Acta fabula
ISSN 2115-8037

2016
Novembre-décembre 2016 (volume 17, numéro 6)
titre article
Patricia Desroches

Des vies autres : pour une philosophie politique de l’ordinaire.

Daniele Lorenzini, Éthique et politique de soi. Foucault, Hadot, Cavell et les techniques de l’ordinaire, Paris : Vrin, coll. « Problème et controverses », 2015, 288 p., EAN 9782711626649.

1Daniele Lorenzini enseigne à l’Université Paris-Est Créteil après avoir soutenu, en 2014, un doctorat intitulé Sur la politique des conduites, pour une histoire du rapport entre subjectivation éthique et subjectivité politique, dontla publication consacrée aux « techniques de l’ordinaire » qui nous intéresse ici est en partie issue. Les travaux de Michel Foucault inspirent la quasi totalité des analyses de D. Lorenzini dans ce texte, et déterminent, in fine, la mise en perspective de la pensée foucaldienne avec celle des deux autres théoriciens convoqués : Pierre Hadot (1922-2010) et le philosophe américain Stanley Cavell (né en 1926). Dans cette confrontation entre Foucault, Hadot et Cavell, l’auteur se réfère à un certain nombre de cours dispensés par Foucault au Collège de France : au premier chef Sécurité, territoire, population (1977-1978) ainsi que dernier cours assuré par le philosophe avant sa disparition, en 1984, publié sous le titre Le courage de la vérité, et correspondant au deuxième tome du cours au Collège de France traitant du Gouvernement de soi et des autres. Mais D. Lorenzini commente également les cours effectués en 1974-1975 (Les anormaux) ou en 1981-1982 (L’herméneutique du sujet), textes entretenant aussi une relation avec sa problématique.

2La référence foucaldienne est donc décisive, et éclaire en définitive les analyses visant Hadot et Cavell. Le philosophe américain est moins présent que Foucault ou Hadot, probablement parce que ses développements théoriques sont moins directement concernés par les « techniques de l’ordinaire » (l’expression practice of the ordinary apparaît cependant sous sa plume1). Hadot est, de ce point de vue, certainement plus proche de Foucault — même s’il s’en distingue, et pour de puissants motifs théoriques2. L’intention de l’auteur, dans Éthique et politique de soi, Foucault, Hadot, Cavell et les techniques de l’ordinaire, est de ramener la philosophie politique à l’ordinaire, condition pour effectuer un nouage entre éthique et politique. L’enjeu est donc bien de penser l’éthique et la politique à partir d’une expérience fondamentale, bien qu’inédite : celle de l’ordinaire. L’auteur rappelle que les préoccupations liées à l’ordinaire apparaissent dans les travaux de Sandra Laugier3, elle même inspirée par la pensée de Ludwig Wittgenstein, de Ralph Waldo Emerson et de Henry David Thoreau — note donc la diversité des courants de pensée ayant suscité la réflexion d’une « représentante » de la philosophie analytique en France, réflexion située au croisement de la philosophie du langage, de la philosophie politique, et de la philosophie morale. D. Lorenzini pointe au passage que bien d’autres penseurs, en apparence éloignés les uns des autres, pourraient s’inscrire dans ce type d’interrogation, que l’on songe à J. L. Austin, Cora Diamond (sur le réalisme), Carol Gilligan (problématique du care), Erving Goffman, ou Iris Murdoch.

