Acta fabula
ISSN 2115-8037

2009
Juin-Juillet 2009 (volume 10, numéro 6)
Jennifer Ruimi

Qu’est-ce que les Lumières ? Nouvelles réponses

A l’ombre des Lumières, Littérature et pensée françaises du xviiie siècle, Sous la direction de Trude Kolderup & Svein-Eirik Fauskevåg, L’Harmattan, Paris, 2008 / Solum Forlag, Oslo, 2008. EAN 9782296069954.

1« Éclairer les marches mouvantes et les dimensions ésotériques des Lumières », tel est le but du groupe de recherches norvégien à l’initiative du projet « A l’ombre des Lumières ».

2Réunissant les contributions de deux colloques internationaux, l’ouvrage propose quatorze études organisées autour de trois axes : « A l’ombre des Lumières », « Liberté et nécessité » et « Les Autres des Lumières ».

3Le paradoxe est saisissant et séduisant. On connaît l’isotopie de la lumière et de l’obscurité omniprésente lorsqu’il est question du courant philosophique qui anime l’Europe du XVIIIème siècle : l’image de Philosophes armés de flambeaux pour faire sortir les peuples de l’obscurantisme où ils sont plongés est un lieu commun rarement remis en question.

4Cependant Colas Duflo va plus loin dans son article « Ombres des Lumières ». En effet, il examine de plus près l’expression qui constitue le titre de sa communication. Outre la définition la plus attendue, à savoir que les Lumières s’opposent aux ténèbres de la raison, l’auteur propose deux sens supplémentaires : l’ombre représente également les limites des Lumières, dont ont conscience les philosophes eux-mêmes. Plus encore, l’ombre, c’est ce que cachent les Lumières, notamment le sentiment, l’intime, en un mot, tout ce qui échappe à la raison aveuglante. Et de façon surprenante, Rousseau et Bernardin de Saint-Pierre ne sont pas les seuls à déplorer les effets néfastes de la suprématie de l’intelligence sur la vérité de la nature. Diderot suggère que le progrès a un prix, Voltaire, à travers le personnage de Pangloss, ne critique pas simplement l’optimisme de Leibniz, mais stigmatise une « figure de l’insensibilité philosophique ». Quant à Prévost, il montre dans Cleveland combien la philosophie peut détourner du bonheur. En d’autres termes, l’image que les Lumières se font d’elles-mêmes est [donc] plus contrastée qu’on ne le dit parfois »

5C’est ce que montre l’ensemble des articles de la revue. Afin de mêler les réflexions nées lors des différentes journées d’études menées par le groupe de travail « A l’ombre des Lumières », nous n’avons pas organisé ce compte rendu en fonction des trois parties du recueil (correspondant aux colloques qui avaient eu lieu) mais autour de trois catégories : les paradoxes qui constituent des zones obscures au sein de la clarté des Lumières, les défis lancés par les philosophes et écrivains de cette période et enfin les enjeux que constituait la réflexion sur l’altérité pour les penseurs du xviiie siècle.

6Franck Salaün, dans « Un point aveugle : les Lumières françaises et les dangers de la fiction », montre tout d’abord que les écrivains des Lumières, contrairement à ce que l’on pourrait croire, ne progressent pas sur la question romanesque et rejoignent les critiques des siècles antérieurs pour stigmatiser les dangers de la fiction. Seule la fiction à usage didactique est légitime ; Marivaux, en parodiant le Télémaque de Fénelon - exemple-type de roman acceptable- se voit alors rejeté par ses contemporains. C’est pourtant là un autre paradoxe dans la mesure où les Lumières françaises admirent les romanciers anglais inspirés par Marivaux. Cette série de paradoxes trouve une explication finalement assez simple. En effet, pour les penseurs du xviiie siècle, il était nécessaire d’asseoir leur légitimité et d’apparaître comme des penseurs sérieux, différents des auteurs frivoles « parfois au prix de reniements spectaculaires ou d’une mauvaise foi manifeste » conclut F. Salaün.

