Acta fabula
ISSN 2115-8037

2010
Mars 2010 (volume 11, numéro 3)
Doriane Bier

Rimbaud ou le défigement rêvé

Laurent Zimmermann, Rimbaud ou la dispersion, Nantes : Éditions Cécile Defaut, 2009, 160 p., EAN 9782350180854.

1À l’image de la fumée légère qui s’élève au-dessus de l’adolescent rêveur dans le croquis de Verlaine reproduit en couverture du livre, Laurent Zimmermann nous offre de Rimbaud un portrait tout en nuances, loin des clichés du poète-voyou à la brutalité provocatrice. Rimbaud ou la dispersion est un plaidoyer pour un Rimbaud de la délicatesse, en quête d’une beauté libérée du souci de la perfection ; un Rimbaud de l’effacement, de la dissolution du sujet — pré-symboliste, au-delà de sa seule période des Vers nouveaux et chansons dont Verlaine vante la ténuité, le flou, le son grêle et fluet.

2L. Zimmermann, auteur de La littérature et l’ivresse — livre dans lequel la notion de dispersion joue un rôle central, propose à travers ce nouvel ouvrage un angle original sous lequel relire l’œuvre du turbulent poète. Au milieu de l’immense bibliographie critique rimbaldienne, des nombreux et savants commentaires, des querelles d’écoles et de méthodes herméneutiques, l’auteur sait trouver une voix singulière, délibérément « mineure » et non totalisante, sans ignorer pour autant les grandes références critiques du rimbaldisme.

3Sans souci d’exhaustivité, ce recueil se donne pour projet de « jeter un éclairage, le plus intense possible » (p .9) sur la dispersion à l’œuvre dans l’œuvre (ou la non-œuvre) rimbaldienne, à travers le parcours de quelques exemples desquels se dégage un mouvement commun. La dispersion est ici à envisager autant comme méthode que comme objet : traquée dans les textes comme une voie poétique, une stratégie imputée à Rimbaud, cette dispersion est reprise à son compte par le critique pour devenir un prisme, un tamis de lecture. Aussi l’écriture de cet essai se fait-elle poétique et dérivante, au carrefour de la philosophie, de l’essai et de l’analyse littéraire.

4C’est de cette position inventive et mouvante que L. Zimmermann ose (re)poser la question, cruciale chez Rimbaud (mais peut-être essentielle à l’activité poétique elle-même, dont Rimbaud serait le parangon) du rapport entre l’œuvre et la vie, en des termes non conflictuels. Par son exhortation à garder à la poésie toute sa force d’ébranlement, de « mouvement » (une notion bien rimbaldienne), en un mot son effet, afin que le texte ne reste pas lettre morte, Rimbaud ou la dispersion se propose comme un manifeste en faveur d’une conception non patrimoniale de la poésie. La thèse proposée est qu’une force dispersive constitue l’œuvre, qui est « une partie, et une partie importante, de ce qu[e Rimbaud] cherchait à inventer » (p. 10), lui qui attendait de la poésie un défigement qui la maintienne ouverte sur la vie. À cette fin Rimbaud met en œuvre, selon L. Zimmermann, une véritable « méthode » pour préserver « le heurt et la multiplicité du réel, sa dispersion que la poésie ne doit pas ordonner mais faire résonner » (p. 11).

5En miroir, l’analyste se devra d’accueillir cette ouverture sans céder à la tentation de refuser de penser le sens des textes pour leur conserver cette force dispersive (peut-être l’auteur a-t-il en tête la célèbre non-lecture des Illuminations par Todorov) ; ni à celle, inverse (et plus fréquente) de produire un excès de sens, de gloser, de traduire Rimbaud — en rêvant d’en livrer les « clefs ». Or, dans la perspective de l’auteur, aucune étude (sauf strictement formelle) à prétention exhaustive ne saurait être valable, au contraire : « ne serait vraiment acceptable qu’une analyse qui ne rende pas compte de tout » (p. 14). La gageure consiste donc à protéger l’œuvre des « atteintes » du discours, tout en en disant quelque chose.

