Actualité
Appels à contributions
Au cœur du malentendu

Au cœur du malentendu

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Christine Servais)

Colloque international

AU COEUR DU MALENTENDU

Université de Liège (Belgique) 2-3 Juillet 2015

 

La possibilité de ce mal (le malentendu, la mécompréhension, la méprise), ce serait à sa manière une chance. (J. Derrida, Papier machine)

 

Les Sciences Humaines et Sociales sont aujourd’hui travaillées par des tensions, héritées de la modernité, entre universalisme et relativisme. En anthropologie, la question de savoir comment faire place à la multiplicité des ontologies était la question du dernier congrès de l’AAA de Chicago, tandis qu’en sociologie, du moins européenne, l’une des questions les plus prégnantes concerne le moyen de traiter avec la pluralité des points de vue, avec le partage des normes et des valeurs, sans pour autant renoncer à l’universalité. Si la liberté individuelle est garantie par le « pluralisme normatif », l’incompatibilité entre régimes de normes est toujours susceptible de conduire à des tensions, voire à des conflits. Or, les relations entre individus, entre cultures, entre états ou entre individus et états ne peuvent être pensées comme une « simple » négociation de valeurs. Une telle conception, qui nierait par avance la possibilité même d’une hiérarchie de valeur, occulterait la dimension institutionnelle des normes et conduirait à négliger les rapports de dominations entre univers de sens hétérogènes.

Si l’on observe le monde social, on ne peut qu’être frappé par le développement sans précédent de dispositifs d’ingénierie visant à « réguler » les échanges entre individus et institutions/ entreprises, entre corps sociaux, entre univers culturels, etc. Des structures de médiation apparaissent partout, avec l’objectif explicite d’harmoniser les systèmes de normes, d’homogénéiser l’hétérogénéité sociale, de régler les différends entre univers de sens, etc., afin de favoriser l’entente. En pratique, cependant, et implicitement, ces dispositifs imposent le plus souvent une norme hégémonique, que ce soit au nom de la pluralité, de l’émancipation, de la satisfaction ou du bien-être.

Dans ces conditions, et au regard de ce contexte rapidement dressé, il nous paraît important de poser aujourd’hui la question de la possibilité du malentendu.

On peut en effet considérer que la possibilité du malentendu est une condition de la communication, et que l’ambition d’exclure le malentendu des échanges sociaux et/ou symboliques conduit à des formes de la communication susceptibles de se muer en violences psychologiques, politiques, sociales ou culturelles. Nier la possibilité du malentendu suppose en effet un contrôle sur la prolifération des significations et entraîne, le plus souvent, la domination et/ou la violence.

Avec le malentendu se pose, aussi, toute la question de la légitimité de la parole et de la possibilité de « se » dire dans son propre idiome, ainsi que celle de la multiplicité des idiomes, etc. Outre les sciences de la communication, la question est donc susceptible de concerner de nombreuses disciplines, de la psychiatrie à l’anthropologie culturelle, en passant par les théories littéraires et culturelles, la sociologie, les relations internationales, les politiques du développement ainsi que les sciences de l’interprétation. Ayant une portée épistémologique autant que pratique, elle est porteuse d’enjeux humains et politiques importants. Comment fonctionner dans (ou grâce?) au malentendu, comment en parler ? Comment lui faire place ? Existe-t-il des lieux (la prison, l’asile, l’entreprise) où une logique managériale de communication totale rend a priori  impossible tout malentendu ? Et si c’est le cas, quelles sont alors les stratégies développées par les individus pour exister en dépit de cette impossibilité, pour récupérer une place, une parole, une subjectivité ?

Le colloque se propose d’interroger les conditions de l’entente à partir de la possibilité du malentendu. Nous souhaitons en identifier les lieux et les formes, le débusquer là où il se manifeste comme consensus, ainsi qu’analyser les situations où il se révèle et en éclairer les processus, les fonctions et les enjeux politiques, humains et scientifiques. Nous voudrions également nous intéresser à la fécondité du malentendu, et examiner comment il est susceptible d’être une source de créativité scientifique, politique, sociale, culturelle et artistique.

Notre but est de contribuer à faire reconnaître le malentendu non comme un simple outil descripteur de situations de communication mais comme un concept critique propre à interroger un monde qui n’a de cesse de vouloir « donner la parole ».

Dans une perspective multi-disciplinaire, le colloque comprendra des conférences plénières ainsi que des ateliers qui porteront notamment sur :

- Le politique et les institutions 

- Les dispositifs de médiation 

- Les contacts interculturels 

- La culture, les arts et la littérature 

- Les institutions psychiatriques et pénitentiaires

 

L’argumentaire du colloque et une description des axes sont disponibles sur le site du Laboratoire http://www.lemme.ulg.ac.be/

 

Les propositions de communication (de 2000 signes maximum) sont attendues pour le 15 janvier 2015. Elles sont à envoyer conjointement aux adresses suivantes: Christine.servais@ulg.ac.be - v.servais@ulg.ac.be -

Notification d’acceptation ou de refus : 15 mars 2015

 

Comité d’organisation

Bénédicte de Villers (ULg), Jérôme Englebert (ULg), Eric Florence (ULg), Cosmina Ghebaur (ULg), Christine Servais (ULg), Véronique Servais (ULg), Erik Spinoy (ULg), Elise Vandeninden (ULg), Didier Vrancken (ULg), Michel Dupuis (UCL)

 

Comité scientifique

Bernard Darras (Paris 1) ; Bénédicte de Villers (ULg) ; Christophe Dubois (ULg – Lemme) Michel Dupuis (UCL) Jérôme Englebert (ULg) ; Eric Florence (ULg – Lemme) ; Philippe Hambye (UCL/ Lemme) ; Yves Jeanneret (Paris Sorbonne – Celsa) ; Monique Jeudy- Ballini (CNRS) ; Marco Martiniello (ULg – Cedem) ; Christine Servais (ULg – Lemme) ; Véronique Servais (ULg – Lemme) ; Erik Spinoy (ULg – Lemme) ; Didier Vrancken (ULg) ; Friedrich Stiefel (Lausanne) ; Thomas Heller (Lille 3 - Gerrico) ; Frans Van Peperstraten (Université de Tilburg) ; Yves Winkin (E.N.S. Lyon)