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Acteurs et victimes : les enfants dans les guerres modernes

Acteurs et victimes : les enfants dans les guerres modernes

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Germain-Arsène Kadi)

Appel à contributions pour un ouvrage collectif pluridisciplinaire :

« Acteurs et victimes: les enfants dans les guerres modernes »

 

Si dans la mythologie gréco-latine « la guerre est l’affaire des hommes » comme l’atteste la célèbre formule d’Homère, elle a connu au XXe siècle un acteur improbable : l’enfant.

À la fin du XIXe siècle, les antagonismes entre les différentes puissances européennes ont favorisé la floraison d’académies militaires (Enfants de troupes en France, Cadets de l’empire en Grande Bretagne). La naissance du scoutisme (1900) participe de cette militarisation des esprits. Il est aisé de constater que la plupart des jeunes répondant à  l’appel à la mobilisation pendant la Première Guerre mondiale sont soit issus des académies soit influencés par les leçons de patriotisme dispensées dans les établissements d’enseignement.

Il n’est des lors pas étonnant qu’au cours de la Grande guerre, les enfants  continuent d’être la cible des campagnes de sensibilisation. Ils sont mobilisés dans des actions civiles : (lettres aux soldats sans famille pour les soutenir, organisation de quêtes dans les écoles (France), travaux agricoles en Allemagne dès l’âge de 15 ans, au Royaume Uni, ils sont encouragés à gagner de l’argent pour participer à l’effort de guerre…). Au nom du patriotisme, les enfants fragilisés à cause de l’absence de leurs parents assument des responsabilités entières dans le conflit et s’imposent comme des acteurs non violents de la guerre.

Dans les pays occupés par les troupes allemandes lors de la Seconde Guerre mondiale tels que la France, la Pologne, l’U.R.S.S. s’organise la résistance. Certains enfants sont utilisés comme espions ou également comme messagers tandis que d’autres s’engagent dans la guérilla. L’Allemagne est l’exemple le plus éloquent de l’instrumentalisation des enfants pendant la Seconde Guerre mondiale. Au début du conflit en 1939, les Jeunesses hitlériennes comptent plus de 7 millions de personnes. À partir de 1943 avec l’ampleur des pertes subies par la Wehrmacht, le régime nazi décide de baisser l’âge de l’incorporation à 16 ans. C’est ainsi que plusieurs milliers de jeunes garçons de 16 à 18 ans sont incorporés dans les divisions SS. Dans la bataille de Berlin, les enfants sont affectés pour tenir les batteries de la défense anti-aérienne et reçoivent même les félicitations du Führer pour leur courage quelques jours avant la chute du Reich. Victimes de la Shoah, des enfants juifs ou tziganes sont assassinés massivement ou transformés en orphelins survivants.

 À travers ces exemples, on se rend compte que les deux guerres mondiales sont des périodes traumatisantes pour les enfants. Terrorisés par les bombardements, séparés de leurs familles, déportés, assassinés et même victimes des effets rétroactifs de la bombe atomique. Pendant la Seconde Guerre mondiale, ils sont directement engagés dans les combats et en payeront un lourd tribut. Cette implication des enfants dans la guerre moderne va faire école en Afrique, en Amérique Latine et en Asie.

En Afrique, les guerres postcoloniales comme celles du Biafra au Nigeria, de l’Angola, du Mozambique, de l’Ouganda sont marquées par la conscription massive de plusieurs milliers d’enfants. Un phénomène que le monde découvre dans toute son ampleur au début des années 1990 pendant les guerres civiles au Liberia et en Sierra-Leone et qu’on observera dans tous les conflits de l’après guerre froide : Ethiopie, Somalie, RDC, Congo, Côte d’Ivoire, Soudan et actuellement en Centrafrique. Endoctrinés, armés et « stimulés » par l’alcool et la drogue, peu nourris, utilisés en première ligne, les enfants soldats se distinguent par des actes de cruauté sur les populations civiles. À la fois bourreaux et victimes, c’est une génération sacrifiée qui peine à s’adapter à la vie civile à la fin des conflits malgré les programmes de réinsertion.

