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"On ne naît pas scientifique." Penser sa pratique et sa posture en sociologie des arts et de la culture

Publié le par Sarah Lacoste (Source : Comité organisateur)

2nde Journée d'étude du thème Culture et arts du Centre de recherche sur les liens sociaux (Cerlis) "On ne naît pas scientifique..." Penser sa pratique et sa posture en sociologie des arts et de la culture

"La preuve du social ne peut s'effectuer qu'à travers des constructions sociales : on ne peut saisir le sens et la fonction d'un fait social qu'à travers une expérience vécue, son incidence subjective et la parole qui permet d'en rendre compte. L'objectivité ne consiste donc pas à neutraliser l'appréhension subjective, mais plutôt à analyser en quoi la subjectivité intervient dans la production de la connaissance."  V. de Gaulejac (2009)


Quel sociologue n'a jamais douté de sa légitimité scientifique ? Face à des collègues, à des proches, à son objet ou à son texte, le moment arrive toujours où l'on s'interroge sur le bien-fondé de sa recherche, la fiabilité de sa méthode, l'utilité de ses résultats. Le chercheur est sans cesse soumis au doute : la certitude étant l'ennemie de la science, comment ne pas s'en réjouir ? Ce n'est pas le questionnement du sujet de recherche, permanent et nécessaire, qui nous intéresse ici, mais le regard que l'individu pose sur son propre parcours scientifique. En effet, qu'il soit amené à formaliser ou à vulgariser sa démarche (sur le terrain, dans le monde scientifique, dans sa vie privée), le chercheur doit sans cesse justifier sa légitimité face à ses divers interlocuteurs. Par conséquent, si l'objectivation du phénomène étudié constitue la première étape du travail de recherche, nous considérons l'objectivation de la subjectivité comme un processus complémentaire, indissociable de l’enquête en elle-même et de la discipline dans laquelle elle s'inscrit. Etre scientifique, c'est poser un regard spécifique sur un objet, un terrain ; c'est aussi, en amont et en aval du travail de recherche, analyser sa pratique et prendre toute la mesure de sa posture.

Dans la continuité des réflexions engagées sur la transdisciplinarité théorique et méthodologique autour de la figure du sociologue bricoleur (décembre 2011), nous proposons cette année d'interroger l'expérience de l'individu en sociologue, acteur et sujet de sa propre recherche. Cette seconde journée d'étude du thème Culture et arts du Centre de recherche sur les liens sociaux offrira ainsi l'espace d'une discussion, selon nous primordiale, sur l'engagement et le processus d'auto-légitimation du sociologue. Il s'agira par ailleurs d'interroger, de manière originale et incarnée, la pratique sociologique empirique appliquée à des objets culturels et artistiques. Nous étudierons avec intérêt tout type de proposition ; trois axes de réflexion sont néanmoins déjà envisagés :

Penser son objet :  La sociologie des arts et de la culture aborde quantité d’objets de nature différente : certains sont connus et reconnus, bien balisés par la littérature scientifique, d’autres font encore figure de terres inconnues. Comment le chercheur établit-il la validité scientifique et la viabilité sociologique de son objet ? Travailler sur des produits culturels modernes (blogs, rap, graff, publicités, romans sentimentaux, séries télévisées, émissions de radio...), enquêter sur des loisirs populaires (couture, bricolage, danse, photographie, concerts...), interroger des jeunes publics (enfants, adolescents) représentent autant de choix toujours à défendre. Ce n'est pas la pertinence de l'objet ou des résultats qui sera ici interrogée, mais le processus de scientifisation suivant lequel le sociologue transforme un fait social en objet de recherche.

Penser son implication : Travaillant sur des domaines desquels ils ont une connaissance empirique et/ou théorique, les sociologues des arts et de la culture sont amenés à développer de nouvelles compétences pour pouvoir récolter et analyser des données concernant leur champ d’investigation. Comment parviennent-ils à mettre en adéquation une expérience personnelle, un terrain spécifique et des problématiques sociologiques ? Quelle position doit/peut adopter le chercheur vis à vis de ses enquêtés ? Quelles stratégies sont mises en place pour « se faire une place » sur le terrain ? Quelles sont les clauses du contrat implicite qui lie l'enquêteur à ses enquêtés ?

Penser son statut  : Le sociologue n’est pas seul face à son terrain : il est partie prenante d'un champ disciplinaire, d'une institution universitaire, d'une équipe de recherche. Comment s'inscrit-il dans ce monde dont il ne connaît pas toujours les règles ? Dans quelle mesure ses choix scientifiques participent à son inscription institutionnelle ? En sociologie des arts et de la culture, cette question est d’autant plus prégnante que beaucoup de jeunes chercheurs ne sont pas issus directement de la sociologie : l'auto-formation implique-t-elle une auto-légitimation ? Dans quelle mesure l'interdisciplinarité représente-t-elle un atout, ou au contraire un frein, dans le parcours scientifique ?

Il est complexe d'évaluer sa propre pratique et de faire de ses expériences un objet de pensée structuré ; nous invitons les chercheurs, en priorité doctorants et post-doctorants, à y réfléchir ensemble, dans un souci de proximité, d'empathie, d'échange pédagogique et ludique.

Les propositions de communication (3 000 signes maximum, espaces compris, titre + résumé) devront nous parvenir avant le 16 septembre 2012 par courriel à l'adresse je.cultureetarts.cerlis@gmail.com. La proposition devra être accompagnée d'une courte présentation bio-bibliographique (contact, affiliation institutionnelle, statut, directeur de thèse, principaux axes de recherche... ; 10 lignes maximum). Les résultats de la sélection seront communiqués courant octobre 2012. La journée d'étude aura lieu le lundi 3 décembre 2012 à Paris.