Actualité
Appels à contributions
Toucher par l'art: autour de l'haptique

Toucher par l'art: autour de l'haptique

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Marilyne Desjardins)

Toucher par l’art : autour de l’haptique

Colloque des étudiants en histoire de l’art de l’Université de Montréal 13-14 novembre 2014

L’haptique se dit en plusieurs sens.

Sa définition la plus exhaustive relève de la conception deleuzienne formulée dans Francis Bacon. Logique de la sensation où l’idée de l’haptique est dépliée en relation à celle d’une certaine sensibilité esthétique qui s’appuie sur la combinaison entre la vue et le toucher ; une possibilité de la vision différente de l’optique. Son origine étymologique, celle du verbe grec « apto » (toucher) exprime la dimension tactile du terme, alors que la deuxième partie du mot fait écho à la perception optique propre à l’espace de la vision. De là nait l’idée de l’alliage entre les deux sens : « haptique est un meilleur mot pour tactile puisqu’il n’oppose pas deux organes de sens, mais laisse supposer que l’œil peut lui-même avoir cette fonction qui n’est pas optique » (Deleuze, Mille Plateaux, Paris, Éditions de Minuit, 1980, p. 614). C’est donc précisément dans la collaboration entre les deux sens que la notion de l’haptique s’installe, lorsqu’il n’y a plus de subordination entre la main et l’œil, lorsque la vue découvre « une fonction du toucher qui lui est propre » et qui se distingue de sa fonction optique (Deleuze, Francis Bacon. Logique de la sensation, Paris, Éditions du Seuil, 1972, p. 146). Postulant l’insubordination de la main à l’œil, Deleuze définit « le sens haptique de la vue » comme étant un « troisième œil » à travers lequel la création artistique prend forme dans le cadre d’une proximité haptique que le corps de l’artiste partage avec son corrélat artistique.

Avant Deleuze, Riegl a été le premier à théoriser le terme « haptish ». Ses considérations sur la mémoire tactile et l’artiste incarné dans sa main ouvrent la voie à une nouvelle approche esthétique non pas organisée à partir de la vision mais, selon Parret, à partir « du toucher, du rapprochement et de la matérialité résistante » (Herman Parret « Spatialiser haptiquement », Actes sémiotiques [En ligne], 2009, n° 112. Disponible sur :http://epublications.unilim.fr/revues/as/2570 ). Ce propos est anticipé par Herder dans sa théorie psycho-esthétique de la sensorialité humaine. L’auteur y prône une nouvelle esthétique haptique fondée sur la réinscription de la vision dans le toucher et y reconnaît le rôle du corps comme vecteur dans l’établissement de la connaissance (J. G. Herder, Werke, Wissenschafliche Buchgesellschaft, Darmstad 1987; Trad. Anglaise : « Sculpture. Some Observations on Shape and Form from Pygmalion’s Creative Dream, trad. Jason Gaiger, Chicago; Londres, The University of Chicago Press, 2002.). Derrida remarque finalement que le toucher nous ramène souvent à la réalité de la main qui, pour les phénoménologues, s’articule dans un rapport à l’esprit et à la perception (Derrida, Le toucher, Jean-Luc Nancy, Paris, Galilée, 2000, p. 193). Cette réflexion ne saurait être exclue d’une étude de l’expérience haptique, à condition que la main soit définie, selon l’expression de Paul Valéry, comme « la main de l’œil » (Valéry, Cahiers, II, Paris, Pléiade, 1974, p. 1301).

À la lumière de ces réflexions, cet appel questionne la contribution du toucher à la perception visuelle selon deux axes: la transformation de la notion classique de l’esthétique causée par l’haptique et l’évolution de ce dernier concept et son application actuelle. En effet, si l’haptique comme notion opératoire s’inscrit dans les réflexions portées par l’histoire de l’art, l’intégration de nouvelles technologies qui sollicitent une interaction entre les sens et les images est susceptible de venir transformer radicalement sa signification. De nouvelles approches concernant la relation du corps avec les œuvres, l’éclosion de théories s’intéressant aux rapports entre le son et les arts plastiques ainsi que l’évolution des pratiques muséales pourraient également modifier l’utilisation du terme. En somme, nous souhaitons que ce colloque mette en valeur les différentes approches théoriques et périodes historiques. Au sein de ce vaste éventail, nous appelons plus précisément les propositions qui étudient des œuvres d’art ou des pratiques muséales et qui concernent les axes suivants :

  • !  Positions théoriques sur l’haptique

  • !  La main comme organe de la pensée

  • !  Réalité augmentée/immersion

  • !  Rapport à l’art en situation de limitation sensorielle : les artistes et la perte de

    la vue, muséologie pour non voyants, œuvres et installations qui créent la perte

    d’un sens, etc.

  • !  Synesthésie : union des sens, musicalité de la peinture, imager le son et la

    musique, transformation d’un graphique en données numériques, etc.

  • !  Matériaux et matérialité : perception haptique des textures.

    Nous invitons les étudiants et étudiantes des cycles supérieurs ainsi que les professeurs, chercheurs et professionnels de musées, de tous les horizons disciplinaires, à soumettre une proposition de communication (environ 300 mots) avant le 15 juin 2014. Elle devra exposer clairement votre problématique tout en énonçant brièvement son apport original à la thématique du colloque. Accompagnez-la d’une biobibliographie incluant votre occupation (emploi, statut/programme/cycle d’études, etc.) et votre institution d’attache, le tout en format word ou pdf.

    Pour l’envoi de votre proposition ou pour toute question concernant le colloque, écrivez- nous à colloqueharudem@gmail.com.