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Cahiers George Sand, n° 37 :

Cahiers George Sand, n° 37 : "Le vêtement et la mode dans l’œuvre de George Sand"

Publié le par Université de Lausanne (Source : François Kerlouégan)

Appel à communications

Cahiers George Sand, n° 37, 2016

Le vêtement et la mode dans l’œuvre de George Sand

Dans le sillage de Système de la mode (1967) de Roland Barthes et après les travaux de Malcolm Barnard (Fashion as Communication, Routledge, 1996) et de Shoshana-Rose Marzel (L’Esprit du chiffon. Le vêtement dans le roman français du XIXe siècle, Peter Lang, 2005), deux livres récents repensent à nouveaux frais les représentations de la mode et du vêtement dans la littérature française du XIXe siècle : la monographie de Virginie Geisler, Victor Hugo, chiffonnier de la littérature (Champion, 2014) et l’ouvrage collectif dirigé par Alain Montandon, Tissus et vêtements chez les écrivains au XIXe siècle. Sociopoétique du textile (Champion, 2015). C’est dans ce contexte que, pour inaugurer la nouvelle formule de la revue, les Cahiers George Sand ont décidé de se pencher, dans leur numéro de 2016, sur le vêtement et la mode dans l’œuvre de George Sand.

Si, sur le sujet, certains auteurs – Balzac, Flaubert et Zola en tête – fournissent à l’évidence un riche matériau de réflexion, la mode dans l’œuvre sandienne est étonnamment demeurée inexplorée. C’est que la romancière, à la différence d’un Balzac, décrit peu les vêtements de ses héros et héroïnes. Portée par un idéalisme qui transcende la représentation, son œuvre s’attarde peu, en apparence, sur ces futiles realia. Pourtant, le vêtement est l’un des outils qui permettent, chez elle, le discours sur soi, la réflexion socio-historique et le déploiement de l’imaginaire.

C’est d’abord sur le plan biographique que la mode sandienne fait sens. L’écrivaine suit-elle la mode ? La devance-t-elle ? Y est-elle indifférente ? Si elle ne la suit pas, il semble bien qu’elle la fasse, car la mode et sa loi impérieuse apparaissent chez elle comme une norme (sociale et, surtout, sexuelle) dont il faut se détacher. Celle dont, dit-elle dans Histoire de ma vie (1855), « les fines chaussures craquaient en deux jours » sur le pavé parisien et qui « ne savai[t] pas relever [s]a robe » dans ses trajets dans la capitale, fait confectionner « une redingote-guérite en gros drap gris, pantalon et gilet pareils » qui font d’elle « un petit étudiant de première année ». Ce vêtement d’homme porté par une femme – et qui n’est donc plus tout à fait vêtement d’homme – témoigne que, d’emblée, le costume s’offre chez Sand comme le lieu d’une création originale et d’une conquête de l’identité.

Dans l’œuvre, on note un identique mépris de la mode (qui est aussi mépris de la mondanité), notamment dans la prise de distance avec le lexique vestimentaire, tel qu’il apparaît dans la très normée presse de mode, manifestation d’une norme sociale. « Il était le mieux mis, lit-on dans Horace (1841) à propos du héros, le plus dégagé, le plus serré des côtes, le plus étoffé des flancs, le plus voyant, comme on dit en style de journal des modes. » Et ce n’est pas par hasard que, dans l’avant-propos de Lucrezia Floriani (1846), la romancière, pour annoncer une narration simple et ordinaire libérée des diktats de son temps, a recours à une métaphore vestimentaire : « Si la nouvelle mode est bonne, nous la suivrons. Mais celle du jour est trop fantasque, trop riche ; je suis trop vieux pour m’y mettre, et mes moyens ne me le permettent pas. Je vais continuer à porter les habits de mon grand-père ; ils sont commodes, simples et solides. »

Espace de liberté et de création du moi, le vêtement sandien est aussi – bien que de manière moins systématique que chez Balzac – un outil de l’anthropologie romanesque et de la réflexion historique. Il y a bien, contre toute attente, une vestignomonie sandienne. Chez ses héros, l’habit véhicule des identités sociales, des options idéologiques, des états de l’Histoire. Ainsi en est-il, par exemple, de l’opposition entre les costumes aristocratique et paysan. Intérêt d’historienne, mais aussi de linguiste : Sand écrit souvent en ethnologue du vêtement. Les descriptions de la mise paysanne sont ainsi l’occasion de collecter et restituer des termes techniques et dialectaux : voir les « orillons », la « cayenne », le « cotillon de droguet » et la « bavousette » de la petite Fadette.

