Questions de société
Affaire Geisser: revue de presse (2), 20-23/06/09

Affaire Geisser: revue de presse (2), 20-23/06/09

Publié le par Bérenger Boulay

Sur l'affaire Geisser, voir aussi:

Un chercheur - V. Geisser - menacé de sanctions, revue de presse, communiqués & pétitions (maj 15/06/09)

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Dans Le Monde, C. Fourest minimise l'affaire et charge V. Geisser:

L'"Islam light" selon Vincent Geisser, par Caroline Fourest Article paru dans l'édition du 20.06.09.

"Que ses collègues inquiets se rassurent. L'Etat continuera de lerémunérer pour fournir des articles à des sites où l'on incite à lahaine contre les esprits critiques."

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Sur le site de Télérama:

OlivierRoy, chercheur : “La direction du CNRS nous considère comme desfonctionnaires aux ordres” - entretien avec Thierry Leclère,Télérama.fr, 23 juin 2009.

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Le CNRS et « l'affaire Geisser » : la liberté du chercheur menacée

Par Esther Benbassa et Olivier Roy | chercheurs | 22/06/2009

http://www.rue89.com/passage-benbassa/2009/06/22/le-cnrs-et-laffaire-geisser-la-liberte-du-chercheur-menacee

Un chercheur du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), Vincent Geisser, est convoqué le 29 juin devant un conseil de discipline pour non-respect du devoir de réserve.Le point de départ de l'affaire est le soutien apporté par Geisser àune doctorante d'un laboratoire de Toulouse portant le voile etinterdite d'emploi par le service du Haut fonctionnaire de défense au CNRS,lequel avait de plus classé les activités du laboratoire dont Geisserdépend, l'Institut de recherches et d'études sur le monde arabe etmusulman (Iremam, Aix-en-Provence), comme « domaine sensible ».

Pour certains (telle Caroline Fourest dans son article du Mondedaté du 20 juin), l'affaire n'est pas très grave, car d'une partVincent Geisser l'a bien cherché, et d'autre part il ne risque qu'unblâme.

Mais quoi qu'on pense de l'islam, du voile et des positions de ce chercheur -assez bien présentées dans un article publié par lui en 2007 dans la Revue internationale et stratégique,que personne ou presque ne semble s'être donné la peine de lire-, ilfaut rappeler que cette affaire n'est pas anodine et remet en cause laliberté de tout chercheur au sein du CNRS. En effet, la direction duCNRS s'est alignée sur les positions du Haut fonctionnaire de Défense,refuse toute communication et dialogue et s'est « bunkerisée ».

Un militaire de carrière s'érige en censeur de la pensée

La direction du CNRS a laissé ce service, dirigé par un militairede carrière, s'arroger des compétences exorbitantes : décider du droitde porter ou non le voile, du droit de classer des labos de sciencessociales comme « sensibles » sur le plan de la défense, et enfin, toutsimplement, de la liberté de pensée chez les chercheurs. Le Hautfonctionnaire de défense n'a en effet jamais caché le fait que pour luil'islam est un problème. Et de fait, Vincent Geisser n'a pas été lapremière ni la seule victime de sa surveillance et de ses pressions ;d'autres chercheurs, tous travaillant sur l'islam, dont O. Roy,cosignataire de ces lignes, témoignent aujourd'hui en avoir eux aussiété la cible.

Mais cette intrusion permanente dans la vie des laboratoires derecherche et les travaux de leurs membres dépasse évidemment laquestion de l'islam. Intervenant dans un domaine manifestement étrangerà ses attributions, le Haut fonctionnaire de défense s'arrogescandaleusement un rôle critique que seuls ses pairs peuvent exercervis-à-vis des travaux d'un chercheur. Jusqu'ici notons-le, lesinstances d'évaluation réglementaires du CNRS n'ont jamais rien trouvéà redire aux écrits de Vincent Geisser.

