Acta fabula
ISSN 2115-8037

2014
Mai 2014 (volume 15, numéro 5)
titre article
Maxime Cartron

(Ré)éditer Racine

Jean Racine, Théâtre complet, édition d’Alain Viala & Sylvaine Guyot, préface de Jacques Morel, Paris : Classiques Garnier, coll. « Bibliothèque du théâtre français », 2013, 1193 p., EAN 9782812407819.

1Depuis l’édition en deux volumes du Théâtre complet de Racine publiée chez Gallimard par Jean-Pierre Collinet (collection « Folio classique », 1982 et 1983), plusieurs éditions de grande qualité — dont celle de Jean Rohou pour Hachette (1998, collection « La Pochothèque ») —, sont venues prendre place dans un paysage critique racinien déjà foisonnant. En premier lieu, Georges Forestier a réalisé pour la Bibliothèque de la Pléiade un travail philologique et génétique que certains spécialistes considèrent comme le plus abouti au regard des connaissances scientifiques actuelles. L’édition de G. Forestier semble se présenter depuis 1999 comme l’outil de référence de tout universitaire, dix-septièmiste ou comparatiste, et plus généralement de tout lecteur intéressé par Racine. La magistrale synthèse des connaissances critiques qu’opère G. Forestier vient de plus corriger les approximations et les approches parfois quelque peu datées (dues à l’avancée des études raciniennes dans la seconde moitié du xxe siècle) de l’édition établie par Raymond Picard en 1950 pour la Bibliothèque de la Pléiade1. En 1980 sortait chez Garnier une édition du Théâtre complet de Racine signée Alain Viala et Jacques Morel. Son objectif était d’« offrir du théâtre de Racine un texte aussi sûr que possible, et en faciliter la lecture, que le lecteur soit étudiant ou amateur2 ». Une réédition (2010) est venue mettre à jour ce premier travail. Cette édition critique avait probablement encore quelques années à vivre au fil des rééditions, mais en 2013 Alain Viala, assisté de Sylvaine Guyot (une de ses anciennes doctorantes), a proposé une édition remaniée et augmentée dont les fondations (introduction de Jacques Morel, politique d’édition et d’annotation, glossaire) restent celles de 1980. A cet égard, il convient de mesurer les apports de cette « nouvelle édition » (p. 9). La comparaison avec l’édition de G. Forestier, référence incontournable depuis 1999, est également inévitable, mais la véritable question subsumant immédiatement les deux premières reste la suivante : comment lire Racine aujourd’hui et comment le faire lire ? Plusieurs optiques d’édition sont possibles.

Se situer

2Une édition souhaitant demeurer utile voire essentielle se doit d’être réactualisée, sous peine de sombrer dans la décrépitude critique. La réédition de 2010 est donc venue apporter quelques nouveautés (ou plus exactement quelques réactualisations), notamment au dossier critique touchant à la réception de Racine au xxe siècle ainsi qu’à l’évolution du tragique racinien, évolution dont Jean Rohou disait qu’elle était

3continue et significative, au-delà des aléas des sujets, de l’autonomie relative de chaque œuvre et des réactions dialectiques de l’auteur qui, naturellement, conçoit quelque peu chaque œuvre nouvelle en réaction à la précédente et aux critiques qu’elle a essuyées. Après les horreurs de La Thébaïde, la fadeur d’Alexandre. Après la tendresse d’Andromaque, le sérieux d’un sujet historique. À la violence de Britannicus réagit la langueur de Bérénice, suivie du sadisme de Bajazet, que contredit la sérénité de Mithridate et d’Iphigénie, dont se démarque le malheur de tous les protagonistes de Phèdre3.

