Acta fabula
ISSN 2115-8037

2009
Août-Septembre 2009 (volume 10, numéro 7)

1Publié en 2008, cet ouvrage est le fruit d’un colloque qui datait de 2003. Le décalage est long mais il valait la peine de persévérer à donner une seconde vie à des interventions diversifiées et riches. Pour les apprécier, le lecteur devra néanmoins faire fi d’une certaine perplexité qui ne le quittera pas tout au long de l’ouvrage. D’abord, curieusement l’introduction n’est signée que de Philippe Régnier alors que la couverture annonce une direction tricéphale (avec Jean-Yves Mollier et Alain Vaillant). Introduction qui est d’ailleurs un petit peu décevante dans la mesure où elle aurait pu mener à une synthèse plus ambitieuse, notamment à propos de « l’immatérialité » dont il est ici question et qui demeure vague dans ses tenants et aboutissants. Il s’agit donc essentiellement de s’interroger sur le XIXe siècle comme moment capital où « la culture devient une production » (p. 11). Mais précisément — autre perplexité — il ressort finalement du terme « immatériel » qu’il est grosso modo à prendre comme un synonyme de « culture » (comme le prouve le sous-titre de l’ouvrage). Cette extrême plasticité du terme explique le caractère quelque peu décousu de l’ouvrage : s’il entend bien interroger la production culturelle au XIXe siècle, il lui manque indéniablement une direction générale claire. C’est souvent le lot des actes de colloques, mais dans le cas présent la variété des contributions (30 articles) et surtout les ruptures de ton et d’orientations sont parfois très profondes. La faute en est décidément à ce terme pourtant prometteur d’« immatériel », qui a manifestement donné lieu à toutes sortes d’adaptations et de reprises métaphoriques, à tel point que le lecteur se demande à plusieurs moments s’il s’agit bien des actes du même colloque qu’il a sous les yeux…

2Cela dit, il reste que le contexte général qui est celui du siècle de la naissance de la culture médiatique, de la production de masse des « biens symboliques » (Bourdieu), de leur diffusion et de leur consommation, tout cela mérite évidemment attention, ainsi que l’analyse des multiples répercussions — économiques, législatives, poétiques, etc. — qui en découlent. Telle est la trame essentielle de l’ouvrage, qui s’ouvre sur une première grande partie, intitulée « L’appareil institutionnel et le marché », regroupant la moitié des contributions.

3Le premier chapitre fait le point sur « Les politiques publiques et le cadre juridique » dans la production culturelle. Françoise Mélonio résume les politiques culturelles libérales dans la première moitié du siècle, non sans appeler les historiens à réévaluer la place des institutions dans le développement de la culture au XIXe siècle, place souvent exagérée. L’État va ainsi, sans promouvoir une esthétique officielle ni prétendre s’imposer à la raison de l’individu, valoriser ce que l’on n’appelle pas encore le patrimoine mémoriel (la conservation des monuments par exemple), ainsi que la pratique de la littérature et de la critique. Fr. Mélonio insiste également sur la mise en place d’une action pédagogique orbitant autour de l’histoire aux fins de nationalisation de la culture. Marie-Claire Chaudonneret résume pour sa part la situation de l’institution muséale au XIXe siècle; le propos est net mais manque de problématique et de développement. Alain Vaillant quant à lui propose un panorama de la législation sur la « propriété littéraire », laquelle s’est imposée avec force au moment de la naissance de la culture médiatique. Au moment où les œuvres de l’esprit peuvent être multipliées et distribuées massivement, on s’est inquiété de la toute puissance des lois du marché. Un consensus s’est donc imposé, celui de la nécessité que l’État assure la protection des œuvres et de leurs auteurs, mais il a fallu beaucoup de temps pour s’entendre sur la manière d’instaurer les mécanismes de protection. A. Vaillant résume ainsi d’une manière limpide les différents aléas des débats qui vont traverser le siècle et ne s’apaiser qu’avec les lois de la Quatrième République sur la propriété littéraire. Finalement, ce premier chapitre se referme sur l’intervention de Jean-Claude Yon, qui se propose de faire le point sur la législation des théâtres, d’un Empire à l’autre (1807-1864), période sur laquelle règne le système du privilège, diversement appliqué et interprété selon les régimes politiques. On se rend bien compte à quel point le système a varié, entre le contrôle drastique de la période napoléonienne et le libéralisme de la monarchie de Juillet. Sous le Second Empire le système se désagrège progressivement jusqu’au décret de 1864 sur la « liberté des théâtres ». En conclusion, J.-Cl. Yon pose l’hypothèse fascinante que le privilège aurait influencé la poétique du théâtre en forçant « auteurs, directeurs et acteurs à adopter des stratégies de contournement », avec pour résultat notable le « “métissage des genres” qui est la grande évolution littéraire de l’histoire du théâtre au XIXe siècle » (p. 73). Que l’on me permette de suggérer que cette conclusion se situait davantage dans la réflexion de l’ouvrage sur la « production de l’immatériel » que le corps de l’article.