Éthique & politique

3Il s’agit d’articuler l’idée selon laquelle les « techniques de l’ordinaire » se « pratiquent », plus qu’elles ne se prêtent à une conceptualisation en bonne et due forme. Non seulement l’ordinaire est le dénominateur commun à Foucault, Hadot et Cavell, mais il comporte, de surcroît, une dimension critique. Si l’ordinaire, en effet, ne conduit pas à l’extraordinaire, il contribue, a minima, à renouveler le rapport entre éthique et politique. D. Lorenzini repère donc le pouvoir de transformation de soi et de la société dans la sphère de l’ordinaire, là où Bruce Bégout, par exemple, le situe dans le quotidien lui-même4. Les deux termes sont ici généralement distingués — mais on peut regretter que l’auteur ne fasse pas allusion aux thèses de B. Bégout, y compris pour s’en démarquer. D. Lorenzini vise avant tout à démontrer la co-implication entre politique et éthique, et s’appuie, à cette fin, sur la conférence donnée par Foucault en 1978 au Japon, conférence destinée à inaugurer une « philosophie analytique de la politique », ou encore, à rendre visible l’exercice concret du pouvoir. Foucault estime que le pouvoir est tout à la fois assujettissant et subjectivant, processus paradoxal s’il en est, mais dont il n’a cessé de démonter les mécanismes tout au long de son œuvre. En bref, les analyses foucaldiennes relatives au bio-politique, au bio-pouvoir — ainsi qu’à leur dimension disciplinaire — permettent d’élucider la notion de conduite, qui relève respectivement de l’auto-gouvernement et/ou du gouvernement des autres. L’ordinaire est ici étroitement lié au travail sur soi, pratique qui incarne autant un processus de subjectivation que les possibilités de résistance du sujet à l’aliénation qui le guette. Les « techniques de l’ordinaire » (manières de vivre, de l’ordre de l’ethos) contribuent donc à assigner à la politique un statut éthique et représentent le « point de contact » entre sphère privée et sphère publique.L’auteur en passe par une « philosophie analytique de la politique » (la référence à Wittgenstein est explicite) pour fonder la tâche critique qui le sollicite : montrer ce que « pouvoir » veut réellement dire, et dégager une nouvelle manière de « faire » de la philosophie politique. L’« empiètement » de l’éthique sur la sphère politique se mesure in fine à la capacité des sujets à faire valoir leur droit à l’existence et à la liberté, via des pratiques ancrées dans la vie ordinaire. D. Lorenzini veut donc définir les conduites en question, et montrer de quelle façon elles participent d’une entreprise éthico-politique.

Techniques de l’ordinaire : une notion ambiguë ?