Aujourd'hui, le champ d'action du Haut fonctionnaire de défensesemble s'être encore élargi. Un jeune chercheur en informatique a eu letort de relater cette affaire, dans des termes neutres et de typeinformatif, sur son blog,hébergé par un serveur CNRS. On lui a autoritairement bloqué son blog,qu'il a été obligé de faire migrer sur un autre serveur.

Ce qui se passe est en fait le symptôme de la dérive en profondeurdu CNRS et plus largement de la recherche française. La direction duCNRS, en engageant une procédure disciplinaire contre Vincent Geisser,en pratiquant de telles censures, en restant sourde à nos appels, enapportant sa caution à la dérive de son Haut fonctionnaire de défense,érige en politique officielle ce qui n'aurait dû rester, justement,qu'une dérive à stopper.

On ne saurait s'en étonner. La « privatisation » de l'université etde la recherche, loin de donner plus de liberté au chercheur, risque dedétruire les instances paritaires où administration et chercheurstravaillaient ensemble (voir à ce propos le communiqué de la section 33 du CNRS).Elle a renforcé le pôle autoritaire et répressif ici incarné par leHaut fonctionnaire de défense. Moins d'Etat veut dire en l'occurrenceplus de contrôle. En mentionnant un devoir de réserve qui ne s'appliquejamais aux universitaires, la direction du CNRS montre que pour elle lechercheur n'est pas, ou n'est plus, un universitaire mais unfonctionnaire qu'il faut mettre au pas. La direction du CNRS ne saitplus ce qu'est le CNRS…

Pourquoi un appel à la sauvegarde de la liberté intellectuelle des chercheurs et enseignants-chercheurs ?

Le comité qui s'est constitué autour de Vincent Geisserne l'a pas fait pour défendre ses idées ou son travail, mais pourclamer haut et fort notre attachement à une liberté en danger, laliberté de penser, de faire de la recherche, de transmettre le savoir,en respectant les règles déontologiques s'imposant à ce genred'exercice, sans avoir à être constamment sous la menace d'uneprocédure disciplinaire.

L'« affaire Geisser » n'est plus une affaire privée, elle concernetous les citoyens de ce pays, et se situe au-delà des clivagestraditionnels de l'opinion (sur l'islam, depuis le 11-Septembre 2001,comme sur tant d'autres sujets). Nous ne discutons pas ici de manièresde voir ou de dire : c'est un principe fondamental de notre démocratiequi est en jeu. Un principe qui vaut pour tous, d'abord mais passeulement pour les chercheurs, les universitaires ou les intellectuels.

En défendant Vincent Geisser, ce n'est certes pas l'islamismeradical que nous défendons, ni la prétendue sympathie que notrecollègue aurait pour lui, c'est un principe universel que nousdéfendons, cette liberté justement héritée des Lumières. Nos blogsbloqués, nos mails épiés, nos travaux épluchés par les militaires, noslivres devront-ils bientôt être soumis à la censure ou ne refléter queles positions agréées ou supposées agréées par nos gouvernants ? Unmaccarthysme à la française, est-ce là désormais l'« exceptionfrançaise » ?

Sous les coups répétés de certains médias acquis à la pensée simple(présumée plus vendable), d'un pouvoir qui affiche toujours plus sonmépris pour les producteurs de savoir, spécialement en scienceshumaines, et maintenant d'une administration de la recherche elle-mêmeapparemment toute acquise à ces thèses, pourront-ils encore résisterlongtemps et jouer pleinement leur rôle, ceux qui, intellectuels etchercheurs, modestement, tentent d'apporter, par l'expression d'unepensée libre, un souffle d'oxygène vital pour nous tous, qui nousempêche de tomber dans le confort des idées toutes faites et despréjugés ?

