Acta fabula
ISSN 2115-8037

2011
Mars 2011 (volume 12, numéro 3)
Olivier Ammour-Mayeur

D’une modernité l’autre. La création littéraire vue du Japon

Jean-Jacques Origas, La Lampe d’Akutagawa. Essais sur la littérature japonaise moderne, Paris : Les Belles Lettres, coll. « Japon », 2008, 430 p., EAN 9782251722016.

1Il convient d’emblée, avant de parler de l’ouvrage lui-même, de resituer la figure de Jean‑Jacques Origas dans le panorama des études de japonologie et de la modernité littéraire. Ancien élève de l’ENS, agrégé d’allemand, c’est après avoir suivi quelques cours de japonais à l’École Normale que J.‑J. Origas décide de se tourner vers le Japon. Il part pour la première fois dans l’archipel nippon en 1961, pour un séjour de trois ans à l’Université Waseda (Tôkyô). La carrière de l’universitaire — malheureusement interrompue en 2003 — est tout entière dédiée à développer les études japonaises, alors parfaitement mineures dans les années 1960‑1970, de même qu’à soutenir leur plus grande visibilité dans le milieu universitaire français, et même à défendre une diffusion plus massive de cette culture aux multiples facettes, notamment en initiant leur diffusion dans les lycées français. C’est peu dire, donc, que le noyau dur du développement — en ses multiples avatars — de la japonologie française actuelle doit tout, ou presque, à la passion de ce chercheur pour le Japon.

2Et c’est en cela, en tout premier lieu, que La Lampe d’Akutagawa importe pour le lecteur actuel. En effet, les chapitres qui forment cet ouvrage s’avèrent en fait une collecte des articles les plus importants du chercheur quant à son domaine de recherche de prédilection : la littérature de la modernité japonaise (fin de l’ère Meiji, début de l’ère Taishô). La plupart des textes étaient en effet éparpillés dans différentes revues, pour certaines aujourd’hui épuisées, et surtout, pour la majorité des articles insérés ici, ils avaient été écrits directement en japonais et même, pour une bonne partie d’entre eux, jamais publiés en français.

3Les éditeurs de cet ouvrage posthume (Emmanuel Lozerant et Christophe Marquet) ont pris le parti de diviser l’ouvrage en cinq parties, dans l’ordre suivant : « Formes et possibilités du roman japonais moderne » ; « Masaoka Shiki, poète et prosateur » ; « Le goût de la peinture » ; « Les intellectuels et l’histoire » et, enfin, « Histoire de la littérature japonaise moderne et contemporaine ». Si cette organisation semble cohérente, le lecteur est cependant en droit de s’interroger sur certains partis pris éditoriaux. Ainsi, par exemple, pourquoi la partie « Histoire de la littérature japonaise moderne et contemporaine » n’est-elle justement pas celle qui ouvre le volume, ce qui aurait eu le mérite de remettre l’histoire littéraire récente du pays en perspective, avant d’introduire plus spécifiquement aux figures littéraires abordées dans la partie qui ouvre le volume « Formes et possibilités du roman japonais moderne », qui traverse les œuvres de Mori Ôgai, Natsume Sôseki, Tsubouchi Shôyô, Nagai Kafû et Yasunari Kawabata ?

4De même, dans l’articulation des textes entre eux, il est dommage de retrouver côte à côte les textes inédits en français de l’auteur et certains articles du Dictionnaire de littérature japonaise, dirigé par l’auteur aux PUF en 2000. Ces articles ne proposant pas d’analyses spécifiques sur les auteurs qu’ils concernent, leur adjonction à cet ouvrage n’apporte pas d’éclairage supplémentaire quant à la perspective qu’offrent les autres écrits portant sur ces auteurs. On imagine sans peine que les éditeurs ont eu pour priorité de fournir une compilation aussi exhaustive que possible des articles de leur maître, cependant, le volume aurait gagné en puissance à être élagué de ces articles, voire de certains textes dont les analyses, se recoupant fréquemment, finissent par devenir redondantes.

