Actualité
Appels à contributions
Le rire (Revue Alkemie, n° 34)

Le rire (Revue Alkemie, n° 34)

Publié le par Eloïse Bidegorry (Source : Aurelien Demars)

Le rire

Appel à contribution pour le numéro 34 d’Alkemie

Revue semestrielle de littérature et philosophie

 Rien de plus divers que le rire. La réaction de divertissement que celui-ci suppose n’est jamais unitaire, même dans une salle de spectacle où le public rit d’une même chose. L’effet général de la situation comique s’y traduit par une sorte de bêlement unitaire ; cependant, quand on y prête l’oreille, on se rend compte que chacun rit d’une manière qui lui est propre. Car il y a rire et rire. Il peut être (celui-ci ou celui-là) argentin, goguenard, niais, gloussant, émerveillé, sardonique, charmant, ironique, libérateur, retentissant. Il y a le rire jaune, comme le préconise Mac Orlan, soupçonné d’être contagieux et qui produit le décès de celui qui en est atteint. On rit à gorge déployée, aux éclats, on est pris d’un fou rire. On pouffe, on s’esclaffe, on se tord de rire. La moindre chose que l’on puisse dire, à propos de cette liste qui est loin d’être complète, c’est qu’aucun des rires ici nommés ne ressemble aux autres. Pourtant, rire est le propre de l’homme, comme on le sait depuis bien longtemps.

Nous voilà dans le puits sans fond de l’hétérogénéité. Car si chaque rire est différent des autres, qu’est-ce qui justifie la contraction des muscles faciaux, l’élargissement de la bouche, les secousses du corps, la couleur changeante du visage ? Baudelaire, à la recherche d’une essence du rire entraîné par le comique dans les arts plastiques, y voit une manifestation satanique. Ce « monstrueux phénomène », attribué à un sentiment de supériorité, conforte le rieur dans la conviction que le petit malheur qui l’amuse ne pourra jamais lui arriver. Mais, en regardant les films de Laurel et Hardy, rit-on encore de leurs petites misères comme nos prédécesseurs ? Il paraît que ce qui fait rire à une certaine époque n’a plus le même effet à une autre ; même le comique de Molière n’est plus ce qu’il était à la Cour de Louis XIV ou sur les tréteaux du Palais-Royal. Le public d’aujourd’hui poursuit de manière plus pensive, et sans doute moins amusée, les tribulations du Misanthrope ou les entreprises de Tartuffe que ne le faisaient les spectateurs de l’époque.

Mais alors, de quoi rit-on ? D’un défaut, d’une caricature, d’une situation généralement appelée comique, comme le veut la tradition. Car le rire se laisse approcher à travers un concept esthétique : le comique, défini par Bergson comme du mécanique plaqué sur du vivant. Sinon, il est provoqué par un propos bref, surprenant et révélateur, selon Freud citant un de ses contemporains. Le mot d’esprit, longuement analysé par le créateur de la psychanalyse, est un phénomène de langage particulier, dans la mesure où il intervient, à l’improviste, au cours d’une conversation et qu’il a pour effet, en plus du rire, le renversement d’un propos dont il est la réaction. Au sujet du mot d’esprit, Cioran cite à plusieurs reprises la définition qu’en donne Benjamin Constant : « coups de fusil tirés sur une idée », dans le sens où le fait d’y avoir recours suspend le développement d’une idée énoncée. C’est un peu comme l’ironie, dont la pratique trouble « les clairs paysages de la raison », pour citer Jankélévitch. Partagé entre l’effet humoristique et la conséquence qui va avec, c’est-à-dire l’immobilisation de l’idée dans l’impasse logique, le mot d’esprit permet le déploiement hilare aux dépens du bon ordre du discours.

Sinon, le rire s’insurge contre quelque chose. L’exemple de Démocrite, soupçonné de folie par ses propres concitoyens, en est le meilleur exemple. Il s’agit d’un échange de lettres datant du début de l’ère chrétienne qui met en scène les deux héros, de la médecine et de la philosophie. Hippocrate, arrivé en toute vitesse pour traiter le « malade », supposé être en proie à une crise provoquée par l’excès de bile noire, doit se rendre à l’évidence et proclamer l’excellence philosophique de son interlocuteur, qui lui dévoile rien de moins que la folie du monde, avec force éclats de rire. Pour une fois, le médecin devient patient et accepte la leçon de sagesse que le philosophe lui prodigue sans pitié, comme quoi il ne faut pas se faire d’illusions, le monde est fou, et les gens qui vont avec… Ici, l’euthymie s’associe à la connaissance et réunit savoir et bonne humeur. En somme, une gaya scienza avant la lettre… — Constantin Zaharia

Modalités de participation

 Les propositions d’article, inédit et en langue française, sont à envoyer jusqu’au 1er juin 2024. Les textes doivent être transmis au comité de rédaction, aux adresses info@revue-alkemie.com et mihaela_g_enache@yahoo.com (en format Word, 30 000 à 50 000 signes maximum, espaces comprises). Les normes de rédaction et autres indications aux auteurs sont précisées sur le site de la revue (http://www.revue-alkemie.com/_03-alkemie-publier.html).

Outre votre contribution, nous vous prions d’ajouter, d’une part, une courte présentation bio-bibliographique (400 signes environ) en français, et, d’autre part, votre titre, un résumé (300 signes environ) et cinq mots-clefs en anglais et en français.

Site de la revue Alkemie : http://www.revue-alkemie.com

Directrice : Mihaela-Genţiana STĂNIŞOR

(mihaela_g_enache@yahoo.com)