En Orient et en Amérique Latine, notamment le Sri Lanka,  l’Afghanistan, l’Iran, l’Irak, la Palestine, le Salvador, la Colombie, etc. ont connu des conflits marqués par une systématisation de l’action des enfants utilisés comme espions,  soldats en première ligne ou candidats pour des attentats suicides.

Cette dramatisation progressive du rôle de l’enfant au cours des conflits du XXème siècle, des deux guerres mondiales aux multiples formes de confrontations armées : guerres civiles, interétatiques, de libération, d’autodéterminations, etc. a donné lieu à des travaux très élaborés d’historiens, de sociologues, d’ethnologues et d’autres spécialistes des sciences humaines.

La  littérature rend certes compte du sort des enfants pendant la Première Guerre mondiale et du martyr des enfants juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Mais elle a connu ces dernières années un regain d’intérêt sur la problématique, sans doute lié à la conscription massive de plusieurs milliers d’enfants soldats au cours des dernières décennies (actuellement environ 250,000 selon l’Unicef).

La situation chaotique des enfants dans les multiples conflits qui déchirent la planète et particulièrement la tragédie des enfants soldats s’est imposée comme un thème dominant dans les arts visuels (cinéma, bande dessinée, photographie, dessins) et dans la musique.

D’où cet ouvrage qui se propose d’explorer le caractère pluridisciplinaire des productions consacrées aux différentes formes d’implication des enfants dans les conflits depuis la Grande guerre. Il s’agit d’un regard croisé entre des spécialistes en lettres et sciences humaines, des juristes, des psychologues, etc.

Sans être exhaustives, les propositions d’articles pourront aborder les aspects suivants, tout en tenant compte de la visée interdisciplinaire de l’ouvrage :

  • La propagande de guerre ciblant des enfants (poésie, jeux, jouets inspirés de la guerre, traitement de la guerre dans les médias, etc.).
  • La littérature des enfants et les représentations de la guerre par des enfants qui l’ont vécue, incluant les enfants soldats (témoignages écrits, œuvres de fiction, dessins, etc.).
  • Les témoignages audiovisuels des enfants qui ont vécu la guerre, incluant les enfants soldats (documentaires, archives audiovisuelles).
  • La figure de l’enfant dans l’histoire récente de la photographie et du reportage de guerre, au cinéma et en littérature.
  • Le travail des enfants pendant la guerre (travail dans les champs et les usines lors de la Première Guerre mondiale, dans les mines en Angola, en Sierra-Leone, en RDC).
  • L’endoctrinement des enfants soldats (arguments politiques et ethniques, croyances (religions, sorcellerie, magie), recours aux drogues dures, etc.).
  • Aspects tactiques et stratégiques de l’enrôlement des enfants (troupes malléables, non rémunérés, insensibles à l’idée de la mort).
  • Psychologie de l’enfant (violence enfantine, traumatismes liés à la vie d’enfants soldats, etc.).
  • Les aspects juridiques de la protection des enfants (conventions et protocoles divers, suite judiciaire à la Cour pénale internationale).
  • La situation des filles soldats.
  • Le cinéma, la littérature et la problématique des enfants soldats.
  • Les enjeux historiographiques de l’enfant en temps de guerre et de l’enfant témoin (la mémoire des survivants, des orphelins de guerre).

Modalités

Les propositions de monographies seront étudiées. Cependant le comité scientifique privilégie les approches novatrices interdisciplinaires et transculturelles.

Envoyez vos propositions d'articles (300 mots, suivis d'une courte notice biographique d'environ 10 lignes) au plus tard le 15 août 2014 à Germain-Arsène Kadi  kadigr@yahoo.fr et à Johanne Villeneuve villeneuve.johanne@uqam.ca.

Les auteurs dont les articles seront sélectionnés recevront une notification d’acceptation le 31 août 2014. Les propositions retenues seront à remettre avant le 05 janvier 2015.

 

Coordination scientifique :

Prof. Johanne Villeneuve (Université du Québec à Montréal)

Germain-Arsène Kadi (Université Alassane Ouattara de Bouaké)