Questions de société

"Affaire Maffesoli : démissions au CNU", par S. Huet (blog Sciences2, 17/09/09)

Publié le par Bérenger Boulay

Sylvestre Huet, blog Sciences2, 17 septembre 2009

http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2009/09/affaire-maffesoli-d%C3%A9missions-en-masse-au-cnu.html#more

Affaire Maffesoli : démissions au CNU

 L'affaire Maffesoli, du nom de Michel Maffesoli, un sociologue célèbre, a éclaté en juin dernier. Elle rebondit avec la démission de 11 membres de la section sociologie du Conseil national des universités (CNU). Leur lettre de démission est reproduite à la fin de cette note.

Sciences2 a relaté en détail le déroulement de cette affaire, mettant en cause le fonctionnement de la section 19 du CNU.Cette instance formée d'universitaires pour moitié élus par leurs pairset pour moitié nommés par le ministère de l'enseignement supérieur etde la recherche (Valérie Pécresse), joue un rôle décisif dans la vie académique.

Elle siège en effet en jury pour qualifier les personnes jugées aptes à devenir universitaires, et attribue la moitié des promotions aux différents grades de cette carrières. L'autre moitié étant attribuée par des instances locales. Ce point a d'ailleurs fait l'objet de vives confrontations entre la communauté universitaire et le gouvernement l'an dernier.

L'«affaire Maffesoli» se comprend à la comparaison des membres de la section et des promotions décidéespour les grades les plus élevés. Ainsi, pour le plus hautgrade, professeur de classe exceptionnelle 2ème échelon, la section nedisposait que d'un seul poste. Il est allé à Michel Maffesoli.Or, ce dernier est membre de cette section, nommé par le gouvernement.Pour les deux postes disponibles pour la promotion au grade deProfesseur de classe exceptionnelle 1er échelon, ils sont allés à deuxautres membres de la section, Gilles Ferréol (université de Besançon, élu sur la liste UNSA) et Patrick Tacussel nommé par le gouvernement.

Cette décision prise dans des conditions de surcroît imparfaites (lasection n'était pas au complet, ce qui survient parfois) avait soulevéune intense polémique chez les sociologues.Elle s'explique non seulement par le problème ardu de"l'autopromotion", mais aussi par la personnalité de Michel Maffesoli.Son rôle comme directeur de thèse de l'astrologue Elisabeth Tessier, sa nomination par le gouvernement au Conseil d'administration du Cnrs et son accession à l'Institut Universitaire de France dans des conditions rocambolesques et troubles jouent manifestement un rôle dans cette histoire.

Avec les démissions de onze membres de la section 19, Valérie Pécresseest mise au pied du mur, quelque peu sommée par les démissionnaires dedissoudre la section afin que de nouvelles élections et nominations larecomposent.

Voici leur lettre.

Pourquoi nous démissionnons du CNU

Voilà deux ans maintenant que nous avons été nommés ou élus sur diverses listes dans la19e section du Conseil National des Universités. Nous avons les uns et les autres accepté cettelourde charge dans le souci de notre discipline. Depuis le début de la mandature, nousdemandons avec insistance que la section se dote de critères d'évaluation et defonctionnement explicites et transparents, qu'il s'agisse des promotions ou des qualifications.Force est de constater que ces demandes n'ont non seulement jamais été satisfaites maisqu'elles ont été bafouées, lors des derniers événements en date sur les autopromotions (seulsdes membres de la section ayant, en particulier, bénéficié de promotions au niveau de la classeexceptionnelle).

Notre section a désormais perdu toute légitimité dans la communauté scientifique, comme entémoignent clairement les échanges et réactions indignés à la publication des résultats despromotions. Une lettre au président de la 19e section a été adressée par plusieurs d'entre nouspour que celui-ci s'exprime sur la nécessité de critères explicites et d'un code déontologiqueengageant les membres du CNU à ne jamais profiter de leur position à des fins de carrièrepersonnelle. Les réponses qui ont été faites à ce courrier sont à la fois décalées et dérisoires.Pour sortir de cette situation, une autre proposition, lancée par l'un des membres du bureau,était que le président, l'ensemble du bureau et le plus grand nombre de membres du CNUadressent au ministère une demande de dissolution du CNU actuel, discrédité, dans l'objectifde lui permettre de se reconstituer et de recouvrer une légitimité. Les réponses apportéestémoignent d'une fin de non recevoir.

Nous, signataires de ce texte, décidons donc de démissionner de nos responsabilités demembre de la section. Nous le faisons en ayant pleinement conscience de la gravité de notregeste, et de sa portée. Mais la situation de ce CNU est devenue telle que l'accomplissementdes missions pour lesquelles nous avons été nommés ou élus est rendu impossible. Il n'y a paslieu de siéger dans un Comité dont le fonctionnement relève de la parodie.

Nous demandons solennellement, et avec gravité, au ministère de procéder à la dissolution duCNU actuel et appelons la communauté des sociologues à nous soutenir publiquement danscette démarche, en refusant de siéger (en tant que nommé ou élu) dans le CNU actuel tant quesa dissolution n'a pas été obtenue, et en mettant en place une réflexion collective sur lescritères d'évaluation et la gestion des carrières dans notre discipline.Nous continuerons pour notre part à nous engager publiquement pour que la prochainemandature prenne toutes ses responsabilités vis-à-vis de la communauté des sociologues, enétablissant des critères clairs, explicites, nécessaires au bon fonctionnement d'instancescomme celle-ci et à l'avenir de notre discipline.

Gilles Bastin, Maître de conférences à l'IEP de Grenoble, nommé.Philippe Bataille, Directeur d'études à l'EHESS, élu QSF.Marie Charvet, Maître de conférences à l'Université de Nantes, élue Snesup.Jérôme Deauvieau, Maître de conférences à l'UVSQ, élu Snesup, vice-president B.Stéphane Dufoix, Maître de conférences à l'Université de Paris X, membre de l'IUF, nommé.Laure De Verdalle, Chargée de recherche au CNRS, élue Snesup.Alexandra Filhon, Maître de conférences à l'Université de Paris X, élue Snesup.Liora Israël, Maître de conférences à l'EHESS, nommée.Frédéric Lebaron, Professeur à l'Université de Picardie-Jules Verne, membre de l'IUF, éluSnesup.Mathias Millet, Maître de conférences à l'Université de Poitiers, élu Snesup.Numa Murard, Professeur à l'Université à Paris 7, élu SGEN-CFDT.