ainsi l’œuvre en la baptisant du nom de son auteur. Cette signature revêt une dimension parfois très matérielle : des signatures comme celles d’Eluard ou de Cocteau, dans leur graphisme caractéristique, qui place le nom dans l’espace d’une manière unique et immédiatement identifiable, produisent un double effet de signature, par la forme autant que par le sens. C’est cette mise en espace du nom qu’exploitent des auteurs comme Franquin, dont la signature, à la fin de chaque aventure de Gaston Lagaffe, prend une physionomie différente, adaptée à l’histoire qu’elle signe. Le nom de Franquin peut ainsi être aplati sous un fer à repasser, coupé en deux par la chute d’une boule de bowling ou relié à une prise électrique : il n’en reste pas moins toujours immédiatement reconnaissable, et se fait le lieu d’une bande-dessinée en miniature, sans cesse renouvelée.

La pratique du pseudonyme montre par ailleurs que le geste de signature peut être, lui aussi, au même titre que l’œuvre elle-même, objet d’invention et de création. La signature pseudonymique, en plus de l’attribution de paternité, revêt la forme d’un masque que l’auteur choisit de porter en tant que créateur, et la création de ce masque passe par l’inventivité onomastique. Il arrive également à la signature de pénétrer totalement dans la fiction, lorsque ce sont des personnages qui signent leurs actions : du Z de Zorro, lacéré sur le pourpoint de ses adversaires, qui essentialise tout le personnage en une lettre, jusqu’à la signature de Fantômas, dont l’encre apparaît ou disparaît à loisir sur les cartes de visite ou les chèques bancaires, incarnant le caractère insaisissable du bandit ultime.

Mais l’attribution d’une dénomination n’est pas la seule façon de signer. Tout d’abord, la dénomination peut être effacée, cryptée, comme dans nombre d’œuvres médiévales qui ont recours à un engin (énigme) pour dissimuler le nom de leur auteur. Elle peut aussi être remplacée ou secondée par une autre forme de signature, non nominative, et même non verbale, passant alors du Z de Zorro à la chauve-souris stylisée de Batman. Ainsi, les apparitions d’Alfred Hitchcock dans ses propres films, fugaces micro-fictions esquissées autour d’un homme qui manque son bus ou transporte une contrebasse, sont une forme évidente de signature incluse à l’intérieur même de l’œuvre. La présence du réalisateur dans ses films vient, littéralement, incarner la « patte » du créateur dans l’œuvre.

Il faut également prendre en compte le cas des œuvres plurales, incontournables dans le champ médiatique moderne : les champs de la création tels qu’ils se déploient aujourd’hui associent bien souvent des savoir-faire techniques, artistiques, informatiques, qui nécessitent l’intervention de plusieurs personnes, voire d’une équipe considérable. Dans ce type de configuration de la création, on peut se demander quelles personnes peuvent être identifiées comme auteur, qui a la légitimité de « signer » l’œuvre, et quelle forme cette signature peut prendre. Ainsi, comme une réponse aux apparitions d’Hitchcock dans ses propres films, les caméos de Stan Lee dans les films des studios Marvel reprennent ce procédé de signature en l’étendant à l’échelle d’une franchise et d’un univers fictionnel – Stan Lee n’étant pas le créateur de tous les super-héros Marvel, mais devenant emblématique de toute une production culturelle et médiatique. De la même manière, d’autres signatures collectives jouent avec leur dimension cryptée, faisant appel à la perspicacité d’un public qui se constitue en communauté de fans, et auprès de qui la signature devient le moteur d’une complicité : que l’on pense par exemple aux « Mickey cachés » des studios Disney (que l’on retrouve dans la forme d’un dossier de chaise, d’un bouton de manchette, ou encore de l’agencement de bulles de savon), ou au numéro « A113 » des studios Pixar (visible sur des plaques d’immatriculation, des boîtes de céréales ou des graffitis). On retrouve ce procédé au-delà du seul cinéma : ainsi le slick, courte cellule mélodique, reprise à l’identique mais adaptable à tout morceau de jazz, fait figure de signature à l’échelle de tout un genre musical.

C’est donc la signature dans toute son ampleur que ce numéro veut aborder, en tant que phénomène d’appropriation et d’affirmation d’une œuvre, en tant que signature singulière ou collective, prenant des formes d’une inventivité infinie. Les contributions pourront porter sur l’ensemble du champ médiatique (littérature, BD, jeu vidéo, spectacle vivant, cinéma, musique et chanson, internet, etc), et seront particulièrement bienvenues les propositions transversales visant à explorer plusieurs champs médiatiques.

Les propositions de contribution, d’une longueur de 500 à 1000 mots environ, sont à adresser à luce.roudier [@] gmail.com pour le 15 septembre 2017 au plus tard. Si la proposition est retenue, l’auteur sera informé avant le 20 septembre, et l’article sera demandé pour le 1er mars 2018. La parution est prévue pour mars 2018.