4La« posture » analytique revendiquée par D. Lorenzini l’incite à orienter sa critique en deux directions : contribuer à une clarification conceptuelle de certaines notions (pouvoir, résistance, gouvernement etc.) et se distancier, dans le même temps, de la philosophie politique traditionnelle. D. Lorenzini tente ainsi de faire retour vers le réel de la philosophie, d’incliner le discours vers la réalité concrète, ce qui ne va pas sans paradoxes. Les techniques de l’ordinaire, en effet, consistent en exercices spirituels (Hadot), en travail sur soi (Foucault), en pratiques de l’ordinaire (Cavell). Elles ont pour finalité de transformer l’être même du sujet, de l’inscrire dans le « devenir humain », en vue de modifier la société elle-même. Mais qu’en est-il du rapport exact entre éthique et politique ? Si l’ethos — la manière de vivre — retentit sur la sphère politique, a-t-il véritablement (via les techniques de l’ordinaire) la capacité de l’infléchir ? Et quel usage faire de ces techniques, pour espérer se transformer en transformant la société ? D. Lorenzini s’appesantit peu, d’ailleurs, sur les connotations du terme d’ordinaire, et s’explique à ce propos dans un seul chapitre (« Techniques de l’ordinaire », p. 107). Il faut à nouveau dire un mot sur Cavell, dans la mesure où si l’auteur de Qu’est-ce que la philosophie américaine5ne s’étend pas, d’un point de vue sémantique, sur les techniques de l’ordinaire, il dit en revanche ne pas pouvoir penser la dimension éthique de la politique sans invoquer le perfectionnisme moral du philosophe américain Emerson6, ainsi que la pensée de H.D. Thoreau7. On comprend mieux la référence de Cavell à Thoreau lorsque l’on sait que ce dernier, dans son essai sur La Désobéissance civile, appelle à unerésistance individuelle face à l’esclavagisme de l’époque — il inspirera les actions menées par Gandhi et par Martin Luther King. En bref, selon Cavell, les moyens « politiques » mis en œuvre s’inscrivent dans le droit fil du perfectionnisme moral émersonien et de l’« anarchisme légal » de Thoreau. Le premier point à soulever, par conséquent, c’est que le lien entre perspective morale et possibilités de transformation socio-politique n’est pas obvie, ce qu’attestent certains développements de Conditions nobles et ignobles, par exemple. Cavell lui-même l’admet : les pratiques de l’ordinaire peuvent paradoxalement paraître élitistes et le sujet qui y « souscrit » être suspecté de fermer les yeux sur la pauvreté du monde. Mais, précise-t-il, s’il est difficile à quiconque de renoncer au « désespoir tranquille » (Thoreau), à la « mélancolie silencieuse » (Emerson), c’est que l’acceptation du lien entre auto-modification et transfiguration de la société n’est pas apparu dans son évidence politique. Ce que recherche Cavell, ainsi, c’est une voix, capable de faire parler ceux qui ne le peuvent, sans renoncer à révéler en quoi la pauvreté du monde est violence sociale. Ainsi, la justice perd son sens si elle ne se préoccupe pas des conditions d’oppression économique, de tyrannie, d’oppression politique. Demeure néanmoins en suspens la question de l’identification des « techniques de l’ordinaire » mises en jeu, que ce soit dans le texte de Cavell ou dans celui de D. Lorenzini. Il se peut que le terme d’« ordinaire » égare la compréhension du lecteur, tenté d’y voir des manières de vivre « intériorisées », mais sans incidence politique. On peut avoir tendance, dans le même ordre d’idées, à attribuer aux techniques de l’ordinaire une forme d’immanence, qu’elles ne possèdent pas forcément. De surcroît, c’est plutôt l’inverse qui se passe, du moins chez Emerson, qui, comme a pu le souligner B. Bégout8, est le chef de file du « transcendantalisme » américain, mouvement intellectuel le plus puissant du xixe siècle et qui synthétise unitarisme, philosophie idéaliste allemande, néo-platonisme, et un certain mysticisme (Böhme, Swedenborg, entre autres).

5La tension entre l’expérience de l’ordinaire et ce qu’elle est supposée produire (à savoir une nouvelle façon de s’auto-gouverner et de gouverner) n’est pas toujours palpable dans l’ouvrage de D. Lorenzini. L’auteur rappelle avec force, il est vrai, que la philosophie est affaire de « mode de vie » plus que de discours. Sandra Laugier et Arnold J. Davidson ont d’ailleurs demandé à P. Hadot si le philosophe, dans l’Antiquité grecque et latine, avait pour vocation de s’arracher au « quotidien » (pour l’occasion confondu avec l’ordinaire) ou de le transfigurer9. Hadot répond que la manière de vivre philosophique constitue une façon de « dépasser » le quotidien (et non l’ordinaire) : l’éthique enseigne en effet l’« art de ne pas vivre ainsi ». Chez Foucault, la valeur politique procède sans ambiguïté de la trame du monde ordinaire, en tant que nous pouvons le métamorphoser, le transfigurer, le « sculpter », le perfectionner, à l’image de l’esthétique de l’existence nietzschéenne. Les « techniques de soi » et les « arts de l’existence » sont donc des « pratiques réfléchies et volontaires par lesquelles les hommes, non seulement se fixent des règles de conduite, mais cherchent à se transformer eux-mêmes » (p. 82). Le se conduire devient une pièce maîtresse du procès de subjectivation, pour un individu qui se demande : « Comment dois-je vivre ? » Mais l’essentiel, on l’a vu, c’est que la constitution de la subjectivité se double d’une possibilité de résistance politique. Édifier une éthique de soi est donc une tâche politique fondamentale, et le gouvernement de soi est la condition nécessaire du gouvernement des autres.

