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Activismes et esthétiques queer dans les littératures africaines (Congrès APELA, Berlin)

Activismes et esthétiques queer dans les littératures africaines (Congrès APELA, Berlin)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Unter Ecker Marjolaine)

Activismes et esthétiques queer dans les littératures africaines

Congrès de l'Association pour l'étude des littératures africaines (APELA)

Humboldt-Universität zu Berlin 22-24 septembre 2021

Appel à communications

Depuis une vingtaine d’années, on constate une visibilité grandissante 
des représentations des sexualités et plus généralement des identités 
non hétéronormées dans les littératures africaines, ainsi que dans les 
arts et le cinéma d’Afrique. L’inscription d’un désir homosexuel dans 
l’histoire littéraire africaine précède toutefois largement les 
productions contemporaines, comme en atteste la monographie de Chantal 
Zabus Out in Africa. Same Sex Desire in Sub-Saharan Literatures and 
Cultures (2013). Dans un contexte où l’homophobie grandissant dans 
certains pays africains se traduit par une répression pénale exacerbée, 
tandis que d’autres au contraire abolissent des lois discriminatoires, 
il n’est pas surprenant que la thématique produise un corpus à la fois 
esthétique et activiste, partant de deux perspectives différentes pour 
approcher les conflits mentionnés. Avec les récents projets collectifs 
de témoignage tels que Stories of Our Lives. Queer Narratives from Kenya 
(2015) ou encore She called Me Women. Nigeria’s Queer Women Speak 
(2018), le concept de queer d’origine politique aux États-Unis, fait de 
plus en plus son entrée dans le vocabulaire activiste en Afrique.
L’activisme et la pensée queer ont surgi aux États-Unis au tout début 
des années 1990, au moment où la pandémie du SIDA frappait durement la 
communauté homosexuelle et exacerbait encore plus l’homophobie latente. 
Reprenant une insulte homophobe récurrente forgée à partir d’un terme 
qui désigne le bizarre, l’atypique, le hors-norme, le mouvement « queer 
» s’est distingué très tôt par son mode d’action festif et transgressif. 
Cherchant à penser ensemble genres, sexes et sexualités, et inspirées 
par les travaux de Michel Foucault, Judith Butler et Eve Sedgwick, les 
théories et études queer se sont rapidement développées dans les pays 
anglo-saxons. Elles se caractérisent par le refus d’une posture 
identitaire stable, plus particulièrement binaire hétéro/homo et 
homme/femme, pour penser au contraire les processus émancipatoires et 
utopiques charriés par des pratiques et des corps défiant les normes, 
les institutions et les catégories caractérisant l’ordre patriarcal.
Utilisée dans diverses disciplines des sciences humaines et sociales, de 
la philosophie aux études de genre en passant par l’histoire et la 
littérature, souvent appliquée comme une méthode particulière de 
critique et de déconstruction des textes ou des sources (en anglais, « 
to queer » devient alors un verbe, et « queering » une action) les 
études queer sont aussi régulièrement critiquées pour leur dimension 
occidentale, masculine, élitiste et blanche et sa difficulté à 
s’articuler aux autres luttes contre les discriminations, notamment 
raciales.

À un moment où s’expriment de nouvelles exigences pour la décolonisation 
des institutions de savoir, des méthodes de recherche et des curriculum 
scolaires et universitaires, quels peuvent-être les apports des théories 
queer dans la lecture et l’analyse des littératures africaines ? La 
généalogie américaine et ‘blanche' du mouvement queer peut-elle être 
contestée par une attention plus grande portée aux discours élaborés et 
aux luttes menées à la fois par et sur les représentants du continent 
africain et par les diasporas africaines du monde entier? À partir, mais 
aussi au-delà des questions de non-conformité des identités de genre et 
des pratiques sexuelles telles qu’évoquées dans les littératures 
africaines (mais également dans la photographie, la peinture, et le 
cinéma), quelles sont les possibilités ouvertes par la pensée queer pour 
évoquer à la fois les processus disciplinaires forgeant les corps, les 
désirs et l’intime et leurs transgressions de la norme dans les sociétés 
africaines ?

Ce congrès propose une exploration des littératures, du cinéma et des 
arts performatifs africains de toutes les langues et de toutes les 
régions d’Afrique y compris le Maghreb et les diasporas, au prisme des 
théories, activismes et esthétiques queer. Il s’agira tout autant 
d’aborder un corpus encore peu usité dans la recherche francophone, que 
d’analyser le lien entre esthétique, savoir et activisme dans le 
contexte des luttes pour la reconnaissance des homo- et transsexuels et 
d’autres minorités sexuelles et de genre en Afrique.