6C’est ce que se propose cet essai en trois chapitres, dont le premier observe le travail du « rien » dans « Sensation », et ses prolongements à travers « Aube », « Jeunesse IV », « Barbare », « Génie », dégageant ainsi les traits d’une poétique générale, transversale, depuis les Poésies jusqu’aux Illuminations. Le deuxième chapitre se concentre sur un texte, moment fondateur et canonique, le « Bateau ivre », et ses péritextes, ces résurgences que constituent dans les Derniers vers « Comédie de la soif » et « Michel et Christine ». Enfin, le troisième chapitre étudie Matinée d’ivresse dans son rapport aux paradis artificiels baudelairiens, pour déterminer la singularité de la poétique rimbaldienne de l’ivresse.

7À rebours de l’image de Rimbaud comme d’un poète de la démesure, de l’hybris,  Rimbaud ou la dispersion s’ouvre sur le travail du « rien » au sein des textes. Le livre nous y fait entrer par le détour d’un petit épisode de fiction biographique, mettant en scène Rimbaud en partance, avec son « rien » pour bagage, ce baluchon de bohémien, de voyageur aimanté par l’inconnu, à l’instant décisif où tourner le dos à l’écriture.

8C’est comme si ce geste du départ, de l’anticipation, ce désir d’à-venir avait déjà toujours été là, lisible au cœur des textes — et ce dès l’un des tout premiers poèmes, le célèbre « Sensation », où « rien » rime avec « bohémien » ; la sensation est anticipée, paradoxale (« je ne parlerai pas, je ne penserai rien »), c’est une jouissance goûtée au présent pour sa pure virtualité. Le désir y est tout entier préservé en tant que désir, en tant que tension, dans l’instant — c’est en cela que « Sensation » offre un modèle d’être-poétique-au-monde, que le critique rapproche de la belle définition de René Char selon laquelle le poème est l’amour réalisé du « désir demeuré désir ». Ainsi dès la poétique rimbaldienne la plus précoce s’affirme l’importance de « l’événement demeuré événement », ou du simple « événement de l’événement », qui n’est que « devenir, mouvement,  rapport » (p. 29-30).

9Pour L. Zimmermann, Rimbaud se démarque donc du « parcours attendu du côté du rien », entendons, de la blancheur mallarméenne. En effet, il ne s’agit pas d’« un rien de l’absence de tous bouquets », essentiel au langage, mais d’« un rien qui se crée au cœur du tout pour à son tour devenir générateur », d’un rien en tension dialectique avec la profusion, qui a donc quelque chose d’un geste de « table rase », force de négation (brutale) orientée vers la recherche de « la nouvelle harmonie ». Cette poétique du rien, de la mise en mouvement, se prolonge dans les Illuminations, et L. Zimmermann en suit le fil à travers la lecture de quatre poèmes : « Aube », « Jeunesse IV », « Barbare », et « Génie ».

10« Aube », autre poème-phare rimbaldien, peut être rapproché de « Sensation » par le rôle qu’y joue un « rien » quasi-inaugural (« Rien ne bougeait encore au front des palais »), un calme, une disposition qui constitue la condition de l’événement poétique. La portée métapoétique du poème est renforcée par l’anagramme que constitue le titre — « Aube » pouvant en effet se lire comme le bouleversement du « Beau » — nous ramenant à l’enjeu qu’a établi Une saison en enfer : savoir saluer la beauté, après l’avoir bousculée, injuriée (« Cela s’est passé. Je sais aujourd’hui saluer la beauté »). L. Zimmermann donne de cette citation une interprétation univoque — « saluer la beauté » comme marque de respect, alors qu’on a pu aussi y lire un congé donné ; mais dans la perspective de cet essai, il s’agit de toute façon pour Rimbaud d’apprendre ultimement à défiger le beau, après l’avoir dans un premier temps violemment bafoué, afin d’accepter « la beauté alors, mais avec la frange déchirée qui marque son existence d’événement » (p. 36). En effet, contrairement au Baudelaire du poème « La Beauté » (« Je hais le mouvement qui déplace les lignes »), « le poète des Illuminations travaille dans le sens d’une beauté en mouvement, d’une beauté inachevée, dégagée du rêve de la clôture et de l’immobilité » (p. 45).