7Un autre paradoxe qui amène à reconsidérer l’image que nous avons des Lumières est exploré par Jean-Claude Bourdin dans son article « Diderot, autocritique des Lumières ». Nous y apprenons en effet que cette figure emblématique des Lumières se détache finalement de ses contemporains

8- tout d’abord parce qu’il est conscient des limites de l’entreprise des Philosophes qui recherchent une certaine adéquation entre la raison et le réel

9- et que la « leçon de Realpolitik donnée à Diderot par Catherine II », à savoir que « la réalité sociopolitique ne se règle pas sur la raison des philosophes » le conduit à repenser les conditions de réalisation du « bonheur dans la vertu » qui occupe ses contemporains.

10Par ailleurs, Diderot prône un nécessitarisme intégral, ce qui ne l’empêche pourtant pas de concilier liberté et nécessité, alors même que cette question suscite de nombreuses réflexions de la part des autres philosophes. J.-C. Bourdin en arrive à la conclusion que l’originalité de Diderot réside dans sa conception du possible, seul capable de dépasser la nécessité. « Or, ajoute-t-il, qu’est-ce qu’une raison qui subordonne le nécessaire au possible, sinon celle d’une philosophie poétique ? »

11Cette articulation problématique de la liberté et de la nécessité occupe la partie centrale de la revue et Yves Citton s’attache lui aussi à montrer comment cette question fondamentale au xviiie siècle est reprise par Potocki. (« Deus est machina. Conditionnements machiniques et déterminisme spirituel dans le Manuscrit trouvé à Saragosse») L’auteur de l’article montre que le Manuscrit, qui semble pour le personnage principal un voyage kantien hors de l’état de tutelle, un « devenir-philosophe » qui amènerait l’homme à être « un peu plus qu’une machine » se révèle être le lieu de tous les emprisonnements pour le héros, soumis à une gigantesque machination spectaculaire, qui le détermine, le conditionne mentalement. Dans l’œuvre de Potocki, l’accent est donc mis sur ce qui agit sur l’esprit, plus que sur le corps. Conditionné par une mise en scène, par un complot (et Y. Citton montre à cet égard combien l’imaginaire du complot est prégnant au xviiie siècle), Alphonse, le personnage du Manuscrit, devient alors un « automate spirituel ».

12Ses actions sont donc déterminées par un ensemble de causes extérieures, comme c’est le cas pour le personnage de Jacques le Fataliste sur lequel s’arrête Jean-Paul Sermain, dans « Liberté et déterminisme, la position de Diderot romancier ». En étudiant les questions inaugurales du roman, J.-P. Sermain montre que le travail de Diderot s’inscrit dans la réflexion née au xviiie siècle sur l’événement. Celle-ci est d’ailleurs à l’origine du roman historique qui invente une « version plausible de l’histoire, fondée sur le déchaînement des passions privées et l’incidence des accidents les plus rares » et d’un type de philosophie dite « historique », qui tente d’expliquer la présence d’événements par un ensemble de causes, de déterminismes culturels et sociaux. Avec Jacques le Fataliste, explique l’auteur de l’article, Diderot reprend la méthode de la philosophie historique et cherche à mettre en scène le spectre des causes possibles. Mais, parce qu’il exhibe cette recherche forcément partielle des causes et des circonstances, Diderot met en même temps en valeur le caractère artificiel du déterminisme, et par là même, le caractère artificiel de la fiction romanesque.

13Anne Beate Maurseth a une autre lecture du roman de Diderot dans « Une esthétique du probable ? Le motif du jeu et la fonction du hasard dans Jacques le Fataliste ». Après avoir montré l’importance du motif du jeu, omniprésent dans l’œuvre de Diderot, l’auteur montre que le hasard constitue le fil directeur de l’œuvre et que c’est bien par rapport au hasard et non par rapport à la liberté qu’il faut comprendre la notion de fatalisme.  A. B. Maurseth explique ensuite l’importance du hasard dans le contexte philosophique et mathématique de l’époque de Diderot (c’est le moment où le calcul de probabilités est sur le devant de la scène) et montre que Jacques le Fataliste est le lieu d’une élaboration d’une « esthétique du probable », qui, à terme, a pour but d’inventer « une solution au problème du décalage entre la simultanéité de la sensation et la succession de la représentation ».