6L’auteur recense ainsi les traits spécifiques des techniques de l’ordinaire, qu’il décompose en techniques de l’attention, techniques de la pensée, techniques de la parole, techniques du corps, techniques du refus et de l’altérité. Ces techniques sont utilisées par les individus afin de transformer le rapport qu’ils ont à leur propre personnalité, et à la réalité socio-politique. Elles engagent le statut de la subjectivité, la tension entre immanence et transcendance, en particulier dans l’Antiquité grecque. Mais si Foucault développe sans conteste une « philosophie de l’immanence », Pierre Hadot, en revanche, présente les exercices spirituels (techniques de l’ordinaire en tant que telles), comme une ouverture à la transcendance. Jusqu’à quel point Hadot influence-t-il Foucault et que faut-il penser de techniques qui, en définitive, ont quelque chose à voir avec la « spiritualité » ? C’est en les répertoriant que D. Lorenzini donne l’opportunité d’en saisir la nature10. Il (dé)montre qu’elles consistent d’abord à accomplir une « véritable révolution » de l’attention, c’est-à-dire à pratiquer une conversion du regard (geste propre à toute « décision de philosopher », sur le fond) ; à orienter sa pensée vers la méditation, c’est-à-dire à examiner ses représentations ; à faire un certain usage de la lecture, de l’écriture, de l’écoute, de l’acte de parler, c’est-à-dire à s’approprier « éthiquement » la vérité ; à écouter, à recueillir le logos, soit incarner, à nouveau, le passage entre vérité et éthique. D’après Hadot, en particulier, Socrate est le maître du dialogue avec autrui et avec soi-même. Certains commentateurs ont même soutenu qu’il livrait là une conception « christianisante » de la philosophie antique, au motif qu’il « substituait » les exercices spirituels à la maïeutique socratique. D. Lorenzini cite ainsi la critique de Giuseppe Cambiano, qui estime qu’Hadot insiste trop sur une forme de « morale de la communication », aux dépens du travail du concept. Cavell n’est pas absent du débat et D. Lorenzini évoque « la conversation perfectionniste » du philosophe américain, dont la fécondité se révèle dans les « comédies du remariage ». C’est donc bien un phénomène banal, domestique, qui indique combien l’art de parler le même langage est, dans ce cas, décisif. Ce qui importe avant tout, ce n’est pas de se marier, mais de se remarier, seule façon d’évaluer l’aptitude à reconnaître la voix de l’autre. Mais cette prééminence de la vie domestique dit peu sur l’incidence politique du phénomène.

