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Colloque : "Altérités et résistances au prisme du genre en Méditerranée" (Aix-en-Provence)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Dubus Zoë)

Colloque « Altérités et résistances au prisme du genre en Méditerranée »

 

Appel à communication

Aix-en Provence 7, 8 et 9 novembre 2019

 

PRÉSENTATION

Les sociétés euro-méditerranéennes ont construit leur organisation socio-politique sur la bi-catégorisation et la hiérarchisation des sexes et, aussi bien au Nord qu’au Sud, la structuration familiale a déterminé les rôles sociaux assignés aux femmes et aux hommes, les systèmes axiologiques et les normes légitimes de comportements (sociaux, sexuels, familiaux, professionnels, etc.). En temps de crises — crises sociétales, politiques, économiques, religieuses — l’ordre social est remis en question. Les désordres politiques comme les guerres, les révolutions, les guerres civiles, les révoltes populaires, les migrations modifient les normes socio-politiques, interrogent les places respectives des individus au regard de leurs collectifs d’appartenance et reconfigurent les catégories genrées.  Cela implique des résistances, des adaptations voire des innovations qui sont porteuses de transformations collectives.

Ce colloque qui s’appuiera sur une approche pluridisciplinaire, des démarches diachroniques  et comparatives, propose d’identifier et d’analyser les cadres propices aux changements et aux aménagements des normes de genre et leurs effets en termes d’adaptation, de résistances et d’évitement dans l’ensemble des contextes sociaux du bassin méditerranéen. Il vise à rendre compte des figures de l’altérité et des rapports sociaux à la différence ainsi que des résistances et des mouvements sociaux que cela a pu produire ou génère actuellement. En privilégiant les approches relevant des altérités, le colloque présentera des logiques d’affrontements, répressions, adaptations, violences, accommodements, voire innovations, etc. qui s’exprimeront dans des résistances qui peuvent être émancipatrices mais peuvent également révéler les conservatismes les plus rigides.

 

Marges, minorités, migrations

Si les analyses des sciences humaines et sociales montrent comment les bouleversements sociétaux font évoluer voire redéfinissent les liens sociaux, l’étude des altérités permet de repérer les marges et les failles des systèmes normatifs. Elle interroge leur fabrique par les systèmes normatifs en vigueur et les modes de détournement des règles, les catégories qui se forgent et les interactions qu’elles suscitent. Les formes alternatives de la sexualité, de la famille, des pouvoirs, de l’économie, des modes de vie, offrent – différemment selon les sexes – la possibilité d’analyser, au-delà du carcan des règles instituées, des figures féminines et masculines que l’on retrouve avec une certaine constance sur le temps long (adultères, prostitué-es, homosexuel-les, brigand-es, mais aussi artistes, performeur-ses, militant-es féministes par exemple).  Ces figures dissonantes ou ces profils incarnés de la transgression constituent des postes d’observation des dispositifs sociopolitiques normatifs qui minorent, excluent et hiérarchisent et qui, dans le même mouvement, ouvrent de potentielles brèches à l’expression, parfois ténue, de résistances individuelles ou collectives.

De ce fait, la norme nécessite une attention renouvelée qui ne se contente pas de la définir comme oppressante, mais qui prenne aussi en compte les usages et accommodements non conformes auxquels elle donne lieu dans les trajectoires et les réalisations, aussi bien individuelles que collectives. Par référence aux situations d’exclusion, d’oppression, de domination, de stigmatisation, de marginalisation, comment ces dites transgressions sont-elles vécues par les hommes et les femmes ? Comment distinguer les formes de rapports de genre et leurs modes de configuration ? Comment les normes sexuelles, les relations sexuées, les contradictions et les tensions, les catégorisations sont-elles négociées, agencées, transformées par les hommes et les femmes concerné-e-s, dans les sociétés d’hier et dans celles du présent, au Nord et au Sud de la Méditerranée?

Par ailleurs, la façon dont se constituent les interactions entre les populations du bassin méditerranéen, espace d’échanges et de circulations, s’inscrit dans la mobilité, un élément clé de l’expérience des femmes et des hommes qui le peuplent. Si ces flux sont amenés à se densifier dans les prochaines années en raison de l’accroissement de la dépendance des économies entre elles et du changement des profils de candidat-e-s à la migration, ces dernier-e-s étant de plus en plus qualifié-e-s, ils se heurtent néanmoins à de nouvelles frontières qui filtrent, bloquent et forment de nouvelles catégories considérées comme dangereuses ou reléguables. Révélatrices d’enjeux démographiques, politiques, socio-économiques, ces mobilités et migrations avérées ou projetées ne sont pas sans effets sur les rapports de genre et les hiérarchies sociales, tant au plan individuel que collectif. De surcroît, durant la dernière décennie, les tensions politiques et militaires de la région ont entraîné de vastes mouvements migratoires qui dépassent largement les seuls cadres économiques et renouvellent les figures de la migration. À travers la violence de ces réalités sociales, les normes explosent et les transgressions se développent dans toutes les pratiques. La lecture de ces (dés)ordres au prisme du genre induira des analyses relevant des situations migratoires dans leurs rapports aux sociétés de départ et d’arrivée et fera l’objet d’une lecture attentive aux situations de retour. Ce présent ne doit cependant pas occulter les violences plus anciennes qui ont donné lieu à des faits similaires, comme la colonisation par exemple.