1.       Activismes

Le mouvement queer se veut résolument militant, offrant un 
questionnement radical du rapport entre l’intime et le politique. En 
Afrique, la question du legs colonial se pose de façon aigue lorsqu’il 
s’agit de penser tout à la fois l’appareil judiciaire et répressif 
protégeant ou, au contraire, exposant les minorités sexuelles ou 
transgenre.

A.       Homophobie et transphobie

La lutte contre l’homophobie et la transphobie fut au cœur de 
l’émergence d’un activisme queer fustigeant les processus d’exclusion et 
les violences perpétrées contre les minorités sexuelles et de genre. En 
Afrique, une des premières manifestations de cet activisme prit corps en 
Afrique du Sud, lorsque les militants homosexuels et les militants 
anti-apartheid s’allièrent au début des années 1990 pour contester le 
régime raciste et patriarcal de la minorité blanche. Depuis, la question 
des droits des minorités sexuelles est prise en étau entre legs colonial 
(particulièrement l’existence de lois condamnant les pratiques 
homosexuelles datant de la période coloniale) et impérialisme culturel 
(l’influence réelle ou supposée de réseaux transnationaux encourageant 
les mobilisations et manifestations LGBTQI+). Comment les littératures 
africaines se sont-elles emparées de ces luttes ? Comment se sont-elles 
articulées aux autres combats menés par les écrivains, artistes et 
intellectuels africains, au lendemain des indépendances ?

B.       Hétéronormativité

Les luttes nationalistes menées en Afrique contre la domination 
coloniale et pour la construction d´États indépendants ont souvent 
reposé sur un hétérosexisme exacerbé, où la famille hétérosexuelle était 
présentée comme le socle naturel des nouvelles nations. Dans les 
contextes de luttes armées anticoloniales en particulier, les 
stéréotypes de genre renvoyant les femmes à leur rôle de mère et de 
gardienne des traditions, et les hommes à leur nature guerrière au 
service de la patrie ont été mobilisés à la fois par les acteurs 
étatiques et culturels. La recherche d’une posture digne, preuve des 
capacités des populations africaines à prendre leur destin politique en 
main, a participé à la naturalisation et au renforcement d’une 
hétéronormativité pensée comme un démenti aux accusations de dépravation 
et de bestialité centrales au discours colonial. Comment cette 
articulation de l’intime et du familial au projet d’émancipation 
national a-t-elle été pensée, déconstruite ou critiquée par les 
littératures africaines ? Quels sont les dispositifs de la sexualité qui 
forment le canon littéraire africain ?

C.       Transgression et déviance

La pensée queer se veut essentiellement anti-identitaire et 
contestataire, rejetant à la fois les processus d’assignation d’une 
identité figée et les luttes au nom d’une identité particulière. Quel(s) 
rôle(s) joue la transgression des normes de genre et de sexualité dans 
les littératures et les arts africains ? Comment sont-elles pensées en 
relation avec des mécanismes traditionnels plus fluides qui ont été 
identifiés dans certaines sociétés traditionnelles par des 
anthropologues telles qu’Oyerónké Oyewùmí ou Ifi Amadiume, qui mettaient 
en avant l’importation coloniale des identités de genre et du modèle 
patriarcal excluant les femmes de la sphère publique ?
Plus largement, quelles voies théoriques, philosophiques et militantes 
peuvent être ouvertes par une perspective croisée entre études queer et 
études africaines, notamment pour penser le refus de l’assignation 
identitaire et le legs des stéréotypes coloniaux et eurocentristes ?  
Dans quelle mesure les études queer, et notamment la façon dont elles se 
sont emparées de la question du spectre et de la spectralité (Freccero 
2006) peuvent-elles permettre d’appréhender les mémoires traumatiques ?


2.       Esthétiques et concepts queer

A.      Le Carnevalesque

Pour Ayo A. Coly (2016), la double injonction à décoloniser les études 
queer et à poser un regard queer sur les études postcoloniales pose 
problème, dans la mesure où cela produit une réification du postulat 
selon lequel ces deux traditions académiques sont issues de géographies 
distinctes. Au contraire, Coly voit dans la situation postcoloniale, et 
plus particulièrement la ‘postcolonie’ telle que décrite par Achille 
Mbembe (2001), un assemblage baroque et parodique caractéristique du 
queer, en ce qu’il défie les barrières disciplinaires et les hiérarchies 
de pouvoir, notamment dans la convivialité existant entre le 
commandement et ses sujets. En même temps, pour Coly, Mbembe ne parvient 
pas totalement à capter la dimension queer de la postcolonie, notamment 
du fait de sa fixation sur la virilité et ses symboles (pénétration et 
phallus). Comment cette esthétique de l’excès et de la corporalité du 
pouvoir s’incarne-t-elle dans les littératures et les arts africains ? 
Quelle place occupe le baroque, le carnavalesque, les thématiques de 
subversion et de travestissement dans les littératures africaines ?