4Le deuxième chapitre porte sur la « Circulation de l’immatériel ». La contribution de Jean-Yves Mollier, portant sur « Le marché du livre en Europe », montre l’ampleur de la diffusion, de la production et de la circulation du livre (et l’on notera en passant que le terme d’immatériel est ici bien peu adapté). J.-Y. Mollier reprend la thèse qui est la sienne depuis un bon moment et dont on ne peut être que convaincu : le livre est, avec le périodique, l’objet phare de la culture médiatique, et tout particulièrement le livre scolaire, qui pénètre en masse dans la vie quotidienne des petits Européens. À la veille de la Première Guerre mondiale, la France et les grandes nations occidentales sont déjà entrées dans la culture de masse. La contribution suivante, d’Anthony Glinoer, est intéressante mais mal située dans ce chapitre sur la « circulation »; elle aurait été beaucoup plus à sa place quelque part dans la deuxième partie sur les « Stratégies littéraires et artistiques ». Après avoir rappelé la stratégie éditoriale de Ladvocat, figure essentielle de l’édition romantique, A. Glinoer s’attarde à cette œuvre collective qu’est le Livre des Cent et un, offert au début des années 1830 par un ensemble d’écrivains (plus de 160) au libraire-éditeur alors en difficulté financière. A. Glinoer voit dans cette initiative le résultat d’une prise de conscience par les écrivains du pouvoir qu’ils ont, collectivement, de définir partiellement les normes et valeurs du champ littéraire en voie d’autonomisation. Hypothèse renforcée, pointe avec justesse A. Glinoer, par la forte présence, au sein de l’œuvre, d’articles d’« auto-socioanalyse » d’écrivains qui explorent les milieux littéraires, les sociabilités d’écrivains, les institutions. Dans une belle contribution, Christine Lombez met le doigt sur un champ relativement en friche, celui des transferts culturels au XIXe siècle issus de la traduction littéraire. La contribution de Chr. Lombez laisse entrevoir le vertigineux programme qui consisterait à exhumer les réseaux de traducteurs, les pratiques de traduction, la circulation des corpus, etc., à travers l’ensemble de l’Europe. Cet article voisine fort judicieusement avec le suivant, celui de Diana Cooper-Richet consacré à la présence de la presse britannique en France et à la publication, à Paris, de journaux en anglais. L’article fourmille d’indications utiles et dresse un portrait très complet d’une presse qui s’avère variée, mélangeant propos originaux et articles recyclés venus de Grande-Bretagne. Puis D. Cooper-Richet retourne le miroir et s’intéresse aux cas, plus rares, de journaux français consacrés à l’Angleterre — telle la Revue Britannique dont la longévité est étonnante (1825-1901). Enfin, elle s’intéresse pour conclure aux cas de transferts de modèles médiatiques, d’imaginaires et d’œuvres de la Grande-Bretagne vers la France : c’est le cas du genre de la revue, c’est le cas de ces immenses succès que sont Byron ou Walter Scott, c’est le cas d’une certaine image, industrieuse et sérieuse, qui s’impose de la Grande-Bretagne en France. Autant de transferts culturels qui ont la presse pour support. Le second chapitre se referme sur une contribution qui est l’une des plus originales du livre, celle de Dominique Pety consacrée à la collection. Si la collection est le rassemblement on ne peut plus « matériel » d’objets, le XIXe siècle va développer toutes sortes d’appréciations et de stratégies qui contribuent à ramener la collection vers une certaine immatérialité plus valorisée : la singularité de la collection par exemple, trahissant l’activité intellectuelle singulière qui lui a donné forme. Le collectionneur pourrait bien incarner d’une manière particulièrement significative la grande ambivalence des producteurs d’immatériel au XIXe siècle, acteurs d’un vaste marché curieusement fondé sur le déni constant de l’importance de l’argent. De même la collection pourra trouver son salut — toujours ambigu, exigeant simultanément le rachat symbolique par le maintien de « la jouissance singulière de l’esthète » (p. 145) — dans son utilité pédagogique ou encore par le savoir historique qu’elle apporte. Il y a là quelques idées fortes sur les ambivalences de la culture au XIXe siècle.