5Ces quelques critiques formulées, il n’en reste pas moins évident, et il faut y insister, que cet ouvrage ne se contente pas simplement de rassembler le travail d’une carrière de quarante années, car il est clair, à la lecture, que ce sont non moins des pistes pour l’avenir de la recherche, japonaise comme littéraire en général, qui s’y trouvent proposées au lecteur. Et les éditeurs en avaient bien conscience lorsqu’ils se sont lancés dans la tâche de retrouver les textes, et, pour la plupart d’entre eux, de les retraduire en français, afin de les offrir au lectorat francophone. Le livre est complété par un apparat de notes, fort utiles, ajoutées par les éditeurs afin de rendre le contexte des différents textes plus évident, et parfois même afin d’éclairer, dans les cas nécessaires, certains sous-entendus ou certaines ellipses présents dans les interventions de J.‑J. Origas. Le volume s’achève enfin sur une bibliographie complète des écrits de l’auteur, qui se clôt sur une bibliographie critique sur ce dernier.

6S’il est évident que la plupart des noms cités dans l’ouvrage de J.‑J. Origas sont familiers au lecteur francophone — sinon parce que ce dernier à eu la curiosité d’en lire certains, au moins parce que ces noms ne sont plus complètement inconnus des littéraires —, la lecture des articles proposés dans La Lampe d’Akutagawa a le mérite de mettre en lumière le fait, encore trop occulté des études littéraires en général, que beaucoup des textes cités ne sont toujours pas disponible dans la langue de Molière, alors qu’une bonne partie de ceux-ci le sont parfaitement, et ce souvent depuis longtemps, dans la langue de Shakespeare (et même d’autres langues). Ainsi, si le domaine de la philosophie reste encore par trop réfractaire aux philosophies asiatiques — toutes catégorisées de façon globalisantes sous le terme souvent évasif de « sagesses » — les écrits de J.‑J. Origas se trouvent, eux, mettre en lumière le fait que, à leur façon, la critique et la théorie littéraires occidentales ne sont pas en reste quant à leurs propres ornières.

7Ainsi, dans la première partie notamment, certains articles rappellent, à bon escient, que les écrivains japonais se sont non moins retrouvés confrontés à l’expansion de la modernité et à la croissance exponentielle des villes qu’ils fréquentaient que leurs homologues occidentaux (européens comme américains). « La “toile d’araignée” de la ville. Un aspect des premières œuvres de Sôseki » (pp. 51‑62), « Chiffres dans la nuit. La description dans le récit romanesque des lieux et des opérations de la recherche scientifique » (pp. 63‑73) et « Les couleurs et les bruits de la ville. Expérience de l’étranger et création littéraire dans le Japon de Meiji » (pp. 75‑92) s’attardent chacun à leur façon sur ces considérations et mettent parfaitement en lumière la même fascination et la même angoisse qu’ont pu provoquer des villes comme Londres, Berlin ou Tôkyô sur Ôgai, Sôseki et leurs contemporains. La reprise de « Au hasard de la lecture. Kyôto de Kawabata Yasunari » (pp. 127‑141) en conclusion de cette partie rappelle cette fascination depuis une autre mise en perspective, mais souligne surtout, de façon tout à fait salutaire — et tout en le laissant seulement poindre par une note d’édition — le fait que la littérature asiatique en général, et japonaise en particulier, se trouve être la parente pauvre de l’enseignement de la littérature générale et comparée en France, puisque Kyôto, justement, se trouve être, encore à ce jour, la seule œuvre du vaste patrimoine asiatique à avoir trouvé grâce aux yeux des programmateurs des épreuves de l’agrégation de Lettres Modernes. Et c’était en 1972.

8De même, dans une perspective proche, si une partie des romans cités au fil des pages sont aujourd’hui disponibles en français — ils ne l’étaient pas forcément au moment de la publication initiale de l’article — la marge est grande lorsque l’on s’attarde sur les œuvres théoriques. Aucun essai de Masaoka Shiki, de Mori Ôgai, de Tsubouchi Shôyô, sur la poésie japonaise ou sur le roman moderne, ne sont encore aujourd’hui accessibles en français — L’Essence du roman de Shôyô, comme La Tour de Londres, le Traité de la littérature ou Critique de la littérature de Natsume Sôseki n’ont encore trouvé grâce auprès des éditeurs français. Or, au même titre que la philosophie japonaise, ces écrits seraient certainement à même d’offrir de nouvelles potentialités théoriques dans le domaine des études littéraires en général, et pas seulement dans celui des études japonaises. Une mise en perspective avec la modernité occidentale aurait ainsi, par ailleurs, le grand mérite non seulement de relativiser ladite modernité européenne, mais surtout de montrer que chaque culture ne parvient à se développer, à proposer de nouvelles pistes culturelles « locales » qu’à partir de ce que cette culture perçoit — reçoit, comprend — des autres cultures rencontrées. Autrement dit que toute culture dite « Nationale » n’existe, ne se développe, ne s’amende, ne progresse qu’en contact (par métissage, rejet ou métamorphose) avec d’autres. Et le propos de J.‑J. Origas en la matière est d’une clarté réjouissante : pas de modernité japonaise sans apport des pratiques et théories européennes de l’époque. Mais, du même geste, pas de modernité japonaise sans réappropriation, transformation et métamorphose de ladite modernité occidentale1.