B.      L’Utopie

Parmi les segments les plus féconds des théories queer, les questions 
d’histoire, de conscience historique, de futurité et d’utopie ont été 
soulevées par des auteurs divers tels que Lee Edelman, José Esteban 
Muñoz et Carla Freccero. En questionnant la naturalisation de la famille 
hétéronormée, les études queer interrogent en effet le champ de la 
reproduction biologique et sociale, de la transmission et de l’horizon 
émancipatoire. Ainsi, si Lee Edelman considère la pensée queer comme 
profondément nihiliste car tournée vers la jouissance et refusant le 
concept néo-libéral du ‘bien commun’, de nombreux auteurs ont préféré 
insister sur la dimension utopique d’une pensée queer occupée à 
construire un futur émancipatoire à partir du rejet des normes de genre 
et de sexualité. L’utopie devient alors un pan de l’esthétique queer en 
donnant une place centrale à l’imagination et à la création de futurs 
échappant aux carcans normatifs et offrant une place centrale aux 
questions de désirs et de plaisirs.
Les artistes engagés africains insistent également sur l’importance de 
constituer une archive visuelle et textuelle queer permettant de 
documenter les vies de ceux qui ne se conforment pas aux normes de genre 
et de sexe, afin de récuser l’idée selon laquelle le queer est toujours 
importé, étranger, extrinsèque, et permettre au contraire 
l’auto-référentialité. Pour José Esteban Muñoz (2009), inspiré par Ernst 
Bloch, la constitution d’une conscience historique est perçue en outre 
comme la condition nécessaire d’une pensée utopique concrète, forgée à 
partir d’une analyse contextualisée des luttes sociales, politiques et 
culturelles.

      C. Conceptualisations africaines

Même si la terminologie queer et plus généralement LGBTQ+ s’est 
aujourd’hui imposé à l’échelle internationale, elle a été précédée dans 
de nombreuses langues africaines par des concepts sociaux non normatifs 
pointant une fluidité identitaire au-delà des genres et sexes binaires. 
Qu’il s’agisse des goor-jiggen en Wolof, des yan daudu en Hausa ou de 
l’institution des mariages entre femmes dans la culture Igbo liés au 
statut de ‘fille mâle’, quelle est la pertinence du lexique queer pour 
appréhender et analyser les conceptualisations culturelles portées par 
ces terminologies africaines, et leurs implications sociales ? Quelle 
est aujourd’hui la portée des conceptualisations africaines locales dans 
les luttes LGBTQ+ ? Quelles sont les alternatives ‘traditionnelles’ 
et/ou ‘futuristes’ que la pensée africaine peut offrir afin d’enrichir 
ou de transgresser un vocabulaire queer qui a tendance lui-même à 
s’imposer comme une nouvelle norme du politiquement correct ? Comment 
ces concepts africains sont-ils traduits et négociés par la fiction, 
surtout dans une littérature qui a largement recours aux langues 
européennes ?

*

Les propositions de panels (quatre communications rassemblées au 
maximum) ou de communications (titre et résumé d’une page maximum) sont 
attendues pour le 30 novembre 2020 au plus tard, accompagnées de vos 
nom, prénom, affiliation et contact électronique.
La langue principale du congrès sera le français, toutefois il est 
possible de proposer des communications et panels en anglais.

Veuillez adresser vos propositions à :
iaaw.queer.apela@hu-berlin.de

*

Comité scientifique :

Markus Arnold (University of Cape Town)

Dorothée Boulanger (University of Oxford)

 Laurel Braddock (FU-Berlin)

Sarah Burnautzki (Universität Heidelberg)

Xavier Garnier (Sorbonne Nouvelle, Paris )

Susanne Gehrmann (HU-Berlin)

Claudia Gronemann (Universität Mannheim)

Catherine Mazauric (Université Aix-Marseille)

Aminata Mbaye (Universität Bayreuth)

Gibson Ncube (University of Zimbabwe)

*

Comité d’organisation :                                                    
Dorothée Boulanger (University of Oxford)       
Boneace Chagara (HU-Berlin)                     
Ibou Diop (Humboldt-Forum)                     
Susanne Gehrmann (HU-Berlin)                    
Josephine Karge (HU-Berlin)                     
Margarita Mestscherjakow (HU-Berlin)            
Pepetual Mforbe Chiangong (HU-Berlin)           
Clara Schumann (HU-Berlin)                      
Isabel Schröder (HU-Berlin)                     
Marjolaine Unter Ecker (Université Aix-Marseille)