5Dans le troisième chapitre, intitulé « Critiques », Laurent Fedi fait le point sur trois penseurs sociaux du premier XIXe siècle, Fourier, Comte et Proudhon, afin de montrer comment ceux-ci réfléchissent au problème de la rétribution des œuvres de l’esprit. La question est bien entendu cruciale au moment de la naissance de la réflexion moderne sur le social, à laquelle les trois penseurs français ont largement contribué. Cet article a quelques parentés avec le suivant. Corinne Saminadayar-Perrin fait le point sur l’entreprise de « démystification ironique » (p. 166) menée par Jules Vallès, tributaire des conditions matérielles et économiques du travail littéraire en contexte médiatique, conditions qui sont le plus souvent dissimulées derrière des discours-écrans (l’Art, le Génie…) que l’auteur des Réfractaires cherche à percer. La brève intervention suivante, celle de Yoan Vérilhac, fait le point sur la critique dans les petites revues fin de siècle et la construction imaginaire du public qui s’en dégage, mais on a peine à voir le lien entre sa contribution et l’orientation générale de l’ouvrage. Denis Pernot enfin propose une synthèse des critiques qui sont adressées autour de 1900 à la littérature universitaire et scolaire, cause et conséquence de la grande machine éducative, véritable « usine intellectuelle ». Prise en tenaille par une culture médiatique et une éducation mécanisée et répétitive, la jeunesse française est menacée par l’uniformisation culturelle. Ayant le modèle de la récitation en toile de fond, la crainte est celle d’une standardisation du savoir dans laquelle risque de se fondre toutes les originalités, les voix propres de l’auteur et les libertés du lecteur. C’est sur cette contribution que se referme la première partie, laquelle est donc fort instructive mais assez hétéroclite.