11La définition du concept central de l’ouvrage, la « dispersion », se précise alors : elle est du « rien » avec du tout, elle est le mouvement produit par cette alchimie des contraires. Dans cette dialectique, la dispersion vise à « laisser la place vacante pour l’événement », qui est non pas ce qui a lieu avec le poème, mais « ce que le poème appelle, ce dont il permet le surgissement ». La dispersion est « cette tension, cette dialectique violente qui ouvre la trajectoire poétique » (p. 45). L’auteur montre ainsi comment ce mouvement travaille la conclusion de « Jeunesse », et surtout le poème « Barbare », qui offre une association insistante de l’existence profuse avec l’affirmation d’inexistence, par l’image des « fleurs arctiques » dont la possibilité est aussitôt annihilée (« elles n’existent pas ») — plus absentes encore que la fleur mallarméenne.

12En reprenant le terme de Steve Murphy, L. Zimmermann voit en la dispersion une « stratégie » rimbaldienne dont il distingue trois modes d’expression :

13- le déplacement interne, qui consiste à ne jamais figer une forme poétique — sur ce plan on trouve en effet une grande diversité dans l’œuvre ;

14- des dispositifs de dispersion : l’œuvre de Rimbaud ne se donne pas sous une forme constituée ou unifiée (malgré des regroupements opérés par l’auteur, des projets, et la publication d’Une saison en enfer), elle nous est parvenue « à l’état dérivant » ;

15- des manières d’ouvrir le sens, de cultiver l’ambiguïté, contre toute univocité — ce qui invalide d’avance les lectures « à clés ». Cette caractéristique d’écriture est particulièrement flagrante dans Illuminations.

16C’est par tous ces procédés que la beauté même sera sujette à dispersion, qu’elle naîtra de sa propre mise en mouvement.

17L. Zimmermann se penche enfin sur le poème « Génie », qui « peut être lu comme le résumé des attentes de Rimbaud par rapport à la poésie » (p. 46) — et à la vie tout autant, pourrait-on ajouter dans la perspective de l’auteur. Le poème se clôt sur une exigence éthique, une exhortation (très oratoire), à savoir « renvoyer » le génie tout en le suivant partiellement par les éléments de son corps. Aussi l’espace et le mouvement de l’écriture s’ouvrent-ils à des problématiques existentielles : l’action du poème consiste à « déchirer le rideau de figement qui empêche l’existence de rester ouverte à l’événement », « le déchirement devant toujours être recommencé » (p. 47). Violence et douceur se conjuguent en ce geste, de même que les « Douceurs ! » hyperboliques du poème « Barbare » en compensent le titre et la « viande saignante ». La violence s’associe à un désir de construire, la dialectique est alimentée par un appel à la délicatesse — et c’est bien encore la beauté, in fine, qui est visée ; élan que l’on pourrait résumer dans cet appel de « Génie » : « Le dégagement rêvé, le brisement de la grâce croisée de violence nouvelle ! ».

18Au stade des Illuminations, il ne s’agit donc plus de « fixer des vertiges » (tentative qu’« Alchimie du verbe » a récusée ironiquement) mais de laisser le vertige agir en tant que tel : si nous le reformulions en termes deleuziens, d’attendre non le possible (le calculable) mais le virtuel, le surgissement de l’événement. La poésie pourrait alors trouver son modèle idéal dans les arts du temps, de la performance, danse ou musique, tout entiers du côté de l’effacement, de l’éphémère, telles « votre danse et votre voix — non fixées » du poème « Sonnet ».

19Espoir et force de dispersion, de défigement revêtent ici un pouvoir sur la vie, acquièrent une dimension éthique — dans la lignée des propositions d’Yves Bonnefoy ; cette exigence imputée à Rimbaud est donc à reprendre à notre compte dans notre attitude de lecteur, afin de conserver à l’œuvre toute sa force, de ne pas figer le discours ou l’analyse. C’est cette méthode paradoxale que fait sienne L. Zimmermann et dont il livre une application dans cet essai sur le thème même de la dispersion.