9Ainsi, l’auteur des articles n’envisage jamais une œuvre d’un auteur japonais sans en repasser par les éléments culturels européens qui ont eu un impact, direct ou indirect, sur le processus créateur de celle-ci. Ôgai, spécialiste de littérature allemande et parmi les rares polyglottes de son pays à l’époque, et Sôseki, angliciste érudit, en ont chacun proposé une facette à travers leurs œuvres ; et J.‑J. Origas, lui-même grand érudit, prenait soin de remettre tous ces détails en perspective.

10La deuxième partie, entièrement consacrée au poète et prosateur Masaoka Shiki ne manque cependant pas de remettre en perspective l’œuvre de ce génie de la langue japonaise — qui a notamment complètement rénové le genre du haïku à un moment ou ce dernier était quasi tombé en désuétude — avec celles de ses contemporains : « Une amitié : Shiki le poète et Sôseki le romancier » (pp. 149‑169) et « Ce qui est loin ce qui est proche. Le réel et sa perception chez Masaoka Shiki » (pp. 191‑205) proposent ainsi des analyses portant surtout sur les échanges littéraires intenses qui avaient lieu entre Shiki et certains de ses confrères écrivains — Sôseki en tête, qui fut l’un de ses plus proches amis. Cette partie, dans son ensemble, se concentre par ailleurs, et plus particulièrement, sur ce que les Japonais nomment les « essais au fil du pinceau » (zuihitsu), qui forment le moyeu central de la production littéraire de Shiki. Malgré les répétitions inévitables, étant donné la reprise constante des mêmes essais de l’écrivain dans cet éventail de textes, cette partie intéressera sans nul doute les chercheurs dont l’intérêt se porte plus particulièrement sur les questions de l’autobiographie, puisque le zuihitsu s’apparente à sa façon, et selon un biais un brin plus critique, au watakushi shôsestu.

11La troisième partie, quant à elle, s’attarde sur les rapprochements possibles entre littérature et art. « Le goût de la peinture » rassemble en effet trois articles qui tirent les fils de la modernité littéraire abordée dans la première partie et celle de l’autobiographie dans la deuxième, afin de leur redonner une nouvelle perspective dans la confrontation qu’ils y proposent entre image et texte. « La saveur des croquis. La conscience de la tradition artistique chez Masaoka Shiki » (pp. 247‑260) prend le parti de suivre les analyses que Shiki formule sur la pratique de la peinture japonaise classique dans ses textes « au fil du pinceau ». Notamment sur le genre du gafu. Le gafu correspond à la pratique du croquis sur le vif, un jeu d’adresse, et souvent même le prétexte d’un jeu à plusieurs mains, dans lequel deux, ou plusieurs, artistes se lancent des défis de rapidité d’exécution par dessins interposés, l’un proposant un thème à travers sa première exécution et son ou ses interlocuteurs, qui doivent alors exécuter une peinture lui faisant écho. L’auteur de l’article s’attarde donc, plus particulièrement sur l’adresse de deux peintres du xviiie siècle, Nangaku et Bunpô, auteurs du Takurabe gafu (Album de concours et d’adresse picturale) sur lequel Shiki s’est le plus attardé dans ses écrits. Afin de montrer en quoi cet art, un peu méprisé à l’époque, mériterait toute l’attention des modernes en raison de la vivacité du trait et du propos que ces productions sous-tendent.