14La revue se fait également l’écho de nombreux défis lancés à l’époque des Lumières. Ainsi, Sophie Audidière, dans son article : « Matière et souffrance : de la chienne de Malebranche à l’huître de L’Encyclopédie », montre à quel point la question de la sensation douloureuse ou plaisante a constitué une zone d’ombre pour les Lumières.

15En effet, comment fonctionne le couple souffrance / plaisir ? L’un et l’autre sont-ils interdépendants ? Entrent-ils dans le processus de la pensée ? Si c’est le cas, cela signifierait donc que les animaux pensent : naît alors une autre question : le plaisir et la souffrance chez l’homme sont-ils spécifiques ? Pour répondre à ces questions, l’auteur retrace les différentes positions philosophiques nées du refus de la position cartésienne consistant à distinguer la sensation et le jugement : Condillac le premier explique que le jugement naît d’une « sensation transformée » ; mais comment la sensation devient-elle une sensation transformée ? C’est la question que se posent les successeurs de Condillac, parmi lesquels figurent entre autres Diderot , Locke et Helvétius. Après un exposé des théories de la sensation, Sophie Audidière aboutit donc à la conclusion suivante : la différence de nature entre le plaisir et la souffrance demeure un point obscur pour les Lumières : distinguer les deux – et Condillac l’avait bien remarqué – amène à rendre plus importante la place de la douleur dans la naissance de la pensée. Or « si la douleur était une condition de possibilité de la pensée, elle est donc une condition de possibilité des Lumières » ; dès lors, les philosophes de Lumières, pour gommer cette zone d’ombre, ont  cherché à insister sur « la dynamique propre à la sensation plaisante autant qu’à la sensation douloureuse ».

16Øyvind Gjems Fjeldbu (« Sensibiliser la raison : l’art de persuader dans L’Emile de Jean-Jacques Rousseau ») aborde quant à lui un autre défi qui a concerné les Lumières, et plus particulièrement Rousseau.

17Øyvind Gjems Fjeldbu part  d’une recommandation de Rousseau qui pose les bases d’une méthode visant à « faire passer par le cœur le langage de l’esprit afin qu’il se fasse entendre. ». Pour Rousseau en effet, rendre la raison « sensible » est nécessaire pour éduquer une jeune personne, pour la marquer et parvenir à lui faire aimer la raison. Loin d’être un savoir désincarné, incompris, inutile, ce qui est enseigné à un enfant doit en quelque sorte être imprimé dans son esprit. En outre, « éveiller chez l’élève, et chez le lecteur, une sorte de passion pour la raison » répond à une perspective morale : pour amener un jeune homme à agir conformément au bien, il faut le rendre sensible au bien. Et pour le rendre sensible, il faut stimuler son imagination. Car c’est bien là la démonstration de Fjeldbu : l’image étant la base de la raison sensitive de l’enfant, et la raison sensitive étant elle-même à l’origine de la raison intellectuelle, il faut se servir de l’image – mais aussi des passions en train de naître chez l’élève- pour « persuader sans convaincre » le lecteur selon l’expression de J.-F. Perrin. C’est ainsi que se développe dans L’Emile toute une rhétorique de l’image fondamentale d’un point de vue pédagogique car elle apprend à l’élève et au lecteur à vivre et à agir dans l’amour de la raison.

