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A contrario, n° 25 (2017): L’éducation et la figure de l’enfant chez Wittgenstein et Cavell

A contrario, n° 25 (2017): L’éducation et la figure de l’enfant chez Wittgenstein et Cavell

Publié le par Université de Lausanne

Référence bibliographique : A contrario, n° 25, (2017): L’éducation et la figure de l’enfant chez Wittgenstein et Cavell, BSN Press, 2018. EAN13 : 9782940516599.

 

Wittgenstein commence les Recherches philosophiques en superposant deux images, celle du philosophe qui prend la parole en citant les mots d’un autre philosophe, et celle de l’enfant qui apprend ses premiers mots des adultes dans un souvenir d’enfance d’Augustin :

« “Quand ils [les adultes] nommaient une certaine chose et qu’ils se tournaient, grâce au son articulé, vers elle, je le percevais et je comprenais qu’à cette chose correspondaient les sons qu’ils faisaient entendre quand ils voulaient la montrer [ostendere]. Leurs volontés m’étaient révélées par les gestes du corps, par ce langage naturel à tous les peuples que traduisent l’expression du visage, le jeu du regard, les mouvements des membres et le son de la voix, et qui manifeste les affections de l’âme lorsqu’elle désire, possède, rejette, ou fuit quelque chose. C’est ainsi qu’en entendant les mots prononcés à leur place dans différentes phrases, j’ai peu à peu appris à comprendre de quelles choses ils étaient les signes ; puis une fois ma bouche habituée à former ces signes, je me suis servi d’eux pour exprimer mes propres volontés.” »

De cette image de l’enfant qui entre dans langage, Wittgenstein nous dit : « Nous pourrions dire qu’Augustin décrit un système de compréhension mutuelle, mais que ce système ne recouvre pas tout ce que nous nommons langage . » L’image de « l’essence du langage humain » ou plutôt l’image de l’apprentissage du langage qu’Augustin nous met sous les yeux n’est pas fausse, elle est réductrice aux yeux de tout ce que nous nommons « langage » dans nos vies de tous les jours . Elle n’a donc pas à être écartée, mais à être augmentée .

La figure de l’enfant qui entre dans le langage ne sert donc pas de fondement, mais de point de départ sur le fil continu d’une philosophie qui entend nous éduquer à nos propres mots en nous faisant parcourir la grammaire de leur usage pour nous en donner une représentation synoptique (eine übersichtliche Darstellung). Le motif de l’enfant vaut comme autre usage du langage, soit passé, dans nos souvenirs d’enfance, soit présent, dans un usage plus simple de nos propres mots . Cette comparaison par contraste fait de l’enfant une figure de l’autre culturel autant chez Wittgenstein que chez Cavell.

Ce numéro d’A contrario est né d’une conversation à propos de la figure de l’enfant chez Wittgenstein et Cavell dont les différentes voix permettent de mieux saisir le processus à l’œuvre dans la transmission du langage, de mieux voir ce que le langage fait de nous en passant d’une génération à l’autre et, dans la perspective partagée d’une meilleure attention à notre langage de tous les jours, de mieux percevoir ce que le langage nous fait quand nous nous éduquons. Manière de dire qu’avec l’irruption de l’enfant dans notre forme de vie toujours en mouvement, l’éducation devient réciproque entre celle qui accueille (l’adulte qui fait une place) et celui qui est reçu (l’enfant qui prend sa place) laissant la possibilité d’une rencontre.

 

SOMMAIRE

éditorial

Yves Erard, Pierre Fasula, Marco Motta et Joséphine Stebler

L’enfant, l’adulte et les mots qui passent . . . 3

Articles

Michael A. Peters

Les procès et l’enseignement de Wittgenstein, et la «figure de l’enfant» romantique chez Cavell . . . 13

Viktor Johansson

L’immédiateté passionnée : Wittgenstein et Cavell sur le désir et la philosophie incarnée dans la petite enfance . . .  39

Joséphine Stebler

Se souvenir (des images) de l’école . . .  63

Layla Raïd

Sous les mots, l’enfance . Sarraute et la philosophie du langage ordinaire . . . 93

Jérôme Meizoz

« C’est du sujet qu’on entend » : visite d’atelier . . . 117

Veena Das

Dans les pas de l’enfant : la voix philosophique de Cavell . . . 127

Pierre Fasula

L’éducation morale des enfants et des adultes . . . 145

Yves Erard

L’acquisition du langage chez Stanley Cavell : confusion scolastique et réflexivité critique . . . 159

Steinar Bøyum

La formation de l’autorité de la première personne . . . 191