4Le travail d’A. Viala sur la « stratégie du caméléon » développée par Racine tentait déjà dans une perspective sociocritique d’expliciter, là où J. Rohou faisait appel notamment à la psychanalyse, les raisons carriéristes d’une telle évolution4. L’édition de 1980, celle de 2010, et celle de 2013 (dans laquelle le dossier portant sur Racine et la critique au xxe siècle est repris) poursuit cette perspective. Ainsi :

L’œuvre de Racine n’est pas aujourd’hui d’un accès immédiat. Outre les difficultés que peut présenter le texte, elle n’est en effet jamais perçue qu’à travers le prisme de ce que l’on peut appeler un « mythe racinien ». De ce fait, sa place dans la vie culturelle  d’à présent est assez particulière. Son public (lecteur et spectateur) n’est pas extrêmement large, et pourtant elle a suscité, plus que bien d’autres, foule de recherches, d’exégèses, de mises en scène, et aussi de polémiques. Perçu comme le parangon d’une culture que l’on nomme de façon ambiguë « classique » — et c’est là le fondement du mythe —, Racine a souvent été mis à la question, et parfois à la torture. À travers lui, c’est alors le soubassement de la culture moderne que l’on interroge, la fidélité de celle-ci à ses sources, ou son reniement. (p. 1115)

5Rendre compte de la complexité de Racine et de sa réception dans un usage critique mais aussi pédagogique afin d’éviter au lecteur de tomber dans le piège du mythe, tel est l’objectif qui meut cette nouvelle édition. En effet, Racine est « l’écrivain le plus mythifié par l’École et la Critique, leur modèle du « classique », leur objet privilégié d’exégèses, et le sujet favori de leurs polémiques historiques »5. Et de fait, beaucoup de chemin a été parcouru depuis les éditions de R. Picard et de J.‑P. Collinet, qui militaient encore en faveur de l’exception française classique, et qui voyaient en Racine son incarnation la plus aboutie6. L’édition d’A. Viala et de S. Guyot rend compte de cette évolution dans l’appréhension de l’auteur de Phèdre à travers son très utile dossier critique, qui s’enrichit du préambule dont nous tirons la citation ci-dessus. A. Viala retrace l’histoire de la critique racinienne au xxe siècle à travers les différentes approches proposées par ses divers acteurs (psychocritique, sociocritique, approche thématique, historique, stylistique et dramaturgique …), et propose ici en vingt pages un bon résumé des forces en présence. Même si l’on sait que l’approche sociocritique a ses faveurs, la réflexion est nuancée et précise. Par exemple, il nous est rappelé que dès La Carrière de Jean Racine de R. Picard (1956), la réflexion biographique se fait également historienne et porte une valeur sociocritique. Le dogmatisme méthodologique, aveuglement s’il en est, que Jean Starobinski a stigmatisé de la sorte dans son introduction aux Études de style de Léo Spitzer : « le terrorisme méthodologique n’est, la plupart du temps, que le cache-misère de l’inculture, le camouflage de l’ignorance »7, est ici évité, et les amateurs de Racine ne peuvent que s’en réjouir.

6L’édition d’A. Viala et S. Guyot n’offre donc pas les mêmes apports que l’édition de la Pléiade réalisée par Georges Forestier en 1999, et qui constitue selon certains une sorte de sommet indépassable. En effet, A. Viala et S. Guyot désirent offrir au lecteur d’aujourd’hui un autre Racine, un Racine davantage ancré dans un contexte sociocritique8. A. Viala loue « la remarquable édition procurée par Georges Forestier dans la collection de la Pléiade » (p. 7), mais la sienne, comme en 1980 et en 2010, propose notamment une ponctuation modernisée : « afin de faciliter l’accès au texte pour les lecteurs d’aujourd’hui, nous l’avons systématiquement modernisée » (p. 8). Témoignant quant à lui de préoccupations proches de celles d’Eugène Green à propos de la diction et de la déclamation du théâtre de Racine, G. Forestier rétablit la ponctuation originale (qui déterminait selon lui la diction des vers) dans un but d’authenticité. En effet, si la modernisation de l’orthographe ne constitue pas pour lui une trahison des intentions de l’auteur : « moderniser l’orthographe n’affecte en rien la lettre des textes dans la mesure où la graphie des mots n’était pas fixée à l’époque » (Pléiade, p. lix)9 ; la ponctuation revêt en revanche une importance rhétorique toute particulière. Elle remplit notamment une « fonction rythmique » (Pléiade, p. lx) : elle marque les nuances et les accentuations des mots et des syllabes, elle éclaire l’interprétation déclamatoire et théâtrale du texte. Mais elle peut aussi dérouter le lecteur contemporain. Il convient donc, selon A. Viala, J. Morel et S. Guyot, de la moderniser.Nous entrons ainsi dans l’un des débats philologiques autour de l’édition savante : faut‑il donner un texte ancien dans l’orthographe et la ponctuation de son époque ? Deux réponses différentes sont ici apportées, et la question essentielle de l’établissement du texte vient révéler encore plus profondément des divergences dans l’approche philologique de l’œuvre de Racine.