Techniques de l’ordinaire & sphère politique

7Cette dimension politique n’est pas introuvable, mais demande à être « extraite » des analyses de l’auteur. Que statut, par exemple, réserver à la parrêsia étudiée par Foucault (p. 166)? Cette activité, qui exprime le « courage de dire tout ce qu’on pense, en dépit des règles, des lois, des habitudes », s’incarne par excellence dans le cynisme grec, ce dont témoigne le séminaire sur le Courage de la vérité. Quelle est donc la « valeur » politique du dépouillement cynique ? Vider son corps de son « humanité » et se déprendre de tout artifice, représente une « manière d’être et de vivre ». Or cette modalité existentielle, selon Foucault, est la condition de possibilité du dire-vrai et, par ailleurs, inscrit la conduite cynique au cœur même de la cité grecque. En bref, le bios (dont les attributs sont endurance, résistance, courage, autarcie, maîtrise de soi, liberté…) n’est pas réduit à sa supposée originarité, mais fait du scandale un moyen stratégique (et un effet) destiné à indiquer ce que serait une vie autre. L’argumentation de Foucault figure dans le chapitre consacré aux techniques du corps. Mais c’est probablement dans les « techniques du refus et de l’altérité »(p. 187) qu’il est possible de saisir la dimension strictement politique des conduites humaines. Est-ce là pétition de principe (du côté du lecteur) que de voir dans les développements relatifs à la désobéissance civile et au refus en général, à l’insoumission, l’expression même du politique ? L’ouvrage de D. Lorenzini suggère (et fait plus que suggérer) de repérer le point d’articulation entre éthique et politique — via un certain usage des techniques de l’ordinaire — dans le rapport entre gouvernement de soi et gouvernement des autres. Mais quelle est la force politique du rapport en question ? Regardons de plus près selon quels critères la désobéissance civile, par exemple — comme pratique de l’ordinaire — et théorisée par Thoreau, engendre des effets politiques notoires. Dans Resistance to Civil Government, dont le titre, en 1866, deviendra Civil Desobedience, Thoreau fournit une justification philosophique à des attitudes « ordinaires », dont le refus de régler ses impôts, ou la décision de ne pas soutenir un gouvernement qui approuve l’esclavage, décision moins « ordinaire », s’il en est. Or, selon l’auteur, la position de Thoreau révèle un lien entre le droit à la conversation démocratique dans le pays concerné (la possibilité de critique interne) et le geste politique consistant à refuser certaines conduites « gouvernementales ». Ne pas consentir à se compromettre indéfiniment revient en fait à mesurer l’écart entre une justice parfaite et les possibilités de transformation socio-politique. Pour Thoreau autant que pour Emerson, en l’occurrence, c’est la Constitution des États-Unis qui est le critère décisif : celui permettant d’identifier ce que serait un état prochain de la société, sous-entendu un état juste, bien que non réalisé jusqu’à présent. Si la réintroduction du « droit naturel » est, dans un tel contexte, compréhensible, la référence à la Constitution américaine (comme garant juridique « suprême » de valeurs éthiques) est plus surprenante. Mais elle présente l’intérêt, selon D. Lorenzini, de considérer la désobéissance civile comme un des versants de l’alternative politique, le premier étant constitué par le « militantisme » lui-même. En bref, la désobéissance civile est paradoxale : elle est légale et illégale tout ensemble. Tout citoyen est responsable de sa conduite politique comme de celle de son gouvernement. Rawls a donc tort, selon l’auteur, de penser que Thoreau s’en tient à une problématique morale ou religieuse, alors qu’il s’agit manifestement de fonder le « type d’homme que l’on veut être ». Cette dernière proposition, néanmoins, n’est pas si éloignée, en définitive, de ce que le théoricien de la Théorie de la justice « reproche » à Thoreau.

8L’ouvrage de D. Lorenzini, pour conclure, est passionnant à lire, même s’il laisse entrouverte la question du rapport entre éthique et politique, ou plus exactement, la question de la nature exacte du politique, y compris dans son articulation à l’éthique. « Changer la valeur de la monnaie », c’est-à-dire subvertir les valeurs et les conduites politiques, comme le préconisait Diogène le Cynique, est plus que « séduisant », en vertu de la proximité sémantique entre le terme de monnaie en grec (nomisma) et de celui de loi (nomos). Mettre en pratique, dans le même temps, une forme d’askêsis (exercice, entraînement), afin de démystifier l’hypocrisie sociale, comporte une dimension politique, puisque s’immerger dans la Cité pour en dénoncer les travers, est éminemment politique. Néanmoins, si l’auto-gouvernement conduit au gouvernement de l’autre et des autres, cela ne signifie pas que le dépositaire du gouvernement effectif, soit en position de l’entendre, et d’articuler éthique et politique. Le pouvoir, contre ce qu’affirmait Mao Zedong n’est pas un « Tigre de Papier ». Combiner la multiplicité des genres de vie aux possibilités de transformations socio-politiques est un idéal nécessairement fondé. Mais l’on se demande quelque peu si cette problématique ne développe pas une nouvelle façon intersubjective de vivre politiquement, plus qu’elle n’engendre, à proprement parler, la possibilité d’authentiques transformations de la réalité socio-politique, et de son caractère aliénant. De surcroît, le détour par les « techniques de l’ordinaire », aussi éloquent soit-il, ne semble pas toujours fondé à alimenter le combat politique. Il est vrai que cette articulation entre éthique et politique réclame ouvertement une possibilité « pacifique » d’entrevoir l’action politique ; action qui a disparu du texte de D. Lorenzini, mais dont la teneur a été « repensée » dans une perspective théorique qui conserve toute sa pertinence, bien que l’on puisse en percevoir les « limites ».