Questions de société
À propos de Maupassant et le conte La Vocation, par Marlo Johnston

À propos de Maupassant et le conte La Vocation, par Marlo Johnston

Publié le par Marc Escola (Source : Marlo Johnston)

Fabula s'est récemment fait l'écho de la parution aux éditions Hermann d'un texte de Maupassant présenté comme inédit.

L'une des spécialistes de l'auteur, Marlo Johnston, nous a fait parvenir le message suivant, qui met en doute l'authenticité de ce conte. On trouvera à la suite un lien vers la réponse des éditions Hermann.

 

"Les éditons Hermann publient un conte, La Vocation, signé de Guy de Maupassant et présenté comme inédit. Or ce conte, qui n’est pas de lui, fait partie d’une série de faux manuscrits apparus dès les années 1920. Ces derniers jours Le Figaro annonce que le manuscrit « authentifié par des spécialistes, notamment Louis Forestier, qui avait projeté de le publier ». Or M. Forestier n’a jamais publié La Vocation dans son édition des Contes et Nouvelles de la Pléiade, considérant comme moi que ce conte ne pouvait pas être de Maupassant.
 
À une date inconnue entre la mort de Maupassant et 1925, quelqu’un a fait des copies d’environ cinq de ses contes illustrés par des dessins de Steinlen, tous parus dans Gil Blas illustré entre 1891 et1893. Tous sont signés Guy de Maupassant, même un conte de Méténier, ce qui montre que ces copies sont l’œuvre d’un faussaire. Il existe parfois deux copies d’un même conte, mais avec une modification du titre. Ils ont figuré dans plusieurs ventes, dont celle de Suzannet en 1938 (Le Rendez-vous), puis de Pierre Berès en 1985 (La Vocation), ce qui explique la présence de cette copie dans les archives des Éditions Hermann.
 
Les manuscrits La Vocation (Beinecke Library, Yale) et La Vocation de Nini (vendu à une date inconnue) sont deux copies d’un conte d’Oscar Méténier, La Brême (paru dans Gil Blas illustré le 31 janvier 1892), qui portent sous un nouveau titre la signature de Guy de Maupassant. Dans le cas des autres faux manuscrits des contes de Maupassant, on pourrait croire à une copie faite pour des raisons plus ou moins honnêtes, mais ici – un conte de Méténier qui porte une signature de Maupassant –  l’intention ne peut pas être autre chose qu’une fraude. On a pris la précaution de ne pas copier les dessins exactement comme dans Gil Blas illustré, les prenant parfois d’un autre numéro et d’un autre conte. Et il semble bien que c’est la même main, qui n’est pas celle de Maupassant, qui a fait ces copies.
 
La connaissance de ces faux manuscrits remonte au moins à 1925, année où La Vocation était offert à Édouard Champion par Casimir Woznicki, qui savait qu’il s’agissait d’une copie sans valeur. Il pensait que les dessins pourrait être de Maupassant (à défaut de Toulouse-Lautrec ou de Steinlen…). Ce même manuscrit figure, en 1929, dans l’Exposition de la Centenaire de la Revue des deux mondes, 1829-1929, puis il reparait dans un catalogue de Pierre Berès le 22 mai 1985, toujours accompagné de la lettre de Casimir Woznicki, ce qui correspond au manuscrit aujourd’hui à Yale."

Marlo Johnston, auteur de la biographie Guy de Maupassant, Fayard, 2012.

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Les éditions Hermann ont souhaité exercer leur droit de réponse sous la forme d’une lettre ouverte signée par leur directeur, Arthur Cohen, qu'on peut lire également sur Fabula.