12« Passage de la ligne. Notes sur l’émergence de l’avant-garde dans la littérature japonaise » (pp. 261‑273) noue entre elles les œuvres picturales de Takahashi Yuichi — notamment Tokuhon to sôchi (Un livre de lecture et du papier) avec certaines œuvres littéraires majeures de la modernité japonaise : Tsubouchi Shôyô et Mori Ogai. L’auteur tente dans ces pages de mettre en relief l’importance des caractères graphiques qui s’imposent en peinture, aussi bien en Occident qu’au Japon. Le Surréalisme d’une part, le Futurisme d’autre part ont ainsi eu un écho puissant sur la jeune génération des écrivains et intellectuels de l’époque. Mori Ogai est celui qui traduisit le Manifeste du Futurisme de Marietti, quelques mois seulement (1909) après la parution du texte original. En parallèle, Rodin devient un modèle dans le domaine de la sculpture, alors même qu’il n’a jamais eu de disciple japonais. C’est une première dans le domaine artistique. Les artistes japonais prennent ainsi leur distance vis-à-vis des relations fortement contraignantes du système Maître-Disciple jusque-là observé dans le pays. La ligne est franchie, donc, et les avant-gardes s’installent à tous les étages de la société culturelle japonaise.

13« Le xixe siècle français, le Japon de Meiji. Roka et Corot » (pp. 275‑281), au-delà du jeu anagrammatique et paronomastique (Corot/Roka) que laisse entendre le titre s’étend plus particulièrement sur la façon qu’a eu Tokutomi Roka de mettre au jour en quoi Corot aurait été l’un des premiers modernes français, « le père du paysage moderne en France » selon lui (cité p. 276). Et en quoi cette modernité picturale, dont il développe les principaux traits dans son article sur l’artiste français, entre en écho avec son travail littéraire, tourné vers une littérature de qualité mais ouverte au plus large public.

14Par la suite, la quatrième partie prend un peu de recul vis-à-vis des textes littéraires eux-mêmes, afin de proposer un tour d’horizon des rapports qui s’instaurent à l’époque entre « Les intellectuels et l’histoire ». Cependant, les intellectuels abordés dans ces pages étant eux-mêmes essayistes, philosophes et/ou écrivains, la question de l’écriture n’est jamais quittée des yeux par J.‑J. Origas.

15« Des intellectuels dans l’histoire du Japon moderne. Réflexion et communication » (pp. 285‑300) propose une remise en perspective de la notion d’intellectuel même depuis ses définitions dans les langues françaises et japonaises. Il s’avère, en effet, que cette notion ne peut pas se traduire de façon univoque en japonais classique. La multiplication des traductions possible dans cette langue ouvre ainsi un espace d’interprétation tout à fait salutaire pour l’appréhension que peuvent en avoir les francophones. Plusieurs figures essentielles d’intellectuels de l’ère Meiji se trouvent alors convoquées sous la plume de J.‑J. Origas afin de mettre leurs œuvres en perspective et de mettre en relief la véritable ardeur de toute une nouvelle génération désireuse de voir son pays se développer et progresser dans tous les domaines intellectuels et techniques qui avaient été jusque-là — en raison de la fermeture quasi complète du pays pendant plusieurs siècles — complètement méprisés par le pouvoir. Ce sont ici les figures incontournables de Fukuzawa Yukichi, Nishi Amane et Nakae Chômin qui sont mises en avant. À charge au lecteur curieux de ce compte rendu d’aller voir de plus près qui sont ces figures essentielles de la modernisation japonaise.

16Le chapitre suivant, « L’enfer en cette vie ; et puis la fleur. Littérature et religion dans la prose de l’ère Meiji » (pp. 301‑316), forme à vrai dire un ensemble à part, car il est le seul à s’attarder sur l’influence des religions (chrétienne, bouddhiste et shinto) sur l’élaboration littéraire des œuvres de la modernité. Que ces religions soient embrassées ou rejetées par les auteurs convoqués par le chercheur. Cependant, les mêmes figures, abordées dans le chapitre qui précède, s’y trouvent remises en jeu selon un nouveau biais, et en lien avec d’autres intellectuels non moins importants de l’époque. Il s’agit là davantage de Shimazaki Tôson, de Katô Hiroyuki, de Uemura Masahisa, ou encore de Kiyozawa Manshi, entre autres noms.