L’établissement du texte

Nous reproduisons le texte de l’édition collective de 1697, la dernière parue du vivant de Racine. Certes, Louis Racine affirme que son père n’en eut pas personnellement soin ; toutefois, une étude des variantes ayant fait apparaître que les retouches apportées en 1697 étaient assez nombreuses et importantes, et surtout qu’elles tendaient à réaliser une certaine « unification » de l’ensemble de l’œuvre, nous avons jugé qu’il pouvait être utile de proposer ici cette version du texte. (p. 7)

7C’est donc le dernier regard de Racine sur son œuvre qui s’exprime à travers ce choix d’A. Viala et S. Guyot : le texte final serait meilleur que les précédents, il consacrerait l’aboutissement d’une écriture. Or, en 1999 G. Forestier rompait « avec l’usage traditionnel qui veut qu’on établisse le texte d’un auteur à partir de la dernière édition de son œuvre parue de son vivant », (Pléiade, p. xciii-xciv). Si la dernière édition en question est donc celle retenue par A. Viala et S. Guyot, G. Forestier a privilégié les premières éditions de chacune des œuvres de Racine. En effet :

Plus que toute autre œuvre littéraire, une pièce de théâtre est au xviie siècle éprouvée sur le public avant de faire l’objet d’une édition. Ce qui signifie que le texte qui est publié sous la responsabilité de l’auteur n’est, en aucune de ses syllabes, le résultat de la négligence ou du hasard. (Pléiade, p. xciv)

8La première édition du texte a donc autant de validité philologique, si ce n’est plus, que la dernière. À cet égard, G. Forestier rappelle que le texte de Britannicus a été modifié plusieurs fois du vivant de Racine, mais

Faut-il pour autant en conclure qu’il n’y a en définitive qu’un seul Britannicus voulu par Racine, et qui serait le dernier ? (…) On peut certes juger que dans certains cas (notamment celui d’Andromaque) le texte définitif est souvent plus « parfait » que le texte initial : il est en même temps moins « vivant », tout particulièrement dans le cas de la ponctuation qui, dans la dernière édition collective, a subi des corrections allant dans le sens de la clarté de la syntaxe au détriment de sa fonction rythmique. (Pléiade, p. xcv).

9On peut comprendre cette position en la mettant en relation avec les thèses générales de la déclamation baroque que G. Forestier partage avec Eugène Green. Il faut donc à nouveau faire appel à la ponctuation. C’est-là en effet une affaire de cohérence : G. Forestier privilégie le texte initial de Britannicus car ce dernier accrédite (ou confirme) sa thèse sur la fonction rythmique, rhétorique, déclamatoire, de la ponctuation. Le texte final est plus littéraire, moins théâtral. Il concourt également à proposer une vision linguistique accréditant une épure du style racinien, caractéristique ayant longtemps été mise en avant pour justifier le classicisme de ce dernier. Le texte initial serait quant à lui plus baroque, plus porté sur les effets rhétoriques propres à la pratique déclamatoire définie par Eugène Green dans La Parole baroque10. La première édition de Britannicus serait donc plus à même de restituer l’émotion tragique voulue par le poète11.

10En somme, la politique éditoriale d’Alain Viala et Sylvaine Guyot donnerait à lire un Racine plus littéraire, un Racine classique12. A contrario, Georges Forestier proposerait un Racine plus théâtral, un Racine baroque. La divergence que l’on peut observer ici révèle quoi qu’il en soit une fracture dans l’interprétation génétique et philologique racinienne, fracture dévoilant des enjeux de réception quant au statut de l’auteur de Phèdre.