18C’est aussi à un certain type d’images que s’intéresse Trude Kolderup (« Humanisations à l’ombre des Lumières : La Poupée de Bibiena ») : celles qui montrent des hommes réifiés et des choses personnifiées, qu’il s’agisse de textes de fiction (femmes-meubles chez Sade, homme-sopha chez Crébillon, homme baignoire ou pot de chambre sous la plume de Voisenon) ou d’expressions de la langue courante (T. Kolderup rappelle la multiplication des catachrèses dans le lexique mobilier : « Par exemple, une chose peut être légèrement humanisée, en étant simplement nommée. C’est le cas de plusieurs meubles du XVIIIème siècle auxquels on a donné des noms humains, comme la veilleuse, la bergère, le secrétaire, la duchesse, la marquise, l’ottomane, la sultane et le serviteur muet. »). L’auteur de l’article souligne que cette question de l’humanisation et la déshumanisation entre dans le cadre d’une réflexion plus globale sur la nature humaine : qu’est-ce qu’un homme et qu’est-ce qui le distingue de la machine, de l’objet ? Car en creux, c’est une définition de l’homme qui apparaît à l’ombre des objets. La dernière partie de l’article, consacrée à une étude de La Poupée de Bibiena, montre en outre que l’objet, en l’occurrence une poupée, peut instruire le personnage principal, le rendre plus humain. Ainsi, conclut T. Kolderup, passer par un récit complexe et ambigu comme La Poupée, « contribue parfaitement au projet anthropologique des Lumières, et au travail des philosophes pour toujours envisager la réalité humaine sous des angles neufs. »

19Pour ce faire, Voltaire aborde la question de l’identité culturelle, de la citoyenneté et de la naturalisation à travers un conte, L’Ingénu. C’est ce que montre Ingvild Hagen Kjørholt (« L’étranger dans le conte voltairien : le cas de L’Ingénu ») A travers cette œuvre de fiction, Voltaire soulève un ensemble de réflexions qui agitent ses contemporains : qu’est-ce qu’une nation ? qu’est-ce qui définit un citoyen ? qu’est-ce qui définit un étranger ? L’auteur de l’article étudie avec précision le personnage du Huron, ce qui l’éloigne de la communauté nationale et ce qui l’en rapproche, avant de mettre en évidence le trajet de l’étranger vers son intégration, son assimilation. Toutefois, cette figure du Huron, explique Ingvild Hagen Kjørholt, est bien plus complexe qu’il n’y paraît, dans la mesure où l’Ingénu est à la croisée de réflexions sur le droit du sang et sur le droit du sol – puisque le personnage possède des qualités naturelles stables qui le rendent proche des Français, même s’il ne maîtrise pas au début du conte les codes et les coutumes de la France. En somme, conclut l’auteur de l’article, le Huron est « un homme qui n’est étranger nulle part », c’est-à-dire un « cosmopolite ». Reste alors à déterminer la relation « entre le cosmopolite et le citoyen »

20Enfin, un des derniers défis mis en évidence par la revue concerne la justification des déviations morales des hommes par une sorte de « clinamen sadien ». Dans son article « Déclinaison des atomes et déviation morale : l’épicurisme sadien entre contingence et nécessité », Svein-Eirik Fauskevåg montre comment Sade – qui ne connaît les théories d’Epicure qu’indirectement- se rapproche en apparence de la réflexion épicurienne pour mieux s’en éloigner en réalité. Ainsi, si le plaisir est considéré comme une fin par Epicure et par Sade, les deux penseurs s’opposent sur les modalités d’accès au plaisir :

21- selon Sade, il s’agit de rechercher un plaisir effréné, tandis que pour Epicure, le plaisir doit être modéré et raisonnable 

22- pour Epicure, le plaisir doit être associé à la vertu, ce que Sade récuse (au contraire, plus le crime est grand, plus le désordre des atomes du libertin est grand et plus le plaisir est intense) Pour Sade, c’est donc le plus grand déséquilibre qui conditionne le plus grand bonheur.

23Sade s’oppose par ailleurs à Epicure sur un autre point : loin d’être guidée par la non-nécessité propre au clinamen épicurien, la conduite des libertins sadiens est la conséquence d’une série de facteurs extérieurs, d’un ensemble de causalités externes. Le comportement des héros résulte donc d’un flux d’atomes désordonnés et non de quelque chose d’acquis. Les déviations sadiennes ne sont pas l’expression de la liberté des personnages, mais au contraire de la contrainte de causes externes. Ainsi, les hommes deviennent les « esclaves » des « lois premières » de la nature.