Il s’agira donc dans un contexte de dynamique de changements majeurs à l’échelle euro-méditerranéenne d’observer comment ces mobilités produisent les altérités et inversement. Comment celles-ci se redéfinissent, se réinventent en contexte migratoire eu égard aux dimensions culturelles, politiques, économiques voire religieuses qui les traversent. Comment s’aménagent les expériences de l’altérité en terre d’immigration et quelles sont les politiques de traitement de l’altérité dans les pays d’accueil ?

Toutes les formes d’altérité pourront être présentées dans la mesure où sera mise en lumière la dimension de genre qui les traverse et qui modifie les comportements normés.

 

Stratégies transgressives et résistances sociales

Les différentes figures de l’altérité n’en sont pas moins des figures de la norme si l’on tient compte des interactions avec l’entourage et des solidarités en jeu. Elles peuvent avoir deux visages, celui de l’autonomisation et celui de la subordination, celui de l’émancipation et celui de la soumission. Loin d’être complètement démunies, les homosexuels/les au Maghreb, par exemple, développent des formes de résistance et réussissent à construire des stratégies de mobilisation pour la reconnaissance de leurs droits. Les femmes ont résisté et obtenu des droits nouveaux en Tunisie, au Maroc, en Espagne ou en France par exemple.

On s’attachera ainsi à comprendre, en favorisant une perspective diachronique, la combinaison des différents registres de normes, les ressources mobilisées par les femmes et les hommes pour s’imposer sur les scènes économique, politique ou sociale en l’absence de droits reconnus, les résistances auxquelles elles se heurtent et leur manière de négocier avec les normes institutionnelles et les normes de genre qui les cantonnent dans des sphères restreintes. Seront questionnées les interactions entre le droit, les cultures et les pratiques transgressives avec un intérêt tout particulier apporté aux contraintes, aux conventions et aux « règles du jeu » qui encadrent les actions des hommes et des femmes. Quelles sont les lois et les normes qui font sens pour les acteur-trice-s (qu’ils-elles s’y conforment ou cherchent à y échapper) ? Quelles sont au contraire celles pour lesquelles toute répression de la transgression leur paraît illégitime? L'objectif n'est pas seulement de proposer une description de formes transgressives liées au genre mais bien plutôt d'interroger ce qui est conçu par les individus et les groupes comme des transgressions des normes de genre et d'explorer parallèlement comment ces transgressions sont produites, négociées et vécues individuellement et collectivement dans les sociétés de départ et d’installation. Dans cette perspective, il sera utile d'interroger les reconfigurations des normes de genre et la façon dont elles participent à l'élaboration, à la négociation, à la reformulation de nouveaux rapports à la norme pour l'ensemble des acteur-trice-s du social.

Il convient ainsi d’être attentif aux capacités d’agir des acteurs et actrices pour contourner les normes, aux stratégies et aux multiples formes de négociations et de résistance qui tracent les contours d’une « altérité en actes » propres aux différentes catégories de l’altérité.

Face à ces stratégies, des résistances conservatrices se lèvent dans la construction de rapports de pouvoir fondamentaux. Après les guerres de libération ou les « révolutions arabes », des régimes conservateurs ont souvent ramené les acteur-trice-s nouvellement visibles, comme les femmes ou les minorités, à leurs rôles anciens par des répressions qui peuvent être sévères. Ces mouvements de résistance sociale, ne sont pas spécifiques au XXIe siècle, ni bien évidemment au monde arabe. Tout au contraire, les exemples en sont nombreux sur le temps long et jalonnent les histoires nationales. Ce fut le cas des luttes des femmes ou celles des minorités sexuelles ou les luttes anticoloniales, notamment. On s’intéressera tout particulièrement ici à leur dimension de genre et à leur développement autour de la Méditerranée.

Au-delà des études de terrain spécifiques, on s’interrogera sur les enjeux de ces réalités, portées par le genre, en termes de normes sociales, de rapports de pouvoir, de différences locales, d’évolutions historiques des pratiques. On se demandera comment se construisent les altérités en Méditerranée et quelles sont leurs modalités et leurs conséquences dans la diversité des contextes locaux. On s’interrogera sur les possibilités de dialogues Nord-Sud autour des formes alternatives des normes de genre et sur les rapprochements idéologiques d’émancipation ou de conservatisme qui peuvent être observés.

On pourra également proposer des lectures plus épistémologiques des apports des sciences humaines et sociales à ces études.

 

MODALITÉS PRATIQUES

Les propositions de communication en Français ou en Anglais (500 mots maximum) sont à déposer avant le 15 avril 2019 sur le site https://altergemed.sciencesconf.org

Une réponse sera faite aux auteur-es le 15 mai 2019 au plus tard.

Le texte complet des interventions est attendu pour le 15 octobre  2019.

La possibilité est ouverte aux jeunes chercheur-es de présenter un poster. L’ensemble des modalités de ce format est à voir sur le site https://altergemed.sciencesconf.org/resource/page/id/7

Comité de pilotage

Constance De Gourcy, Maîtresse de Conférences en sociologie, LAMES UMR 7305, Aix-en-Provence

Sylvette Denèfle, Professeure des Universités émérite en Sociologie, CITERES UMR 7324, Présidente du Conseil scientifique du colloque

Zoë Dubus, Doctorante en Histoire, TELEMME UMR 7303, Aix-en-Provence

Karine Lambert, Maîtresse de Conférences en Histoire, Université de la Côte d’Azur, TELEMME UMR 7303, Aix-en-Provence