Une « nouvelle version »

11D’aucuns pourraient fustiger cette édition en la qualifiant de simple réédition mercantile et superfétatoire. Il n’en est pas ainsi. Nous avons bien affaire, non pas à une édition mise à jour, non pas à une simple refonte, mais bien à une « nouvelle version » (p. 8). Certes, des éléments ont été repris, c’est le cas notamment de la préface de 1980 écrite par J. Morel. A. Viala s’en justifie ainsi : « nous avons pensé légitime de rendre hommage à ce dernier, in memoriam, en reproduisant l’introduction qu’il avait composée à cette occasion » (p. 10). De plus, la préface en question n’est pas périmée, elle comprend notamment des réflexions sur les « Dimensions du tragique racinien » (p. 30-36) qui sont encore d’actualité. En témoigne la thèse de S. Guyot sur le corps tragique racinien (à paraître). Le dossier critique, nous l’avons dit, a également été repris. Mais venons-en aux nouveautés :

  • La bibliographie a comme de juste tenu compte des derniers travaux sur Racine, de la thèse de S. Guyot par exemple, ou encore de l’ouvrage de Mitchell Greenberg intitulé Racine. From Ancient Myth to Tragic Modernity (University of Minnesota Press, 2010). Elle ne vise cependant pas l’exhaustivité : « cette bibliographie ne peut être exhaustive tant le théâtre racinien (signe de sa place dans la culture française actuelle) génère un grand nombre d’ouvrages et d’essais » (p. 9). Le volume aurait donc été alourdi (Idem). L’édition de G. Forestier rend compte du même souci (voir Pléiade, p. 1777). Il faut donc aller consulter les bibliographies spécialisées pour accéder à un panorama complet de la critique racinienne. Le rapport au texte et le renvoi vers les principales études est ainsi privilégié. L’érudition bibliographique (sur les auteurs classiques, il y a en effet pléthore d’ouvrages) n’aurait pas rendu compte des objectifs des deux éditions critiques : faire lire Racine.

  • Les variantes sont plus abondantes que dans l’édition de 1980 et de 2010. Cela tient notamment à l’ampleur du volume (1193 pages contre 918 en 1980), mais aussi probablement à la « concurrence » de l’édition de G. Forestier, qui propose toutes les variantes. Mais il s’agit plus vraisemblablement d’éclairer le choix généralisé du dernier texte révisé par Racine13 : l’usage de variantes rend également compte du sérieux de l’édition critique, et propose ainsi plusieurs solutions au lecteur, tout en mettant en lumière le travail génétique et philologique des éditeurs.

  • L’annotation des pièces a été modifiée. A. Viala a en charge les notices de La Thébaïde, d’Alexandre le Grand, d’Andromaque, des Plaideurs, de Britannicus et de Bérénice ; S. Guyot celles de Bajazet, Mithridate, Iphigénie, Phèdre, Esther et Athalie. La répartition quantitative est donc parfaitement équitable (six pièces chacun) et chronologique. L’usage des notes de bas de page doit être explicité. Dans l’édition d’A. Viala et S. Guyot, leur nombre est limité à cinq par page. L’index nominum vient apporte l’essentiel des références mythologiques et historiques. Les notes sont donc avant tout explicatives. Elles peuvent toucher un élément d’interprétation stylistique ou de précision grammaticale, voire une proposition de commentaire d’un passage jugé complexe ou particulièrement intéressant. Les notes touchant aux références historiques et mythologiques entendent déterminer si Racine suit scrupuleusement ses sources où s’il s’en s’éloigne en les infléchissant dans un but poétique14. L’usage des notes de bas de page est donc suggestif, la politique est identique à celle de 1980 : « L’apparat critique vise une perspective documentaire, et non un commentaire esthétique ou interprétatif », (p. 8). Des pistes de lectures s’appuyant sur une érudition discrète sont proposées. Un des écueils possibles de l’édition critique est ainsi évité : noyer le texte sous l’érudition du commentaire et des explications n’est pas l’objectif d’A. Viala et S. Guyot. On touche ici à l’une des orientations actuelles de l’édition critique, promue notamment par les Classiques Garnier et les éditions Honoré Champion, voire même par la Bibliothèque de la Pléiade : l’usage raisonné de l’érudition philologique, génétique et herméneutique. La perspective pédagogique d’A. Viala et S. Guyot n’est cependant pas celle de G. Forestier. Ce dernier propose en effet une annotation plus abondante. En revanche, suivant les directives de la collection, les notes se trouvent après tous les textes, qui sont ainsi donnés à lire dans leur nudité essentielle. L’objectif des deux éditions reste de promouvoir un rapport plus direct, moins déterminé par l’éditeur, avec le texte. Les deux éditions semblent donc partager un même objectif général : il s’agit de donner à lire un Racine clair, précis et pouvant s’adresser à un public (assez) large.