6La deuxième partie, intitulée « Stratégies littéraires et artistiques » s’ouvre sur le quatrième chapitre consacré aux « Ruses de la littérature ». Le propos est intéressant ; il s’agit de voir comment, dans ses poétiques et ses imaginaires propres, la littérature pense l’immatériel et se pense elle-même comme objet immatériel. Alexandre Péraud explore chez Balzac les effets romanesques de l’« immatériel monnayable » qui se met en place progressivement avec la sécularisation des sociétés occidentales. A. Péraud s’interroge alors sur l’argent « immatériel » chez Balzac (crédit, lettre de change), motif qu’on sait capital chez l’écrivain. Claire Barel-Moisan s’intéresse également à Balzac et aux qualités réflexives du réalisme balzacien : le roman de Balzac met bien souvent en scène — Illusions perdues en est le cas exemplaire — les conditions de production matériel du livre, de la valeur fiduciaire qui est accordée aux œuvres de l’esprit. Force est de constater que les forces écrasantes du marché nourrissent profondément l’œuvre de Balzac, que sa poétique y est largement redevable — à tel point, propose finalement Cl. Barel-Moisan, que la « macro-œuvre » qu’invente Balzac finit par avoir des répercussions sur le monde de l’édition et sur les données matérielles de l’oeuvre. Marie-Ève Thérenty explore ensuite ce que peut induire dans la poétique des écrivains de la monarchie de Juillet les nouvelles règles de calibrage issues de la culture médiatique. Article, feuilleton, ouvrage, lignes, etc. : tout est compté en ce régime. M.- Ève Thérenty montre qu’il y a là une véritable contrainte poétique sur laquelle vont jouer les écrivains, avec parfois beaucoup d’inventivité. Marta Carairon s’arrête pour sa part à l’année 1855, année de l’Exposition Universelle qui voit se heurter arts et industrie, année aussi de la publication des Chants modernes de Maxime Du Camp auquel s’intéresse M. Caraion. Du Camp est symptomatique selon M. Caraion d’un moment de l’histoire littéraire à son tournant, où se discutent l’utilité de l’art et l’engagement de l’artiste dans le monde moderne et industriel. Pascal Durand s’attaque pour sa part à Mallarmé, poète de l’immatériel s’il en est, dont le projet poétique est celui d’un « tissu de rapports » des signifiants entre eux ; ce jeu mobile et suggestif est pourtant formé de la matérialité même de la poésie, des mots, de la page, du livre qui la constituent. En outre, la poésie de Mallarmé est souvent composée de pièces de circonstances qui, formellement, intègrent la « formalité » sociale de leur existence. Jean-Pierre Bertrand enchaîne en se proposant de rapprocher de « l’économie paradoxale des biens immatériels » la série d’inventions des « techniques » littéraires de la modernité. Les formes novatrices concernées ne sont pas innombrables (le trimètre romantique, le roman-feuilleton, le poème en prose, le vers libre, le monologue intérieur, le calligramme, le poème-conversation et l’écriture automatique) mais permettent de baliser un long siècle littéraire, du romantisme au surréalisme.

7Cinq contributions constituent le cinquième chapitre, intitulé « Fictions immatérialistes ». Françoise Sylvos fait le point sur le mélange de la fiction et de l’utopie dans la première moitié du siècle. La fiction peut permettre de « matérialiser » (de concrétiser fictivement) l’immatériel (l’utopie). Yves Chastagnaret s’intéresse à la critique littéraire d’Hippolyte Fortoul dans les années 1830. Ce critique, qui fut plus tard ministre de l’Instruction publique sous Napoléon III, promeut progressisme social et littérature, cette dernière devant se donner la mission d’éclairer et de faire connaître les voies du progrès. Chez Brigitte Louichon, on s’intéresse cette fois à la rencontre, dans le roman sentimental, de l’immatériel (les sentiments, « l’idéalisme du discours amoureux ») et du matériel (le monde concret, prosaïque, dans lequel le roman s’énonce) : ce heurt est une tension fondatrice du genre sentimental, lequel s’épanouit de la Nouvelle Héloïse (1761) à Dominique de Fromentin (1869). Le chapitre se poursuit avec la contribution de Geneviève Jolly, qui s’intéresse à ce qu’elle appelle le « théâtre de l’immatériel », c’est-à-dire le théâtre symboliste de la fin du siècle, réaction au « matérialisme » du naturalisme et du réalisme. Enfin le chapitre se referme sur la contribution de Dominique Dupart, qui porte sur « l’éloquence immatérielle » de Lamartine, ce « lyrisme industriel » qui vise à faire de chaque citoyen un poète, l’éloquence politique étant pensée comme une courroie de transmission poétique. Le propos est intéressant quoique parfois un peu confus, faute à une écriture souvent elliptique.

