Essai
Nouvelle parution
O. Abiteboul, Essays on English and American Literature

O. Abiteboul, Essays on English and American Literature

Publié le par Université de Lausanne (Source : Eric Lecler)

Olivier Abiteboul, 

Essays on English and American Literature,

Cambridge Scholars Publishing, collection "Language and Literature", 2018.

EAN13 : 9781527513426 — 113 p.

 

Essays on English and American Literature est un recueil de seize essais critiques sur des textes anglais et américains du XVIème au XXème siècle. Olivier Abiteboul, philosophe et comparatiste dans tous ses ouvrages, signe ici un essai qu’il faudrait lire comme le double, à propos de la littérature, de ceux qu’il a consacrés à la rhétorique des philosophes, à la scène théâtrale de la philosophie et aux multiples détours du paradoxe. Un texte court – une tirade, un poème, une description de roman – est cité puis analysé selon le procédé du close reading. L’auteur l’avoue explicitement : la méthode est délibérément structuraliste et cherche à faire apparaître un fonctionnement poétique et métatextuel intrinsèque à l’écriture.

Neuf d’entre eux sont des études comparées entre deux ou trois auteurs : Ben Jonson et Shakespeare, Arnold et Aude, C. Brontë et Hawthorne, J. Clare, R. Frost et T. Gunn, etc. Ces pages sont parmi les plus stimulantes et elles permettent de saisir au mieux l’ambition qui structure l’ensemble du recueil, qui, est aussi en soi une forme d’essai : la démonstration que se dit dans les textes un supplément de sens. Par exemple : la confrontation entre le récit de l’incendie de Londres du deux septembre 1766 par John Evelyn et Samuel Pepys fait apparaître à propos d’un même évènement deux visions du monde à la fois proches et différentes : celle de Pepys humanise l’Histoire, alors que celle d’Evelyn est davantage focalisée sur la vie propre du diariste. Dans les deux cas cependant, l’ironie est présente, mais pour renforcer, paradoxalement, le narcissisme des écrivains.

Le critique lit donc avec et contre l’écrivain et fait surgir des motifs cachés, inavoués quelquefois, tel que la demande de dé-floraison d’Hawthorne (chap. IV « Purity and Seclusion », C. Brontë and N. Hawthorne). Si le langage est structuré comme un Inconscient, c’est parce qu’il est un producteur sémantique, et il importe donc de le dire avec les termes du critique, car ses mots sont eux-mêmes pris dans ce jeu d’un sens littéraire qui se dépasse sans cesse. Il faut donc citer le texte d’Olivier Abiteboul plutôt que de le traduire : « Hawthorne embodies a demand of de-flowering. In Brontë, the necessity of separation leads to “embrace with a seclusion”, that is to say: the wish to be marked by difference leads to a seclusion of seclusion». Chaque étude fait émerger un ou deux concepts, ou dispositif rhétorique : discursivité et non-discursivité, duplicité et tautologie égotiste, distorsion et désolation, etc. Il s’agit à la fois de structure du texte et de figure de (la) pensée, bref d’une rhétorique qui ne serait pas à l’usage d’un public, mais davantage autotélique – et productrice du sens.

Olivier Abiteboul prouve ainsi par la critique, conçue comme duplication du geste de l’écrivain, que l’écriture fait elle-même, toujours retour vers soi-même. La « structure du retour » (sur E. Wharton), le « narrateur transdiégétique » (Dickens) et les nombreuses autres figures mélancoliques (dont Wilde, V. Woolf) entrent tous, semble-t-il, dans un processus narcissique propre peut-être aux figures rhétoriques littéraires. Cependant, ce narcissisme ne se referme jamais sur l’image biographique d’un auteur, mais il est plutôt un fonctionnement réflexif du langage, une rhétorique inconsciente que le critique vient à dire. Plus que des structuralistes dont il se réclame, Olivier Abiteboul semble se rapprocher de Paul de Man : l’écriture est une dynamique du paradoxe, la lecture allégorie du sens. 

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