Mesures d'exception et flicage intellectuel

Les 4 500 personnes qui ont signé notre appelne souscrivent évidemment pas à toutes les prises de position deVincent Geisser. Chercheurs, universitaires, simples citoyens, tous onten revanche bien saisi où était le vrai danger : mesures d'exception etflicage intellectuel. La tiédeur de la réponse de Valérie Pécresse, ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche, le silence de Catherine Bréchignac, présidente du CNRS, face à la première et à la secondelettre ouverte que nous lui avons adressées, nous incitent à penser quenos autorités supposent que ce mouvement-là, comme d'autres, s'étioleradans le pourrissement et l'usure.

Même s'il devait s'étioler, il laisserait une cicatrice profonde,prête à se rouvrir à la première occasion. De fait, rien encoren'annonce l'étiolement. Au contraire, notre mouvement gagne désormaisl'étranger : les documents du comité de soutien circulent désormais enanglais, les signatures affluent d'Europe et d'Amérique.

Il faut donc tenir et raison garder, en rappelant quelques principes sans quoi il n'y a plus de liberté universitaire.

Quelques principes On peut être pour ou contre le droit de porter le voile sur sonlieu de travail, mais cela ne doit pas être décidé par un officier desécurité au nom des impératifs de la défense nationale. Cela relève dela loi et du droit du travail. Les sciences sociales ne doivent pas être considérées comme undomaine sensible sur le plan de la défense nationale : c'est une visiontotalitaire du savoir. Le devoir de réserve par décision constante de la cour decassation, ne s'applique pas aux universitaires, et donc pas auxchercheurs du CNRS. Au CNRS comme à l'université (et, oserait-on dire, en France) laliberté intellectuelle est la règle. Toute utilisation de procéduresdétournées (plaintes, conseil de discipline) pour la limiter est unemenace pour la démocratie. Il y a d'excellentes raisons pour être en désaccord avec VincentGeisser : mais il suffit de le dire et de l'écrire, pas de le fairetaire. Vincent Geisser n'a aucune autorité sur qui que ce soit et sespropos n'engagent que lui. En revanche, le Haut fonctionnaire dedéfense prétend incarner l'Etat, et mobilise les institutions,malheureusement complaisantes, pour casser Vincent Geisser. Si le Haut fonctionnaire de défense porte plainte en tant quepersonne devant un tribunal, il en a le droit et c'est son affaire,mais la direction du CNRS n'a pas à prendre fait et cause pour luicontre un chercheur et, surtout, n'a pas à anticiper le jugement d'untribunal civil pour sanctionner ce chercheur. En un mot, ce genre deprocès et de sanction n'existe que dans des pays de traditionautoritaire (Russie, Turquie, Egypte, Algérie, Tunisie) et n'a pas saplace en France.

Nous ne demandons rien d'autre que le respect de notre travail dechercheurs et d'intellectuels, celui-là même pour lequel nous sommesrémunérés par l'État. La confiance entre la tutelle et les chercheurs,universitaires et intellectuels est désormais rompue. Seul un gestefort - de la Ministre et de la Présidente du CNRS - pourrait larétablir. Nous réitérons donc nos exigences :

Annulation du conseil de discipline contre Vincent Geisser (et refus de reconnaître sa légitimité s'il est tenu). Exclusion des sciences humaines de toute supervision par le Haut fonctionnaire de la Défense. Négociations entre la direction du CNRS et les directeurs deslaboratoires des « sciences dures » d'une charte sur les compétences etles limites du rôle du Haut fonctionnaire de défense, qui doit agirdans la transparence, la neutralité idéologique et… le devoir deréserve, qui, lui, s'applique aux fonctionnaires d'autorité.

C'est seulement de cette façon que Valérie Pécresse et CatherineBréchignac, et plus largement nos gouvernants, manifesteront leurattachement sincère à l'un des droits fondamentaux de l'homme et ducitoyen : la liberté de pensée et la liberté d'expression.