8Le sixième et dernier chapitre est consacré aux « Images et spectacles matérialistes ». Hugues Laroche s’intéresse au cliché dans la poésie parnassienne. Le propos est pertinent mais très loin du thème général de l’ouvrage, le cliché étant associé à une « matérialité » et « l’aura » poétique à une « immatérialité » suggestive. Martine Lavaud propose ensuite une réflexion très intéressante sur les photographies de la Commune, souvent décalée face à l’événement (la plupart sont prises après les combats), retouchées et trompeuses, alors que des écrivains comme Daudet ou Mendès se posent, par l’usage d’une écriture mieux calibrée, en reporters sincères des événements. Toutefois la photographie est parfois apte à laisser saisir un ensemble d’impressions particulières de la Commune, qui vont en retour suggérer un ensemble de potentialités poétiques et narratives à certains écrivains, notamment Gautier, les Goncourt ou encore Alphonse Daudet. Dans le registre de l’iconographie, l’intervention suivante porte sur le « matérialisme » de Courbet. Frédérique Desbuissons veut ainsi rappeler de quelle manière on concevait le réalisme de Courbet, mais aussi la construction publique de l’image du peintre lui-même, image relayée par la presse et influant sur les modes d’appréciation de sa peinture. L’intervention de Ting Chang porte également sur Gustave Courbet. Analysant les sous-entendus sociaux de l’accoutrement des personnages du tableau La Rencontre, le propos est juste mais rien ne le rattache à la problématique, pourtant très lâche, du volume. Olivier Bara s’intéresse quant à lui au « boulevard théâtral », c’est-à-dire géographiquement le boulevard du Temple, lieu de spectacles moins littéraires et plus populaires que le théâtre légitime et officiel. Sur le boulevard du Temps s’épanouit le mélodrame, compromis entre le visuel (le matériel) et le discursif, alors que le théâtre légitime privilégie le dire, l’immatérialité de la parole. O. Bara dresse alors le portrait général du discours critique consacré à cette manifestation spectaculaire durant la première moitié du siècle : Geoffroy au Journal des Débats établit déjà une distinction entre industrie théâtrale et art dramatique — le boulevard du Temple relevant bien sûr de la première —, distinction qui va perdurer tout au long du siècle. Les romantiques remettent néanmoins en question la frontière entre le visuel et le discursif ; Nerval et Gautier proposent des réflexions critiques en ce sens, considérant que de la matérialité du spectacle peut naître un effet poétique tout à fait légitime. Enfin, la dernière intervention du chapitre est celle d’Hervé Lacombe ; elle porte sur le genre du grand opéra, né au tournant de la Restauration et la monarchie de Juillet. H. Lacombe envisage le genre selon deux concepts : le progrès et le capital. Ceux-ci se trouvent transfigurés par l’opéra, reflet d’une culture bourgeoise triomphante.

9Les directeurs de l’ouvrage ont demandé à Pierre Macherey de rédiger une postface. L’auteur de Pour une théorie de la production littéraire (1971) propose une réflexion sur la « chose littéraire », reposant la vieille (mais toujours fascinante) question de ce qu’est la littérature. P. Macherey s’emploie à rappeler l’écart qui existe entre petite et grande littérature, mais aussi entre certaines approches critiques. Il distingue alors les approches « matérielles » de la critique littéraire — la sociologie de Pierre Bourdieu est ici convoquée, démystifiante, relationnelle — et les approches « immatérielles », plus sensibles à la valeur intrinsèque de la littérature — et c’est alors Maurice Blanchot qui figure en prêtre de la religion de l’immanence de la littérature. La réflexion est juste mais quelque peu en décalage avec un ouvrage qui portait sur la culture au XIXe siècle.

10En conclusion, si l’ensemble des propos tenus dans ce gros ouvrage sont fort pertinents, le lecteur sera déçu s’il pensait trouver autour du concept « d’immatériel » quelque chose de nouveau, une orientation claire et rassembleuse, une manière de mieux appréhender le XIXe siècle dans son foisonnement. « Immatériel » est tantôt synonyme de culture, tantôt la métaphore d’un certain idéalisme, tantôt la marque d’une réaction au « matérialisme » d’une société sécularisée, tantôt encore un renvoi aux médiations en régime médiatique, etc. Plus prosaïquement, « immatériel » désigne souvent le monde des idées alors que « matériel » renvoie à la réalité objective du monde réel. Tout cela forme donc un assemblage assez hétéroclite de réflexions — ce qui n’enlève rien aux qualités intrinsèques de chacune d’entre elles.