  • Les notices apportent les informations essentielles à l’intellection du contexte socio-historique, personnel et esthétique de chaque pièce de Racine. On pourra éventuellement regretter que ces dernières soient lues presque exclusivement – pour ce qui est des quelques commentaires d’ordre interprétatif dont on regrette également, malgré l’optique de cette édition, la rareté – par rapport à une autre (ainsi p. 990 sur Athalie par exemple : « Le contraste est frappant avec le tragique d’Esther »). Les notices de G. Forestier situent également les pièces de la même manière, mais le commentaire herméneutique est plus riche. Il s’agit là encore de l’optique éditoriale, qui entend notamment rendre compte des dernières recherches (en 1999) philologiques, génétiques, mais aussi interprétatives. Le travail de G. Forestier est une somme, celui d’A. Viala et S. Guyot est une invitation à l’approfondissement.  

  • Le dossier intitulé « Les mises en scène modernes de Racine » vient remplacer « celui réalisé par A. Viala pour l’édition de 1980, rééd. 2010 », (p. 1143). Il comporte désormais une plus abondante mise en perspective historique et théorique (Barrault, Vilar, Barthes) de la question ainsi que des statistiques concernant les pièces les plus représentées. S. Guyot observe également trois tendances chez les metteurs en scène des cinquante dernières années : suivre la tradition classiciste, moderniser Racine en l’actualisant ou revenir à l’authenticité par ce que S. Guyot qualifie peut-être un peu rapidement d’ « effet d’étrangeté et d’archaïsme », (p. 1162) en parlant du Mithridate d’Eugène Green. L’ensemble comprend également un répertoire critique de toutes les mises en scène des douze pièces raciniennes montées depuis une cinquantaine d’années. La conclusion qualifie justement Racine de « laboratoire théâtral » (p. 1172), tout comme il fut un laboratoire critique dans les années 1960. Ailleurs, on ne trouve aucun équivalent à ce très complet dossier. Le paradoxe (l’édition proposant un Racine plus littéraire, a contrario de celle de G. Forestier, s’intéresse aux mises en scène modernes des pièces de Racine) n’est qu’apparent. A. Viala et S. Guyot nous donnent à lire, dans ce dossier et plus généralement dans leur édition critique, un Racine en mouvement, et donc une lecture basée sur la dynamique de l’interprétation et de la réinterprétation. L’édition de G. Forestier, en tant qu’elle constitue une somme, va à l’encontre de cette dynamique en délivrant, à travers une érudition critique certes maîtrisée et régulée, un bilan général des connaissances raciniennes.

  • On pourra enfin regretter l’absence de reproductions des frontispices et des pages de titre des éditions originales et/ou successives des œuvres concernées. On retrouve en effet ces documents, fondamentaux pour l’étude des relations du texte et de l’image, dans l’édition de G. Forestier.


***

12En définitive, et malgré la dynamique de l’interprétation dont nous parlions, ce travail constitue la somme du travail qu’A. Viala a mené sur Racine durant sa carrière universitaire. Ouvrages personnels ou collectifs, édition de 1980 avec J. Morel, réédition de 2010, on trouve toujours chez A. Viala le souci de réactualiser les sources et le travail d’édition et celui de poursuivre et de prolonger la réflexion critique. Cette nouvelle édition du Théâtre de Racine prend la place qui lui revient dans la très belle collection « Bibliothèque du théâtre français » dirigée par Charles Mazouer chez les Classiques Garnier. Elle nous fait lire Racine aujourd’hui avec les approches qui sont les siennes, et qui ne viennent nullement infirmer le travail de G. Forestier pour la Bibliothèque de la Pléiade. Plus qu’un complément ou qu’une édition de substitution, ce Théâtre complet publié par les Classiques Garnier s’impose comme le pendant idéal (et contradictoire sur bien des aspects) de celui de 1999 proposé par G. Forestier et la Bibliothèque de la Pléiade. À elles deux ces éditions réunissent toutes les connaissances récentes sur Racine, et elles en rendent compte de belle manière.