17« Dissolution du temps, cristallisation du temps. Considération sur La Nature et la vie humaine de Tokutomi Roka » (p. 317‑324), prend le parti de traverser non seulement l’ouvrage de Roka évoqué dans le titre du chapitre, mais, bien davantage de suivre aussi la progression des principes défendus par Roka au fil de ses œuvres. À partir de cet élément, ce sont les notions très précises de « dilatation de l’instant et dissolution du temps », et de « cristallisation du temps » qui sont analysées par J.‑J. Origas, qui représentent à ses yeux les mouvements que l’écriture de l’intellectuel japonais confère à l’ensemble des textes rassemblés sous le titre La Nature et la vie humaine. Chaque partie de l’ouvrage se voit ainsi inscrite sous les auspices d’une vision neuve, pour l’époque, de la temporalité. Les minutes et les secondes — dont les notions mêmes sont établies dans les prémices de la modernisation japonaise, puisque le temps était découpé selon d’autres modes auparavant — prennent ainsi une ampleur singulière sous la plume de l’auteur, qui entend bien faire porter ces notions nouvelles de régie du temps à leurs conséquences.

18« Yanagi Sôetsu : les mots, les images et la terre. Un itinéraire entre la littérature et les arts » (p. 325‑333) referme, lui, le cercle des deux parties qui viennent d’être évoquées, puisque le texte retraverse le parcours singulier de Sôetsu, ardent défenseur de l’art populaire — mingei — et instigateur de la création du musée des arts populaires ouvert sous sa direction au milieu des années 1930. Cet article clôt, pout ainsi dire, la réflexion sur les relations entre écriture et peinture, puisque Sôetsu et lui-même l’auteur de plusieurs traités et essais d’esthétiques liant la question des arts visuels à celle de la religion bouddhique. Là encore, J.‑J. Origas pointe un manque cruel dans le domaine de l’esthétique, qui pourrait permettre de mieux saisir les pratiques artistiques japonaises depuis les arts traditionnels jusqu’aux Beaux-Arts développés dans la foulée de la modernité de l’ère Meiji. On ne relèvera ici que deux titres donnés par le japonologue et qui mériteraient d’être traduits en français : Le Portail de la beauté selon l’esprit de la loi (Bi no hômon) et La Terre pure de la beauté (Bi no jôdo).

19Enfin, la dernière partie, offre un panorama synthétique utile de la littérature japonaise depuis « La littérature moderne (1885‑1992) » (pp. 337‑353), jusqu’au « Sillage du temps. Formes et possibilités du roman dans le Japon contemporain (1967‑1994) » (pp. 383‑393). Les cinq textes proposés selon une visée chronologique ici, offrent ainsi une périodisation efficace de la production littéraire et de ses métamorphoses ; on passe ainsi de la synthèse générale du premier article à « De l’avant-garde à la répression (1925‑1945) » (pp. 355‑359), avant de s’attarder « Dans la lumière des jours ordinaires. Histoire et roman de l’après-guerre » (pp. 361‑374), et d’aborder les « Orientations du roman contemporain (1955‑1987) » (pp. 375‑381).

20Pour finir, le livre se referme sur l’un des derniers textes écrits par Jean‑Jacques Origas et qui est consacré à « La mémoire des salles obscures », dans lequel le critique revient sur ses souvenirs de jeune cinéphile de la fin des années cinquante, dévoreur de pellicule, et qui, de rétrospective de films en découvertes inattendues de perles cinématographiques « égarées », commençait à se former un bagage culturel japonais précédant son départ pour le pays qui le fascinait déjà.

21Ce texte fait ainsi boucle avec l’un des thèmes récurrents que l’auteur avait privilégiés tout au long de sa carrière, puisqu’il met en relief le point de vue autobiographique, mais aussi avec le texte introducteur de l’ouvrage — qui lui donne son titre — puisque cette « mémoire des salles obscures », écrite sur la fin de la vie de l’auteur, fait référence à une période en fait antérieure à celle évoquée dans « La lampe d’Akutagawa ». En somme, c’est un peu comme si les éditeurs du volume avaient tenté, par-là même, d’offrir à leur maître une sorte de jeunesse éternelle et cyclique : tel le phénix renaissant indéfiniment de ses cendres. À n’en pas douter, ce livre d’hommage rend à son auteur la juste part de sa valeur d’enseignant et de chercheur, et sur ce point, et malgré les quelques critiques formulées ici en préambule, le pari du livre est tenu.