24Restons dans l’étude des textes de Sade avec le stimulant article de Michel Delon « Sade ethnologue » : ce dernier analyse la façon dont Sade, qui a plus lu que voyagé, détourne les récits de voyage de ses contemporains pour remettre en cause le relativisme culturel et religieux généralement souligné par ces mêmes textes. Pour ce faire, Sade reprend certaines anecdotes qu’il transforme en les vidant de leur légitimité culturelle : ainsi, la coutume qui consiste à tuer des enfants pour la santé du souverain devient un rite barbare où des enfants sont tués gratuitement pour le plus grand plaisir de sauvages qui assistent à ce spectacle. Les exemples repris par M. Delon sont nombreux et ils permettent à l’auteur d’affirmer qu’en multipliant les anecdotes horribles, Sade ne se contente pas de remettre en cause le dogme chrétien, mais aussi la bonne conscience des Lumières : pour l’écrivain, l’enjeu est donc de débusquer « l’inhumanité derrière tous les actes et les usages. »

25 A l’inverse, Voltaire veut précisément faire prendre conscience du relativisme culturel et moral que critique Sade et il est intéressant que l’article de Sylvain Menant (« Les autres de Voltaire ») suive dans la revue l’article sur « Sade ethnologue » tant les deux articles se complètent. Si Voltaire a plus voyagé que Sade, il a lui aussi beaucoup lu de notes de voyage  et s’appuie sur son savoir livresque pour décrire les mœurs des étrangers, des « Autres ». Ce faisant, Voltaire décrit des coutumes plutôt étranges, qui pourraient à première vue amener une critique des rites étrangers. Pourtant, S. Menant montre que dans les anecdotes même se trouve la clé de ce paradoxe : à l’horizon de ces récits se trouve le désir de susciter une réaction des lecteurs sur les autres, certes, mais surtout sur soi-même. En s’étonnant des coutumes étrangères, le lecteur est amené à remettre en question ses propres rites.

26Reste dans cette question du rapport à l’autre un situation particulièrement étonnante dans l’esprit du lecteur du xxie siècle, et dont Martin Wåhlberg se fait l’écho dans son exposé sur « L’altérité des Lapons : une difficulté dans l’Europe des Lumières ». Prenant pour point de départ l’exclamation de Mme de Graffigny : « Ah, mon Dieu, comment peut-on être Lapon ? », M. Wåhlberg retrace les enjeux de la question de l’identité des Lapons. Comment en effet comprendre qu’un peuple qui vive en Europe soit à ce point différent des autres peuples européens ? « La tension entre identité et altérité en ce qui concerne la Laponie risque en effet, de renverser la cohérence de l’identité de l’homme européen » Ce débat amène ainsi les penseurs du xviiie siècle à repenser la théorie du climat par exemple. Pourtant, explique l’auteur de l’article, lorsque quelques voyageurs se risquent à établir un lien d’identité entre les Lapons et les autres peuples d’Europe, ceux-ci ne sont pas entendus. M. Wåhlberg en conclut que la vraie question lapone est à mettre à relation avec les théories de l’origine des hommes : Buffon, comme Voltaire, pour des raisons opposées ont ainsi besoin que les Lapons soient différents des autres Européens, l’un parce qu’il défend la théorie de la monogenèse (les hommes ont tous une même origine mais, en s’éloignant de cette origine, ils se sont différenciés), l’autre parce qu’il soutient l’idée d’une polygenèse (les peuples varient selon le lieu où ils vivent). L’altérité des Lapons constitue ainsi un enjeu majeur dans les théories des Lumières.

27La variété des articles littéraires et philosophiques contribue à apporter un nouvel éclairage (c’est le cas de le dire) sur le courant des Lumières. En montrant les zones d’ombres, les paradoxes, la mauvaise foi, l’ambiguïté des positions de ces penseurs du xviiie siècle, la revue dévoile « là où le vêtement bâille », ce qui, comme chacun sait depuis Barthes, est toujours l’endroit le plus intéressant.