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Appels à contributions
Entre l’Est et l’Ouest. Les littératures roumaines dans une perspective régionale et globale (Romanistentag, Augsburg, 2021) 

Entre l’Est et l’Ouest. Les littératures roumaines dans une perspective régionale et globale (Romanistentag, Augsburg, 2021)

Publié le par Marc Escola (Source : Iulia Dondorici)

Appel à contributions pour le panel

« Entre l’Est et l’Ouest. Les littératures roumaines dans une perspective régionale et globale » 

Romanistentag, Augsburg, 2021

Organisatrices du panel : Romanița Constantinescu (Bucarest/Heidelberg), Iulia Dondorici (Berlin)

 

Notre panel aborde les littératures roumaines dans une perspective globale et à travers leurs interactions (trans)régionales. Nous recherchons des contributions sur les littératures de langue roumaine ainsi que sur les littératures multilingues de Roumanie à partir du XVIIIe siècle jusqu’à nos jours. L’objectif est de poser les bases d’une réflexion sur les études roumaines en tant que discipline « mineure » et sur leur potentiel pour concevoir une approche véritablement comparée à l’intérieur des études romanes. Cette approche s’ancrerait dans les philologies nationales tout en dépassant leur « nationalisme méthodologique ».

    La diversité des littératures roumaines met en évidence les desiderata de la recherche en littérature dans les aires linguistiques romanes (italienne, française, espagnole, roumaine, portugaise, catalane, etc.), à combler par une plus forte prise en considération des interconnexions historiques entre l’est, le sud et l’ouest de l’Europe. Corriger ce biais permettrait notamment de réviser le canon littéraire des études romanes, établi d’après de normes ouest-européennes.   

    La littérature roumaine fut longtemps considérée comme une littérature nationale, monoculturelle et monolingue. Surtout à partir de la moitié du 19e siècle, cette littérature se trouve face à une attente paradoxale : tout en revendiquant son appartenance européenne, on exige l’émergence d’une littérature « typiquement roumaine ». C’est ainsi que des historiens comme Eugen Lovinescu ou George Călinescu se sont tournés vers l'Europe occidentale, en particulier vers la France, afin de s'en approprier les modèles esthétiques. Cette conception reposerait sur l'idée d'un transfert culturel de l'Occident vers l’Europe de l’Est, entendu comme une condition sine qua non de tout processus de modernisation locale. Pour parler avec Monica Spiridon, il s’agit d’un phénomène d’« auto-colonisation ». La tendance contraire s’est fait remarquer dans la recherche d'une spécificité roumaine qui serait dénuée de toute influence occidentale.

    De telles oppositions binaires ont longtemps caché le caractère pluriel, multilingue et transnational des littératures roumaines. Ces littératures relèvent à la fois du local (de l'Est et du Sud-Est de l’Europe) et d’un « design global » (Walter D. Mignolo) qui dépasse largement les frontières du continent européen. Si la contribution des écrivains de langue roumaine aux mouvements d'avant-garde européens est bien connue, cet ancrage multiple a une longue tradition : il se manifeste dans toutes les époques précédentes de l'histoire littéraire, et on le retrouve jusque dans la littérature de l’extrême contemporain. 

    Des écrivains et écrivaines tels qu'Anna de Noailles, Marta Bibescu/Marthe Bibesco, Ilarie Voronca, Benjamin Fundoianu/Fondane, Tristan Tzara, Mircea Eliade, Emil Cioran, Eugen Ionescu/Eugène Ionesco sont aujourd'hui connus à l’échelle internationale comme « écrivains français / francophones d'origine roumaine ». De façon plutôt unilatérale, la critique étudie leurs œuvres soit dans le cadre de la littérature roumaine, soit de la littérature française ; cependant des dénominations telles que « auteurs franco-roumains » débouchent souvent sur leur marginalisation dans les deux littératures à la fois. Qui plus est, ces auteurs ont eu souvent des parcours beaucoup plus complexes, où la France n'était finalement qu'une étape parmi d'autres. Bien que Mircea Eliade soit devenu internationalement connu à Paris, où il a vécu et travaillé pendant de nombreuses années, son œuvre et sa vie furent fondamentalement marquées par ses séjours en Inde, au Portugal et aux États-Unis. Le peintre et écrivain roumain d’origine juive Emeric Marcier s'est installé à Paris dans les années 1930, avant d’émigrer au Brésil dans les années 1940. De telles biographies témoignent, d’une part, du rôle central joué par les protagonistes d'Europe de l'Est dans les littératures occidentales ; d'autre part, elles montrent que la recherche portant sur les dimensions transnationales des littératures roumaines doit être étendue bien au-delà de l’aire ouest-européenne. 

    Les littératures occidentales, notamment francophones, ont été modelées par les écrivains roumains émigrés. Eugène Ionesco ou Emil Cioran ont joué un rôle important dans le domaine littéraire français de l'après-guerre — mais quels aspects de leur travail a-t-on ignoré dans la réception ? Comment mettre en évidence les protagonistes « oubliés » de l'Europe de l'Est dans les études romanes ? Quelle contribution les études roumaines peuvent-elles apporter dans ce contexte ?

    À partir de ces réflexions et interrogations, nous proposons d’examiner les dimensions  transnationales et multilingues des littératures roumaines non seulement au niveau théorique, mais aussi à travers des études de cas portant sur les nombreux protagonistes roumains et est-européens dans les littératures du monde.

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    Les langues du panel seront l’allemand, l’anglais, le français et le roumain. Les propositions ( max. 500 mots, bibliographie incluse ) sont à envoyer à romanita.constantinescu@rose.uni-heidelberg.de et dondorici@zedat.fu-berlin.de. Date limite : 31 janvier 2021.

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Bibliographie sélective :

Pascale Casanova: La République mondiale des Lettres [1999]. Éd. revue et corrigée. Paris 2008.

Manuela Boatcă: Laboratoare ale modernității. Europa de Est și America Latină în (co)relație. Cluj 2020.

Ottmar Ette : WeltFraktale: Wege durch die Literaturen der Welt. Stuttgart 2017.

Mircea Martin, Christian Moraru, Andrei Terian (eds.): Romanian Literature as World Literature. New York 2017.

Walter Mignolo : Local Histories, Global Designs [2000]. New Jersey 2012.

Mihaela Ursa: Identitate și excentricitate: Comparatismul românesc între specific local și globalizare. Bucarest 2013.