Esther Benbassa, directrice d'études à l'Ecole pratique des hautes études, Sorbonne, et Olivier Roy, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique

A lire aussi sur Rue89 et sur Eco89

Ailleurs sur le Web

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Et sur le site Idée@jour:

Joseph Illand harcelait-il Vincent Geisser ?
Esther Benbassa s'inquiète pour la liberté intellectuelle au CNRS
Esther Benbassa interpelle Valérie Pécresse qui lui répond

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Sur Wikipedia:

 

  • Soutiens à Vincent Geisser

Le Collectif pour la sauvegarde de la liberté intellectuelle des chercheurs et enseignants-chercheurs de la fonction publique[9] est monté le 8 juin 2009 par des chercheurs pour soutenir Vincent Geisser par une pétition[9] destinée à Valérie Pécresse, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.

Cette pétition a été notamment signée par Esther Benbassa (dont elle est l'initiatrice), Etienne Balibar, Edgar Morin, Eric Fassin et Olivier Roy.

Selon eux, le fait que Vincent Geisser soit accusé de n'avoir pas respecté l'obligation de réserve est un prétexte employé pour le "censurer". En effet, ils affirment que : « L'obligationde réserve ne peut en aucun cas valoir pour les intellectuels, ycompris lorsqu'ils sont fonctionnaires. Les y soumettre revientpurement et simplement à les faire disparaître comme intellectuels,c'est ruiner la liberté dont ils ont besoin pour continuer leur oeuvresalutaire, indispensable à la vie normale d'un pays politiquement sain,et qui a besoin d'eux pour son équilibre." »[9]. Cette affaire serait, selon Thierry Leclère, journaliste à Télérama, « le signe d'un climat sécuritaire post-11 septembre qui aurait contaminé le milieu universitaire[10]. »

Valérie Pécresse dans une lettre datée du 10 juin 2009, répond auxpétitionnaires que la procédure en cours est à l'initiative uniquementde la direction de la CNRS et du Fonctionnaire Sécurité Défense, JosephILLAND, et que de ce fait elle ne peut s'exprimer sur le sujet.[réf. nécessaire] Ce que le CNRS confirme affirmant que « c'est uniquement en raison de ces injures publiques que le CNRS saisit l'instance disciplinaire »[11].

Plusieurs organisations, notamment de chercheurs, soutiennent Vincent Geisser. Les associations de chercheurs sont le réseau scientifique TERRA, l'Association Française de Sociologie (AFS), l'Association des Sociologues Enseignants du Supérieur (ASES), l'Association des Enseignants et Chercheurs en Science Politique (AECSP), l'Association Française de Science Politique (AFSP). D'autres groupes tels que la section de la Ligue des Droits de l'Homme de l'EHESS et de Toulon, l'Union juive française pour la paix, Oumma.com et les Indigènes de la République se sont associés à cette pétition [réf. nécessaire].

Parmi les mouvements et partis politiques le Nouveau Parti Anticapitaliste, le Parti Communiste Français, les Verts et le Mouvement des Indigènes de la République ont également exprimé leurs soutiens au chercheur.[12][13][14][15]

  • Opposants à Vincent Geisser

La revue Riposte Laïque défend l'idée selon laquelle Vincent Geisser a « monté une opération médiatique de toute pièce pour politiser un conflit privé et une faute professionnelle »[16].

Par ailleurs, Riposte Laïque s'oppose à l'idée le "racismeanti-musulmans" que Vincent Geisser décrit, et explique que la positionde ce dernier est "pro-voile" en raison de son opposition à la Loi française sur les signes religieux dans les écoles publiques.

Le site Communutaurisme.net s'oppose à la thèse de Vincent Geisser[17] et l'accuse de complaisance avec le fondamentalisme. Il récuse également l'idée d'un racisme envers les musulmans en évoquant une islamophilie grandissante en France.

Caroline Fourest explique dans un article publié dans le journal Le Mondeque Vincent Geisser se trouve du côté des défenseurs de l'islam radicalet qu'il fournirait "des articles à des sites où l'on incite à la hainecontre les esprits critiques". [18].

Pierre-André Taguieff explique que pour lui « Vincent Geisser est devenu la référence commune du MRAP et des milieux islamistes de France. »[19