Il faudra également s’interroger sur l’usage narratif du vêtement. De quelle manière Sand fait-elle de certains vêtements un moteur du récit ? Ainsi de la « mauvaise tenue » « endimanchée » de la Fadette au bal, qui déclenchera l’hostilité à son égard (voir sur ce plan l’article de Simone Bernard-Griffiths, « Sociopoétique du vêtement dans l’imaginaire sandien », in Alain Montandon (dir.), op. cit.), ou du chéret, capeline de laine des Berrichonnes, que Madeleine Blanchet utilise pour recueillir François le Champi et lui confectionner un vêtement chaud. Loin du futile vêtement à la mode, l’habit paysan est autant utile à la vie rurale qu’au bon déroulement du récit.

Une place importante sera réservée à l’imaginaire sandien de la mode. Quels tissus, quelles coupes, quelles couleurs, quel style ? Quelles connotations, quels souvenirs, quelles rêveries le vêtement occasionne-t-il ? Bien que de manière immédiate et prosaïque, l’élégance vestimentaire est l’un des vecteurs de l’idéal sandien. Un idéal d’abord fondé sur une grâce romantique un peu vaine (vêtue d’une « robe de crêpe » et les « épaules nues », Indiana, parée, est « une ravissante apparition évoquée par la magie »), puis, à mesure que l’œuvre de Sand se politise, sur l’efficacité et la discrétion (Consuelo offre à voir une « modeste robe noire » et un « fichu blanc fermé jusqu’au menton »).

En dernier lieu, le vêtement, parce que beauté et apparence, peut être l’occasion chez Sand d’incarner les séductions de la fiction elle-même (Eugène de Mirecourt saluera l’« élégance » de l’écriture sandienne). Dans la préface des Lettres d’un voyageur (1837), s’expliquant sur la fictionnalisation du journal de voyage, la romancière écrit : « J’ai travaillé pour eux [les lecteurs] en habillant mon triste personnage, mon pauvre moi, d’un costume qui n’était pas habituellement le sien ». Cette parenté entre le costume et la composition littéraire ne s’explique pas, comme l’affirmait un Stendhal persifleur, par le fait que Sand, femme, donc naturellement versée dans le « chiffon », écrirait en « marchande de modes », mais parce qu’il existe chez elle une vraie et profonde éloquence du vêtement.

On pourra explorer les pistes suivantes :

  • Les vêtements masculin et féminin, le travestissement, le vêtement et le genre
  • Le déguisement
  • Le rapport de Sand à la presse de mode
  • Le rôle narratif du vêtement dans les romans
  • L’érotisme du vêtement
  • Le costume de théâtre dans les pièces de Sand
  • L’élégance sandienne
  • Les implications idéologiques du vêtement, l’imaginaire social du vêtement
  • Vêtements ruraux et ouvriers
  • Sand et l’industrie textile
  • Le costume d’époque, la reconstitution historique des costumes
  • Le lexique vestimentaire, l’écriture du vêtement, style littéraire et style vestimentaire
  • Mode et mondanité
  • Tissus, matériaux, coupes, couleurs
  • Le vêtement de l’actrice
  • Coiffes, coiffures et parures
  • L'accessoire (son rôle romanesque, ses significations symboliques)

Les propositions d’articles, d’une longueur de 100 à 150 mots, sont à envoyer avant le 31 janvier 2016 à l’adresse électronique suivante : francois.kerlouegan@univ-lyon2.fr

Les articles, d’une longueur d’environ 30 000 à 40 000 signes (notes non comprises) seront à faire parvenir à la même adresse électronique pour le 30 juin 2016.