20Dans le chapitre central, l’auteur propose de suivre la dispersion à partir d’un poème où on ne l’attendait pas : le « Bateau ivre », chef d’œuvre composé par Rimbaud à l’attention des cercles littéraires parisiens, monument au grand souffle oratoire, est apparemment loin d’une esthétique de la dispersion ou de la ténuité. Il s’agit bien plutôt d’un exemple typique de la poétique de l’excès du premier Rimbaud : mais la fin du poème met en scène un effondrement de l’expérience, de la traversée, une déception, et un désir de dispersion dans le souhait « que ma quille éclate », accompagné de l’apparition d’une figure inédite : un petit papillon, qui ne fera retour qu’une seule fois dans l’œuvre rimbaldienne, dans « Comédie de la soif », au pluriel (« les derniers papillons »).

21Or il y a un rapport thématique évident entre les deux poèmes, que l’auteur de La littérature et l’ivresse ne manque pas de souligner, puisque le champ de l’ivresse, de la soif, le vocabulaire des boissons et du liquide sont convoqués. Au-delà de ces points communs lexicaux, L. Zimmermann montre une série de traits qui dénotent une résurgence du « Bateau ivre » au sein d’un poème à la configuration bien différente (la « Comédie » étant un dispositif au modèle théâtral, polyphonique, irrégulier de forme, ironique de ton…). « Comédie de la soif » se donne donc à lire comme une reprise-réinvention de ce qu’initiait le « Bateau ivre ».

22Un autre poème rarement commenté en prolonge la teneur, présentant de grandes similitudes avec la « Comédie » : « Michel et Christine », au titre de vaudeville. Pierre-Jean Jouve en a proposé une traduction historiciste, y lisant une allégorie de la guerre franco-allemande ; pour Pierre Brunel, « Michel et Christine » constitue surtout une satire du genre de l’Idylle ; sans contester ces éléments, L. Zimmermann remet en question le bien-fondé des méthodes de lecture totalisantes, en posant la question du sens : faut-il postuler un schéma organiciste par lequel sont disposés les éléments, aussi obscurs soient-ils (sous-entendu, comme on le postule dans toute « explication » de texte) ? Ou bien cette âpreté du texte n’est-elle pas précisément la chance de lui conserver sa force dispersive par-delà les lectures analytiques possibles ? Sans prétendre en livrer une lecture exhaustive, l’auteur propose ensuite de lier un certain nombre de traits de ce poème au « Bateau ivre », selon la même démarche qui l’a conduit à examiner « Comédie de la soif ». Au terme de ces rapprochements, l’auteur lit en « Michel et Christine » une pratique de montage généralisé : vaudeville, auto-référence au « Bateau ivre », satire de l’idylle s’y conjuguent.

23Pour L. Zimmermann, ce sont non seulement ces renvois internes qui témoignent de ce que l’œuvre rimbaldienne est vivante, mais aussi les répercussions qu’elle peut avoir sur celles qui la suivent (au-delà des strictes questions de réception, d’histoire littéraire). Cette perspective l’amène à prendre en considération, dans son étude du sillage du « Bateau ivre », le poème « Forme » de Michel Deguy (dans Gisants, Poèmes III), qui poursuit la trajectoire du navire rimbaldien en opérant une déformation (présumée volontaire) de « Ô que ma quille éclate ! Ô que j’aille à la mer ! » en : « Oh que ma quille éclate Oh que j’aille à la mer ». Le critique montre aussi comment la reprise du mot « lames », qui désignait la mer dans le poème rimbaldien, pour ici décrire la coque du bateau, vient brouiller, perturber la déclaration de principe que posait le poème deguyen (importance de la distinction entre forme et contenu). Ainsi s’éclaire le sens du travestissement de la citation de Rimbaud, qui contribue à mettre en jeu, en scène, ce conflit et, « la forme et la fixité étant posées, [propose] une lutte intense et incessante contre elles, pour que toujours le défigement reprenne le dessus ». Le poème « Forme » de Michel Deguy serait alors une sorte de parabole de ce « mouvement continué de l’ouverture » que réclame la poésie, « faisant de cette continuité ce que propose la poésie » (p.105).

