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Journée d'études :

Journée d'études : "Adresses américaines" (Canada)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Nelson Charest)

Journée d'études : "Adresses américaines" (Canada)

27 mai 2019

 

PRÉSENTATION

Les littératures, qui sont forcément identifiées à une nation et à une langue, présentent des processus de transport, d’échanges mais aussi d’offrandes et de dons très particuliers. Cet art, qui présente une « communication différée » à « destination aléatoire » (Viala), pose des questions fondamentales : le retour ou la réciprocité du lecteur ne peut-elle être que fantasmée, soumise à la passivité imposée par le geste impérieux qu’impose le livre ? La lecture ne participe-t-elle pas toujours, pourtant, d’une circularité qui complète l’écriture, et lui est nécessaire ? Et qu’en est-il des dons produits par les écrivains, lorsqu’ils dédicacent un texte, lorsqu’ils rendent hommage dans des « tombeaux » ou lorsqu’ils font parler les absents par une « voix verticale » (Clément) ? Ou plus simplement, lorsqu’ils nomment une chose ou témoignent pour un territoire : ne sont-ce là que des gestes intéressés, visant un positionnement dans le champ, ou au contraire les seules pratiques vraiment gratuites d’une société soumise aux diktats commerciaux ? Un détour par les réflexions sur le don peut donner des pistes de réponses, que celui-ci soit perçu dans sa circularité (Mauss et les sociologues) ou dans sa « pureté » (Derrida, Ricoeur, Marion). Peut-être doit-on composer avec un double don en régime littéraire : celui de la littérature elle-même — essentiel, surplombant et général, et celui de quelques-uns de ses textes, nommément donnés et destinés, qui affichent leurs donataires par des mentions plus ou moins explicites.

Or ce fait général s’étoffe davantage lorsqu’on doit considérer la valeur nationale d’une littérature qui, comme le pense Goethe, réclame et appelle la confrontation et la collaboration avec d’autres littératures nationales, pour devenir Weltliteratur. Dans ce registre, il n’est pas de vecteur plus signifiant que celui qui unit l’Europe à l’Amérique, l’Ancien et le Nouveau Monde, qui rejoue le paradoxe du « nain juché sur des épaules de géant » qui préside au passage de l’Ancien au Moderne. Et cet échange est encore plus critique si on le circonscrit au français, fortement concurrencé, en Europe, alors qu’il est minoritaire et presque soliloque, en Amérique. Écrire en français, d’Europe à l’Amérique, ou d’Amérique à l’Europe, implique des surdités et des malentendus, des contingences et des libertés, des pouvoirs et des soumissions suffisamment riches et complexes pour donner à penser.

Les exemples abondent : Saint-John Perse qui, d’Amérique et avant son retour en France (et pensant à sa Guadeloupe natale), termine Amers par une « Dédicace », renversant l’ordre habituel. Yves Bonnefoy, qui prend contact avec ce même Saint-John Perse alors qu’il s’apprête à débarquer en Amérique, cherchant alors tout autant une caution française qu’américaine. C’est encore Gaston Miron qui, lorsqu’il entre à la très française Gallimard, est introduit par Edouard Glissant, ni français ni québécois. Ou plus récemment, Dany Laferrière qui entre à l’Académie française en tant qu’haïtien et québécois, l’institution voulant afficher sa reconnaissance pour la francophonie par un coup double, même après qu’un Anglais (Michael Edwards) y ait été admis.

Cette journée d’étude sera l'occasion, à partir d'un axe précis (le don et l'adresse), de penser les échanges entre les deux continents, et de s'initier à des exemples précis et significatifs, où des auteurs de toute époque ont explicitement pensé la relation de l’Europe vers l’Amérique, ou vice versa. Ces questions s’inscrivent résolument dans un contexte postcolonial, où les « relations » (Glissant) supplantent les hiérarchies anciennes, pour promouvoir des mouvements d’aller-retour, parfois implicites parfois explicites. Dans un contexte de levée des protectionnismes et de remise en question de la mondialisation, nous croyons que la littérature peut nous offrir des exemples d’identités fondées sur l’ouverture et la compromission.

Cette journée d’étude, organisée par Anne-Marie Fortier (uLaval) et Nelson Charest (uOttawa), se tiendra le 27 mai prochain au congrès de l’ACFAS, qui a lieu cette année à l’UQO (Gatineau). Les propositions de communication, d’environ 300 mots, sont à recevoir auprès des deux organisateurs avant le 10 mars 2019, accompagnées d’un titre (prospectif) et d’une brève présentation bio-bibliographique. Les coûts d’inscription, de transport et d’hébergement sont à la charge des participants.

Contacts : Anne-Marie Fortier (Anne-Marie.Fortier@lit.ulaval.ca), Nelson Charest (ncharest@uottawa.ca).