24L'auteur de La littérature et l'ivresse s'attache enfin à recenser les différentes lectures qui ont été proposées de la longue illumination Matinée d’ivresse, pour remettre en contexte la réception de ce poème et en proposer à son tour une lecture dynamique — non pas « explication de texte » close mais examen au prisme de la dispersion.

25Cette illumination entretient un lien au Baudelaire des Paradis artificiels, et au genre du compte-rendu d'expérience de prise de drogues (tel le Club des Haschischins de Gautier) ou d'ivresse alcoolisée. L'une ou l'autre substance joue un rôle plus ou moins important selon les divers commentateurs dont L. Zimmermann retrace le point de vue (Y. Bonnefoy, A. Guyaux, V. Nahoum-Grappe, P. Brunel) ; ou bien au contraire, le référent psychotrope est à écarter (B. Claisse) au profit d’une lecture allégorique, nietzschéenne. Ces thèses s’opposent sur le fond mais se rejoignent sur la forme en ce qu'elles postulent qu’une lecture univoque, cohérente du poème est possible, alors que pour Laurent Zimmermann, l’indétermination (renforcée par la confusion des temps à l’intérieur du poème) « est volontaire, et doit être lue comme telle » (p.117).

26L’auteur propose donc un examen du rapport de Rimbaud à Baudelaire à travers la figure de l’enfant qui s'enivre dans « Bénédiction » et qu'on retrouve au pluriel dans le poème de Rimbaud (« sous les rires des enfants »), rendant le sujet singulier traversé de multiplicité. Or chez le Baudelaire des Paradis artificiels, l'expérience de la drogue provoque une angoisse de la dispersion — tandis que Rimbaud cherche à « atteindre la pluralité et la dispersion », la « déformation ». Il faut donc voir dans « Matinée d’ivresse » un hommage paradoxal, une référence au maître en même temps qu'une façon de s'en démarquer — de même que dans la « Lettre du Voyant » Rimbaud loue Baudelaire (un « vrai dieu ») et l’attaque simultanément sur le terrain de la forme, qu'il juge « mesquine ». Pour L. Zimmermann, « Rimbaud n’aura donc pas recherché la stabilité d’un moi émerveillé, mais l’émerveillement dans l’absence de stabilité » (p. 129), et marque ce faisant un changement dans le genre du récit d’expérience d’ivresse : le poème de Rimbaud ne se fixe pas dans la logique du compte-rendu puisque la condition préalable, le soi, le « sujet possible de l’expérience », se dissout. L’auteur ne dit pas s’il faut voir en ce trait rimbaldien un effacement proche de la dépersonnalisation verlainienne, mallarméenne ou symboliste.

27Au geste unique de Rimbaud — « avoir refusé soudain l’écriture et l’ensemble de la vie littéraire », résiste l’œuvre elle-même, cette magnifique rémanence : Laurent Zimmermann propose de lire ces deux versants opposés ensemble, et de voir en cette « volonté de dépassement de la poésie » son accomplissement, puisque « ce qu’il s’agissait de réaliser pour Rimbaud consistait à mettre en œuvre, et à penser en même temps, le mouvement de dispersion, de déchirement du poème en direction du réel. » (p. 136)

28Par fidélité à cette éthique rimbaldienne, il nous faut donc « essayer d’inventer les moyens de lire Rimbaud en continuant à être dérouté par ce qu’il propose » (p. 137). C’est là le défi que relève Laurent Zimmermann en cette année où Rimbaud a fait son entrée au programme de l'Agrégation, en nous proposant un mode de lecture qui tienne de l'anti-explication de texte, rejoignant ainsi l’injonction baudelairienne : « Enivrez-vous ! »